Ackermans & van Haaren: la fine fleur du monde flamand des affaires
Le holding coté en Bourse Ackermans & van Haaren a été un des meilleurs investissements de ces 30 dernières années. Mais saviez-vous que la société était dirigée par deux familles d’origine néerlandaise depuis près d’un siècle et demi? Et que plusieurs familles bien connues du monde flamand des affaires s’étaient arrimées à ce rutilant attelage ces dernières années?
Les fortunes discrètes de Flandre
Plusieurs familles flamandes se sont constitué d’importants portefeuilles d’investissement au fil des ans. Elles font ainsi prospérer et croître notre économie. Trends-Tendances présente chaque mois une de ces familles souvent méconnues.
Pour les investisseurs, Ackermans & van Haaren est une institution. Mais rares sont ceux qui considèrent le holding coté en Bourse depuis 1984 et repris dans le Bel20 en 2007 comme une entreprise familiale. Ackermans & van Haaren semble d’ailleurs ne pas s’en prévaloir: sur son site web, il se présente comme “un groupe indépendant et diversifié”.
Mais l’entreprise est bel et bien sous contrôle familial. Rétroactes: en 1876, Hendrik Willem Ackermans et Nicolaas van Haaren (voir l’arbre généalogique), les pères fondateurs, créent une petite entreprise de dragage. C’est cette activité qui conduit les deux Néerlandais en Belgique, sur les rives de l’Escaut. “En tant que famille, nous restons très liées au dragage et à l’eau. L’eau et la boue, ce sont nos racines”, explique Luc Bertrand (72 ans), président du conseil d’administration. Et le holding d’investissement anversois ne fait pas non plus secret de ses origines néerlandaises. “A la hollandaise, nous sommes attentifs au moindre sou. Ici, un franc reste un franc”, signalait Luc Bertrand début 1992, quand il avait été élu Manager de l’Année chez nos collègues de Trends.
Un cours multiplié par 14 en 30 ans
Souvent qualifié de froid et énigmatique, mais parfois tranché, Luc Bertrand reste à ce jour la figure la plus connue du holding familial. Il a rejoint l’actionnariat familial après avoir épousé Fabienne Ackermans (71 ans), arrière-petite-fille du père fondateur Hendrik Willem. L’Anversois est ensuite devenu administrateur en 1985 et CEO de 1990 à 2016. C’est pendant cette période qu’Ackermans & van Haaren a réellement pris son envol. Au point que l’action a été divisée par 10 à deux reprises dans les années 1990.
Durant l’été 1992, Ackermans & van Haaren absorbe le spécialiste de la gestion de patrimoine Delen en échange d’actions nouvelles. A l’époque, l’action s’échangeait à environ 57 euros (soit environ 108 euros actuels). Aujourd’hui, elle est valorisée autour de 150 euros, mais une division par 10 est intervenue en 1999. Avant cette date, les actionnaires percevaient un dividende de 0,37 euro par action (0,59 euro actuel). En 2022, Ackermans & van Haaren a distribué un dividende de 3,9 euros par action.
Les familles historiques derrière Ackermans & van Haaren ont doublement ancré leur participation dans le véhicule financier. Le holding d’ancrage familial SA Scaldis Invest contrôle un tiers des actions du holding coté en Bourse. S’y ajoute un holding en Belgique: Belfimas. Les descendants d’Hendrik Willem Ackermans et de Nicolaas van Haaren en détiennent 51% du capital. Les autres actionnaires de SA Belfimas sont souvent des noms connus. Certains détiennent une participation dans Ackermans & van Haaren depuis les années 1980.
De la Brasserie Palm au groupe KBC
La liste des actionnaires se lit comme un Who’s Who du paysage flamand des affaires. On y trouve plusieurs familles connues, comme Jan Toye (ex-Brasserie Palm), Macharis (les emballages VPK) ou la famille de biscuitiers et cigariers ouest-flandriens Vandermarliere.
Les descendants du grand médecin flamand Paul Janssen sont également membres du club. Comme la S.A. 3D de l’Est-Flandrien Frank Donck, également actionnaire d’ancrage et administrateur du groupe KBC, qui y est présent depuis les années 1990. Ou la famille de Marc Leysen, devenue actionnaire en 1997, quand Ackermans & van Haaren a racheté la Banque van Breda. C’est Bart Deckers, cousin par alliance de Marc Leysen, qui représente la famille Leysen au conseil d’administration d’Ackermans & van Haaren.
Ce conseil d’administration reste cependant dominé par les descendants directs des deux pères fondateurs néerlandais, qui y occupent cinq des neuf sièges. Luc Bertrand en est le président. Frederic van Haaren (62) est le seul administrateur à encore porter le nom d’un des deux pères fondateurs. Dans la vie quotidienne, il est échevin (Open Vld) de l’Environnement et des Travaux publics à Kapellen.
Durabilité et changement climatique sont les chevaux de bataille de nombreux actionnaires familiaux.
Les deux autres administrateurs familiaux sont Thierry van Baren et Pierre Willaert, qui appartiennent tous deux à la branche Van Haaren. Un membre de la famille est cependant classé comme administrateur indépendant: issu de la cinquième génération, Julien Pestiaux (43) est le fils d’Henriane Ackermans. L’ingénieur est partner chez Climact SA, une entreprise de conseil en matière d’énergie, de climat et de durabilité. “La sélection des administrateurs familiaux ne se fonde pas sur la participation, précise Luc Bertrand. Nous recherchons les meilleures personnes au sein de cercle familial large.”
Avocats, agriculture bio et cinéma
Via encore une fois leurs participations individuelles (qui dépassent rapidement les 50.000 actions), les descendants directs se rendent en masse à l’assemblée générale d’Ackermans & van Haaren. En novembre 2017 par exemple, 35 membres de la famille ont répondu présent. Etonnant: la plupart de ces participations restent détenues en leur nom personnel. Les membres de la famille ont peu recours aux holdings patrimoniaux. Ils ne vivent pas non plus dans des châteaux ou d’imposantes villas. De nombreux actionnaires se contentent d’une simple maison de rangée, même si la plupart ont été rénovées avec goût.
La réalisatrice Marion Hänsel (1949-2020), alias Nicole Ackermans, fut sans doute l’actionnaire familiale la plus connue dans le monde des arts.
Ce vaste éventail d’actionnaires familiaux se reflète également dans leurs activités professionnelles: avocats, médecins, coachs médiatiques, chercheurs universitaires… De lourds investissements dans d’autres sociétés sont rares. L’actionnaire familiale sans doute la plus connue dans le monde des arts était la réalisatrice de cinéma Marion Hänsel (1949-2020), alias Nicole Ackermans. Son fils Jan Ackermans entretient cette tradition cinématographique via deux sociétés (en pertes).
Durabilité et changement climatique sont les chevaux de bataille de nombreux actionnaires familiaux. Henri-Joe Dieryck (41 ans) dirige une ferme bio à Kontich, Het Vrijselhof. Ce rejeton de la cinquième génération y élève et cultive notamment des poulets, des lapins, des porcs et des légumes sur une superficie de 17 hectares. Le tout dans le cadre de la SRL (également déficitaire) De Groene Aap, pour un total du bilan de 4,8 millions d’euros. Henri-Joe signale ainsi sur le site web de la ferme: “Nous ne nous considérons pas comme propriétaires de nos terres: nous les gérons et en prenons soin afin que nos enfants aussi puissent grandir dans un monde sain et passionnant”.
Bertrand succède à Bertrand
Pour le monde extérieur, la famille Bertrand reste l’incarnation d’Ackermans & van Haaren. Via une série de sociétés, l’actionnaire de contrôle final des participations familiales est Het Torentje, une Stichting Administratiekantoor (Stak) de droit néerlandais. La famille Bertrand-Ackermans occupe quatre des six sièges au conseil d’administration: Luc, son épouse Fabienne et leurs enfants Stéphanie et John-Eric. “Non, je ne suis pas le seul pater familias, nuance cependant Luc Bertrand. Il y en a plusieurs, qui exercent chacun une autorité morale sur leurs propres branches familiales.”
Devenu co-CEO d’Ackermans & van Haaren l’an dernier, John-Eric Bertrand (45 ans) est le seul membre de la famille actif au sein du comité de direction. L’ingénieur commercial travaille pour l’entreprise depuis 2008. “A la maison, j’ai toujours vu énormément d’éthique de travail, expliquait John-Eric Bertrand à la mi-mars dans Trends-Tendances. Se lever tôt et se retrousser les manches: je n’ai jamais rien connu d’autre.”
Sa sœur Alexia Bertrand (43 ans), plus connue que John-Eric, a été nommée secrétaire d’Etat fédérale au Budget l’automne dernier. Dans son port d’attache de Woluwe-Saint-Pierre où habite également son père Luc, elle siège comme libérale au conseil communal depuis des années. “Alexia se donne à 100%. C’est une véritable bête de campagne. Lors des dernières élections, elle a parcouru toutes les rues de la commune”, révèle sa collègue conseillère communale Carla Dejonghe (Open Vld) en septembre 2015 à Trends-Tendances. Mais son mandat politique de secrétaire d’Etat était inconciliable avec son siège d’administratrice chez Ackermans & van Haaren. Fin novembre, elle a donc démissionné du holding après huit ans de bons et loyaux services.
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