“A 200 % de droits de douane, le business s’arrête”: les alcools européens menacés par Trump

La guerre commerciale entre les États-Unis et l’Union européenne pourrait se durcir. Jeudi, Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 200 % sur les alcools européens, en particulier les vins, champagnes, et autres spiritueux français, si l’UE ne retirait pas son projet de taxe sur le bourbon américain. Les brasseurs belges ne savent pas encore quelles répercussions cette menace aura sur leurs activités.
Trump a encore frappé ! Jeudi, il a menacé d’imposer des droits de douane de 200 % sur les alcools européens. Cette déclaration fait frémir tout le secteur viticole, le plus exposé à cette décision. En 2023, l’UE a exporté près de 3,5 milliards de dollars de vin vers les États-Unis, rapporte l’AFP. Parmi ceux-ci, les vins français occupent une place prépondérante, avec 2,4 milliards d’euros exportés vers le marché américain en 2024, selon les douanes françaises. Actuellement, ces vins sont soumis à une taxe de 0,8 %, soit quelques centimes par litre. Mais avec une taxe de 200 %, la situation serait catastrophique. Nicolas Ozanam, directeur général de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS), met en garde: « le business s’arrête ».
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Le champagne en péril
Un autre secteur particulièrement touché est celui du champagne français. En 2023, l’UE a exporté pour 1,6 milliard de dollars de vins pétillants vers les États-Unis. Les Etats-Unis sont le premier marché extérieur, avec 26,9 millions de bouteilles de champagne pour 810 millions d’euros selon le Comité Champagne. Vitalie Taittinger, présidente de la maison Taittinger, exprime elle aussi son inquiétude. Avec des droits de douane de 200 %, certaines bouteilles pourraient voir leur prix tripler, passant de 60 dollars à plus de 180 dollars. Un tel prix rendrait l’achat de champagne quasiment inaccessible pour le consommateur américain habituel. Les vins pétillants européens comme le Prosecco italien sont actuellement taxés à 2 % aux Etats-Unis, selon l’OMC.
Avec des droits de douane de 200 %, certaines bouteilles pourraient voir leur prix tripler, passant de 60 dollars à plus de 180 dollars.
Les autres spiritueux européens, tels que le cognac, risquent également de souffrir. En 2023, la France a exporté pour 1,1 milliard de dollars de cognac vers les États-Unis, un marché crucial pour ce produit. Le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) a exprimé son désaveu face à cette menace, soulignant qu’une telle décision mettrait en péril 70.000 emplois en France.
Le cognac et la vodka menacés
La vodka européenne, produite en Suède, Pologne, et France, est aussi concernée. Le marché américain a bénéficié d’un accord de 1997 qui a permis d’éliminer les droits de douane, favorisant une explosion des échanges commerciaux. Cependant, cette taxe menace de mettre à mal ces exportations, en particulier pour des marques comme Absolut et Belvedere (groupe LVMH). Quant au whisky, l’Irlande a exporté pour 135 millions de dollars vers les Etats-Unis en 2024. « Le fait que notre secteur soit impliqué dans ce conflit met en péril les emplois, les investissements et les entreprises et pourrait avoir un effet dévastateur sur le whisky irlandais », a réagi vendredi Eoin Ó Catháin, directeur de l’Irish Whiskey Association.

La bière belge aussi surtaxée?
Près d’un milliard de dollars de bière européenne a été exporté aux Etats-Unis en 2023, selon l’OMC, soit plus de 40 % des exportations de bières européennes. La bière européenne n’est pour l’instant pas taxée par les Etats-Unis.
Le secteur brassicole, notamment belge, reste actuellement dans le flou face aux menaces de surtaxe de Trump. Les Brasseurs belges sont inquiets d’une éventuelle hausse des taxes américaines sur les produits alcoolisés européens, mais une telle mesure “ne va pas tuer le secteur”, a commenté vendredi le directeur de la fédération des Brasseurs belges, Krishan Maudgal. Les consommateurs américains ont longtemps ingurgité de la bière belge, mais depuis quelques années, ils semblent se tourner vers une consommation plus locale. Les exportations de bière belge vers les Etats-Unis ont dégringolé de plus de 90% entre la période pré-Covid et 2023, à 196.000 hectolitres. Hors Union européenne, le pays n’est plus que le quatrième marché d’export pour la bière belge.
Pour nous, cela signifierait l’arrêt complet des exportations aux Etats-Unis.
Maudgal Krishan
directeur de la fédération des Brasseurs belges
Bien que la bière n’ai pas été incluse dans le paquet des produits surtaxés en 2018 lors du premier mandat de Trump, des inquiétudes persistent. Les brasseurs suivent attentivement la situation. La bière figure sur la liste des produits américains que l’Europe envisage de taxer, “en rétorsion aux nouveaux droits de douane injustifiés imposés par les États-Unis sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de l’Union européenne”, annonçait mercredi la Commission européenne dans un communiqué. Selon M. Maudgal, il ne fait aucun doute que le président américain devrait faire de même avec les bières européennes. “Avec un personnage comme Trump, nous attendons de voir si la mesure sera réellement appliquée”, ajoute-t-il. “Pour nous, cela signifierait l’arrêt complet des exportations aux Etats-Unis.”
Un marché moins important

“L’importance du marché US a aussi changé pour nous au cours des cinq dernières années”, explique Krishan Maugdal dans L’Echo. De nombreux brasseurs ont installé des lignes de production sur place, à la suite des disruptions provoquées par la pandémie et suite à l’explosion des coûts énergétiques en Europe. Le mastodonte du secteur AB InBev brasse ainsi la Stella Artois dans le Missouri depuis 2021. “Cela ne va pas tuer le marché, mais en termes d’image et de réputation, c’est un peu pénible car la bière belge reste la référence mondiale”, poursuit le directeur des Brasseurs.
Cela ne va pas tuer le marché
Maudgal Krishan
directeur de la fédération des Brasseurs belges.
Malgré cette baisse, les bières belges restent une référence sur le marché américain. Duvel Moortgat, par exemple, génère 36 % de son chiffre d’affaires grâce aux exportations américaines, ce qui le place dans une position vulnérable face à une éventuelle surtaxe, analyse le quotidien belge. Les brasseurs belges sont ainsi partagés. Certains, comme Duvel ou Huyghe (Delirium), seraient particulièrement touchés par une hausse des droits de douane.
Les vignerons et distillateurs belges déçus
Les vignerons et distillateurs belges sont déçus de voir le terrain de guerre commerciale, initialement circonscrit à l’acier et l’aluminium, s’élargir à leur domaine. “Nous demandons instamment aux deux parties de cesser d’utiliser notre secteur comme monnaie d’échange dans des conflits qui n’ont rien à voir avec nous”, clame Geert Van Lerberghe, directeur général de Vinum Et Spiritus, la fédération belge des vins et spiritueux. Ce dernier appelle l’Union européenne et les États-Unis à “désamorcer ce différend afin de préserver le commerce transatlantique des spiritueux, qui est florissant depuis 1997. C’est essentiel non seulement pour protéger l’ensemble du secteur, mais aussi pour renforcer la position internationale du terroir belge. (…) Nous sommes les principaux marchés les uns des autres, liés par des investissements, des passions, des traditions et des succès communs, dont bénéficient les consommateurs de l’Union européenne et des États-Unis.”
L’UE a annoncé mercredi des droits de douane sur une série de produits américains, dont le bourbon, les motos ou les bateaux, en représailles aux surtaxes de 25% sur l’acier et l’aluminium. Ils devraient devenir effectifs à compter du 1er avril, une journée avant les droits de douane dits “réciproques” voulus par Donald Trump. “Si ces droits de douane ne sont pas retirés immédiatement, les Etats-Unis vont rapidement imposer des droits de douane de 200% sur tous les vins, champagnes et produits alcoolisés venant de France et d’autre pays de l’UE”, a réagi le président américain.
Avec BELGA et l’AFP
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