22 milliards d’euros: jamais les entreprises n’avaient payé autant d’impôt sur les sociétés

Les montants que nos entreprises paient comme impôt sur les sociétés ne cessent d’augmenter. En 2024, elles ont versé plus de 21,8 milliards d’euros au Trésor public. Depuis 2018, les records se succèdent, à l’exception de l’année 2020 marquée par la crise du coronavirus. Mais 2024 pourrait bien être la dernière année record.

Trends a analysé, en collaboration avec la base de données financières Trends Business Information, les bilans de 548.320 entreprises pour l’exercice 2024. 432.913 d’entre elles (près de 79 %) paient l’impôt sur les sociétés. Les 21% restants sont soit déficitaires, soit en mesure de récupérer fiscalement des pertes reportées. La sélection a été effectuée sur la base des bilans individuels d’entreprises belges ou de filiales de groupes internationaux. Ces bilans mentionnent très concrètement le montant réel et effectif de l’impôt sur les sociétés payé à l’État belge. Dans le cas des holdings consolidés, le montant des liquidités versées à l’État au titre de l’impôt sur les sociétés n’est pas toujours clair.

De plus en plus d’entreprises

Avec près de 21,85 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés payés, 2024 a été une nouvelle année record. L’une des principales raisons est l’augmentation significative du nombre des entreprises qui contribuent à l’impôt. « Si le nombre d’entreprises augmente, la somme des bénéfices bruts et donc des impôts augmente également », explique Pascal Flisch, analyste chez Trends Business Information. En 2020, 355.845 entreprises sur un total de 483.541 ont payé l’impôt sur les sociétés, soit 73,59%. Au cours de l’exercice 2024, 77.068 entreprises supplémentaires ont payé l’impôt sur les sociétés.

Et ce chiffre est encore sous-estimé. Nous avons analysé les chiffres jusqu’au 22 octobre 2025. Mais il y a toujours des entreprises qui déposent leurs bilans en retard. « Environ 10.000 entreprises déposeront encore leurs bilans pour l’exercice 2024 », estime Pascal Flisch. À cela s’ajoutent les entreprises individuelles (indépendants en personne physique, par exemple), qui ne déposent pas de bilan. Le nombre total d’entreprises dans notre pays s’élève ainsi à 1,548 million.

« Néanmoins, de plus en plus d’entreprises optent pour une forme juridique qui les oblige à déposer un bilan. Il s’agit généralement de la société à responsabilité limitée. C’est une bonne chose », estime Pascal Flisch. « C’est plus transparent et cela nous permet de mieux analyser la santé financière du tissu économique. Si l’entreprise fonctionne bien, cela permet également de payer moins d’impôts que les indépendants. Si l’entreprise fait faillite, le patrimoine privé reste généralement préservé. »

Depuis 2018, les records ont été battus année après année, à l’exception d’un net recul en 2020, année marquée par la pandémie de coronavirus. « En 2020, en raison de la pandémie, le gouvernement a accordé un report de paiement des impôts et de la TVA », explique Pascal Flisch. « En conséquence, de nombreuses entreprises ont clôturé l’exercice 2020 avec des dettes fiscales plus importantes que d’habitude. Cet argent a été versé dans les caisses des pouvoirs publics en 2021. »

Une autre explication des recettes record est la diminution du nombre de niches fiscales permettant d’échapper à l’impôt.

La dernière année record ?

2024 pourrait bien être la dernière année record. « 2024 a surtout été une année d’économies pour les entreprises », analyse Pascal Flisch à la lumière des chiffres. « Le chiffre d’affaires des grandes entreprises, en particulier, est en baisse, tandis que la marge brute ne progresse que très légèrement. Les entreprises ont donc été prudentes dans leurs achats et ont surveillé de près leurs dépenses quotidiennes. De plus, des licenciements ont eu lieu. Pas toujours massifs, mais un peu partout. Et enfin, elles ont reporté leurs investissements. »

« Ces trois facteurs font augmenter l’assiette fiscale et, globalement, le montant des impôts payés. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle », prévient Pascal Flisch. « Le montant augmente parce que les entreprises se restructurent. 2025 pourrait être une année charnière. Si les entreprises continuent à ne plus investir, la bataille est pratiquement perdue. »

La Flandre paie le plus

Avec 63% du total, la Flandre paie à nouveau la majeure partie de l’impôt sur les sociétés. En Wallonie, le montant perçu a même diminué. 82% des entreprises flamandes paient cet impôt, contre seulement 77% des entreprises wallonnes. « L’économie wallonne ne fonctionne pas comme elle le devrait », estime Pascal Flisch. “Le pouvoir d’achat est faible et de nombreuses entreprises sont donc en grande difficulté. Pas les grands acteurs, mais les petites et moyennes entreprises. Le secteur de la construction souffre et les magasins sont en pleine crise : pas moins d’un magasin sur cinq est à louer. Néanmoins, les recettes fiscales devraient être les mêmes en 2024 qu’en 2023 en Wallonie, une fois que tous les bilans manquants auront été déposés à la Banque nationale. Dans l’ensemble, c’est un très bon chiffre, après la hausse de 2023. En gros, davantage d’entreprises paieront en moyenne moins d’impôts, mais le montant total ne diminuera pas.”

Deux entreprises wallonnes sont toutefois des poids lourds absolus. Comme l’année dernière, Mastercard Europe et GlaxoSmithKline Biologicals occupent les premières places. Ensemble, elles ont payé 793 millions d’euros d’impôt sur les sociétés, soit près de 19% du montant total de l’impôt sur les sociétés en Wallonie. « Ce sont deux belles entreprises. Nos décideurs politiques doivent veiller à ce qu’elles s’ancrent durablement en Belgique », espère Pascal Flisch. « Le problème, c’est que la moyenne wallonne est fortement influencée par ces deux géants. Le montant de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2024 s’élevait à 4,2 milliards d’euros en Wallonie, payés par 100.772 entreprises. Cela donne une moyenne de 41.758 euros par entreprise. Si l’on retire les deux plus gros contribuables du calcul, on arrive à un montant moyen d’à peine 33.890 euros. »