Plaisir de l’oeil

Quand art et artisanat fusionnent (ici, à la maison mère de Silhouette). © Silhouette

Silhouette International élargit ses frontières. L’entreprise familiale autrichienne a déposé le label Neubau Eyewear. Rencontre avec le nouveau CEO, Jan Rosenberg, au siège social de Linz.

Bien qu’entourée de verdure, la ville de Linz, baignée par le Danube, est le centre de l’industrie, de l’export et de la technologie autrichiens. En plus de compter quelques monstres de la chimie et une université réputée, elle se présente, grâce à son Ars Electronica Center, comme un lieu où se côtoient la science, l’art et la technologie. Un biotope idéal, donc, pour accueillir des entreprises ayant foi dans la nouveauté et le progrès. Et cela vaut, aujourd’hui plus que jamais, pour Silhouette International qui, outre ses célèbres montures ultralégères, produit et distribue les Adidas Sport Eyewear et la nouvelle marque Neubau EyeWear.

Dans le nouveau show-room de l’entreprise, Tanja Riener, responsable internationale de la presse, et Doris Scharl-Borsodi, directrice d’Atelier Collection font office de guides. “Nous avons travaillé deux ans à la ligne Atelier Collection. Voici quelques-uns des premiers exemplaires, sortis en direct de notre propre atelier”. Outre les montures en or, on découvre ici la vidéo de promotion d’Atelier Collection. Une avant-première qui s’accompagne du Concert pour Clavier n° 20 de Mozart. Puis apparaît Jan Rosenberg. “Cette salle d’exposition est tellement récente que je n’ai pas encore pu la découvrir moi-même. Ici, nous travaillons à la manière d’une affaire familiale, dans un esprit d’équipe, d’ouverture et d’intégrité. En tant que CEO, je souhaite soutenir et diffuser ces valeurs.”

Si l’homme n’a pris ses nouvelles fonctions que le 1er avril 2016, il possède une expérience de plus de 24 ans dans les affaires. “J’ai travaillé longuement dans les départements de vente et de marketing de diverses entreprises de l’industrie textile. Mais je suis ingénieur de formation, avec une spécialité en high-tech. J’ai acquis mon expérience en marketing essentiellement chez Sloggi et Triumph, où j’ai siégé à la direction durant 14 ans. Ici, je tente de continuer à développer la stratégie de marché de l’entreprise. Je souhaite adopter une approche plus orientée sur le consommateur tout en continuant à tabler sur nos normes élevées de qualité. Compte tenu de la somme d’efforts fournis pour produire celle-ci, je peux assurer que nous sommes le meilleur élève de la classe!”

Silhouette se positionne comme un fabricant de lunettes premium, un leader de l’ultraléger et une icône du design. Selon Jan Rosenberg, les porteurs de la marque lui restent souvent fidèles. D’où ce souci d’exigence permanent. “Je veux insuffler une vibration nouvelle à ce label. Raison pour laquelle nous nous tournons aussi vers divers types de verres. Nous avons ainsi travaillé avec des designers, notamment pour les lunettes solaires réalisées avec le dessinateur Wes Gordon et la marque de mode Felder Felder.”

LUNETTES DE COSMONAUTES

Les lunettes en tant qu’accessoire. Voilà le slogan avec lequel Silhouette fit ses débuts en 1964. Depuis, le label est devenu le plus grand fabricant au monde de lunettes légères. En 1999, il a initié une vraie révolution en lançant les Titan Minimal Art – les modèles les plus légers, sans monture. Jan Rosberg: “Nous avons procédé à un relancement en 2013, mais le produit de base est resté inchangé. Ces lunettes ont été portées par les astronautes au cours de plus de 35 voyages spatiaux récents. Et c’est à chaque fois la NASA qui nous a approchés. Nous n’avons jamais eu l’intention de promouvoir ces produits au titre de lunettes de l’espace.”

En 1999, la marque a initié une vraie révolution en lançant le modèle de lunettes le plus léger qui soit et sans monture.

Ultralégère, la Titan est dépourvue de vis. Il est vrai qu’en apesanteur, la moindre vis peut occasionner des dégâts – voire une issue fatale. Ces lunettes restent en outre parfaitement en place, même sous un casque. Selon Jan Rosenberg, il paraît impossible de faire plus léger. Heureusement, la technologie rimless (sans bords, donc sans monture) offre aujourd’hui de nouvelles possibilités. “Sur le plan du design, nous cherchons la solution parfaite. Si une monture ne pèse que 1,8gramme, il devient difficile d’imaginer plus léger sans mettre la qualité en cause. Nous n’appliquons donc notre connaissance du rimless que sur les modèles full rim. C’est le cas pour l’Urban Light, l’une des montures les plus légères et les plus fines qui soit – 1,6 millimètre de diamètre seulement. Elle n’a jamais été égalée. Elle exige une technologie très pointue, mais nos ingénieurs et constructeurs de machines rendent cette gageure tout à fait possible.”

FIÈVRE DE L’OR SUR LE DANUBE

Après plus d’un demi-siècle, Silhouette ajoute aujourd’hui une dimension remarquable à sa soif de prouesses en matière de design: son propre atelier de traitement de l’or. Chacune des créations de l’Atelier Collection est un joyau élégant et unique en or 18 ct. Les branches et le pont peuvent en outre être garnis des diamants et pierres précieuses les plus fins. Leur mise en place est un travail de précision pris en charge par le joaillier sertisseur hongrois Robert Avrad qui a appris les astuces du métier à l’école anversoise de sertissage d’Alexandre Sidorov.

Doris Scharl-Borsodi: “Toutes les lunettes de la ligne Atelier Collection portent un numéro spécifique et sont accompagnées d’un certificat. Nous voulons faire de Silhouette la marque la plus réputée dans le monde pour sa qualité première classe. Le modèle tout haut de gamme – 72 diamants et une pierre de couleur sur chaque branche – vaut 9.800 euros. Or jaune ou blanc, brossé ou poli, la monture est entièrement faite à la mesure du client qui choisit lui-même la couleur de la pierre: saphir, rubis ou cabochon rose. Pour le design, nous nous sommes inspirés de la philosophie du Jugendstil, qui fusionne art et artisanat. Il est impossible de réaliser un chef-d’oeuvre si l’on ne s’attache pas aux détails. Cela a été le cas pour cette monture dans chaque phase du processus – design, confection, assemblage, fourniture… Les fondateurs accordaient déjà une grande importance à ces valeurs, lesquelles figurent donc dans l’ADN de l’entreprise et continuent à déterminer sa stratégie.”

Jan Rosenberg, CEO de Silhouette.
Jan Rosenberg, CEO de Silhouette.© Silhouette

Pour parvenir au résultat final, il faut franchir 280 étapes dont 250 sont réalisées à la main. Lors du choix des diamants, ce n’est pas tant le prix mais la réputation des revendeurs qui importe. Jan Rosenberg: “Il s’agit ici non pas d’un produit de masse mais de séries limitées. Nous choisissons donc aussi avec soin les opticiens habilités à les écouler. En Belgique, ils sont au nombre de 14 – qui ne pourront en vendre qu’un nombre limité, compte tenu de la capacité de production de nos ateliers”.

Jan Rosenberg ne peut donner le nombre exact des Silhouette en or produites. La comparaison avec d’autres produits de luxe – sacs, montres – ne lui paraît pas adéquate. “La mise en place des pierres est un aspect important du travail manuel. Il n’est pas facile de trouver des artisans de valeur. Nous privilégions la qualité plutôt que la quantité et il n’est pas question de nous développer si cela doit se faire à son détriment. Nous fournissons en outre une garantie de trois ans et un service de réparation dans notre atelier, ici à Linz.”

Porter de belles lunettes permet aux hommes de témoigner d’une certaine aisance, sans ostentation et d’une façon élégante.

Pour Jan Rosenberg, le client est roi. Mais d’où vient cette fièvre soudaine de l’or sur le Danube? “Le monde est de plus en plus centré sur l’individualisation. Certains accordent plus d’attention aux bijoux que d’autres. Pourquoi dès lors ne pas en offrir un à son visage? Pour les hommes, il s’agit avant tout de témoigner d’une certaine aisance sans ostentation et d’une façon élégante,. Pour certaines musulmanes, c’est aussi un moyen de mettre leur personnalité en évidence. L’Atelier Collection sera certainement apprécié au Moyen-Orient et en Asie. Il y a également des débouchés en Belgique. Les gens qui s’adressent à nous sont intéressés par les belles lunettes – des modèles bon marché, on en trouve partout. Nous voulons faire la différence. Notre mantra est Made in Austria. Nous croyons à ce label de qualité.”

QUARTIER URBAIN

De l'Atelier Confection.
De l’Atelier Confection.© Silhouette

Si Silhouette est le leader des montures non cerclées, les hipsters ont lancé il y a quelques années la mode des montures épaisses, façon fifties. L’entreprise autrichienne y a répondu en proposant quelques nouvelles collections halfrim etfull rim, mais cela n’a pas semblé suffire. Pour plaire davantage à la génération du millénaire, le label Neubau a été lancé l’été dernier. Son nom est inspiré de celui du 7e district de Vienne, un quartier dynamique foisonnant de jeunes talents, de studios, de cafés, de concept stores et de bars. Une sorte d’hommage donc à ces quartiers citadins modernes – le Meatpacking District à New York, le Brera à Milan, le Dansaert à Bruxelles.

“Neubau inclut aussi la notion de respect de l’environnement. L’entreprise se trouve parmi les arbres, dans un environnement protégé. Nous accordons beaucoup d’attention à notre empreinte écologique et donc au fait d’évacuer de l’air propre en fin de production. Du reste, tous les arbres, ici, sont suivis et ont leur propre plan de nutrition. Et ceci ne relève pas d’une politique de RP. Non, cela nous paraît naturel. L’Autriche est un pays vert. Protéger la nature est de première importance. Nous tentons d’être aussi écologiques que possible, des modes de production au marketing. La plupart des marques travaillent avec des montures d’acétate – un matériau à base de coton collé à l’aide de divers produits chimiques -, ce qui produit 95 % de déchets. Ici, nous utilisons la technique du le moulage par injection, plus complexe mais bien plus respectueuse de l’environnement.”

La ligne Neubau peut sembler plus jeune que l’Atelier Collection mais, selon Jan Rosenberg, ce n’est qu’apparence. “Je possède huit paires de lunettes. J’en choisis une selon mon humeur du jour. Dans un environnement professionnel, je porte des Silhouette. Pour jouer au tennis et faire de la voile, des Adidas. Et des Neubau, en mode relax, jeans et sneakers. Nos trois marques existent parce que le marché compte beaucoup de consommateurs différents. Chacun choisit selon ses besoins. Une entreprise ne doit poursuivre qu’un seul objectif: améliorer sans cesse ses produits.”

www.silhouette.com

TEXTE ARNE ROMBOUTS

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