La vérité dans le verre

Les vignobles de Rémy Martin à Saint-Preuil et Baptiste Loiseau, maître de chai de la marque. © Rémy Martin

André Renaud, André Giraud, Georges Clot, Pierrette Trichet. Des noms retentissants dans la région de Cognac. Ces illustres prédécesseurs de Baptiste Loiseau – à 35 ans, le plus jeune des maîtres de chai de la marque de cognac Rémy Martin – ont jeté les bases de Carte Blanche, la première édition spéciale signée Loiseau.

Un matin ensoleillé de début juillet. Rémy Martin a invité Trends Style à Cognac – une région où l’on n’a aucune peine à se familiariser avec la magie que revêt cette marque. Du sommet d’une colline de Saint-Preuil, on a vue sur les 208 hectares de vignobles sur lesquels Rémy Martin élève ses propres cépages – l’ugni blanc, le colombard et la folle-blanche. Une superficie qui ne représente que 3 % de la quantité totale requise par la maison de cognac pour produire et commercialiser sa gamme complète: le VSOP (Very Special Old Pale), un assemblage dont l’eau-de-vie la plus jeune a vieilli sur bois de chêne durant quatre ans au moins, le XO (Extra Old) dont l’eau-de-vie la plus jeune a mûri durant dix ans, et le prestigieux Louis XIII qui a vieilli entre 40 et 100 ans et se présente dans des flacons de décantage de cristal taillé à la main. Pour les autres eaux-de-vie dont elle a besoin, la marque travaille sous contrat avec des viticulteurs indépendants.

Le soleil fait étinceler le dôme de feuillage de la lisière du bois. Les vignobles vert tendre s’étalent au soleil, à perte de vue. Un tracteur cisaille se fraie un chemin dans les rangs de vignes pour égaliser les plantes à pleine maturité. Un viticulteur doit non seulement inspecter chaque jour ses rangs de vignes et les orienter pour pouvoir en cueillir les fruits, mais aussi prendre la peine de les tailler, sans quoi ils se transformeraient en jungle exubérante.

Natif de la région et actif depuis 2007 chez Rémy Martin (il a reçu les clés de la maison en 2014), Baptiste Loiseau revient sur les deux dernières années. ” Ce qui me manque le plus, c’est le contact avec les viticulteurs. En tant que maître de chai, je passe davantage de temps avec les clients. J’essaie autant que possible de garder les pieds sur terre, tandis que ma tête voyage en tentant de déterminer l’avenir de cette maison. “

VIVRE HEUREUX, DONC CACHÉ

2015 a été une année faste pour Rémy Martin.
2015 a été une année faste pour Rémy Martin.© Rémy Martin

Cet avenir a toutes les apparences du succès. 2015 a été une année faste pour Rémy Martin, avec des chiffres record aux Etats-Unis et en Chine et de belles perspectives dans des pays aussi inattendus que le Nigéria et l’Afrique du Sud. Cette année, Baptiste Loiseau lui a donné un coup de pouce grâce à la sortie d’une édition spéciale: la Carte Blanche – le premier produit Rémy Martin sur lequel il puisse mettre son nom, ce dont il est assez fier. ” C’est, bien sûr, un grand honneur pour moi de voir apparaître mon nom sur une bouteille, bien que je ne joue qu’un rôle modeste dans cette aventure. C’est surtout à mes prédécesseurs que je dois de pouvoir célébrer ce cognac. “

Le Carte Blanche n’est produit à qu’à 7.000 exemplaires dont un nombre limité seront disponibles, dès novembre, chez les meilleurs cavistes belges, à un prix recommandé de 350 euros la bouteille. Son flacon possède un dessin très particulier, à première vue très simple. Le label est revenu au design mince et épuré de la bouteille charentaise, dans laquelle le VSOP a été exporté dans le monde entier à la fin du 19e siècle.

Au pied de cette magnifique colline de Saint-Preuil se trouve l’hôtellerie de Rémy Martin, installée dans un ancien appentis où la marque, créée en 1724, stockait ses raisins pour en faire des distillats. C’est dans la cour intérieure du bâtiment ouvert sur une face que Baptiste Loiseau procède à une dégustation d’Extra Old. ” Toutes les entreprises de viticulture de la région de Cognac sont orchestrées de la même façon. Elles disposent toutes d’une longue entrée et d’un grand portail, mais tout y est néanmoins caché. Les producteurs de cognac aiment à garder secret le nombre de paniers de raisins et de fûts de mûrissage. Pour vivre heureux, vivons cachés. “

Baptiste Loiseau commente la dégustation. ” Fruité au nez, avec quelques notes de prunes et de figues. Délicat. Pas trop lourd. Je sens de la cannelle, des noix, de la mandarine, de la vanille, le caractère épicé du bois. Nous sommes très sévères à l’égard de nos viticulteurs: nous exigeons un caractère fruité et fleuri. C’est le style de la maison. En bouche, le XO livre des notes d’orange et de noix de muscade. Son caractère fruité équilibré se révèle très doux et très frais. Il survient aussi un peu de tabac au bout de la langue. ” A cette dégustation succède un superbe pique-nique dans le jardin de l’hôtellerie. Notamment d’huîtres et de foie gras, le tout sur fond de musique jazzy.

SOUDAIN, DU CUIR ET DU THÉ NOIR

L’étape suivante de ce circuit au pays du cognac est?Gensac-La-Pallue, le village où est né André Renaud, l’homme qui a dirigé Rémy Martin entre 1925 et 1965, en en faisant, à cette époque, l’un des grands piliers internationaux du marché des spiritueux. C’est dans un entrepôt poussiéreux des abords du village que Baptiste Loiseau a trouvé un tonneau contenant un assemblage d’exception qui, selon lui, reflète l’essence même de Rémy Martin. La maison lui a alors donné carte blanche pour en faire une édition spéciale dont le nom coulait dès lors de source: Carte Blanche. ” Cet assemblage est une fin en soi et il a été mis en bouteille avec un titre d’alcool non dilué: 41,1 %. L’eau-de-vie la plus jeune qui le compose a mûri durant 20 ans. “

Fruité au nez, avec des notes de prunes et de figues. Je sens de la canelle, des noix, de la mandarine, de la vanille et le caractère épicé du bois.

Dans cet entrepôt sombre, il règne une ambiance de sanctuaire. Sur la table trônent des verres de dégustation. Baptiste Loiseau: ” Le Carte Blanche doit d’abord être humé longuement. Il faut un certain temps avant que tous les arômes ne se dévoilent. On en respire le caractère fruité, la richesse, l’élégance. Après l’avoir dégusté la première fois, j’ai su que je m’étais engagé sur une voie extraordinaire. J’ai découvert tous les arômes qui caractérisent aussi la Fine Champagne (NDLR: un mélange de raisins des régions de la Grande et de la Petite Champagne, dans la région de Cognac) mais enrichis d’une touche de fumée. J’ai humé des prunes, des figues, du fruit confit – le tout concentré dans le temps. Lorsqu’on approfondit encore les sensations olfactives, on trouve de la noisette et de l’orange. La fraîcheur se maintient, puis soudain apparaît du cuir. Et du thé noir. Incroyable. En bouche, ce mélange a un goût intense habité de touches de fumée qui m’ont aussitôt enchanté. D’abord, on est submergé par la saveur, puis survient une complexité qui perdure. “

LE WHISKY DES AMÉRICAINS

Le même soir, au siège de Rémy Martin, à Cognac. Dans la cour intérieure aux murs envahis de lierre, c’est un rafraîchissant VSOP tonic qui est servi à boire. Augustin Depardon, Executive Director de Rémy Martin, a pris la tête de la marque il y a deux ans (à l’époque où Baptiste Loiseau a été nommé maître de chai), après une étincelante prise en charge du Louis XIII. ” Le Carte Blanche est avant tout destiné à des connaisseurs. Des gens qui savent qu’il fait partie des produits d’exception qu’ils aiment à offrir à leurs hôtes. Le consommateur de Rémy Martin est un être cosmopolite et épicurien. Il s’agit d’un homme – bien que les études révèlent que les femmes apprécient également le cognac – qui profite de la vie, s’intéresse à de nombreux domaines et possède des talents multiples. Il sort volontiers, est aimable et généreux. “

Le buveur de cognac Rémy Martin est un étre cosmopolite et épicurien.

Mais Augustin Depardon ne trouve-t-il pas regrettable que son pays ne consomme que 1 % de l’ensemble des ventes de cognac? Assez étonnamment, les Français ne semblent pas à ce point stricts en matière d’honneur national. ” Dans certains cas, le food and beverage ne tourne qu’autour d’une question de culture. Le fait que le cognac ait disparu de la culture alimentaire française est d’abord et avant tout une question d’ordre historique à laquelle nous ne pouvons remédier. Après avoir été occupée par l’Allemagne, la France a été libérée par les Etats-Unis. Les Américains ont débarqué avec leur prestige, leurs cigarettes et leur whisky. A l’époque, le cognac était encore roi en France mais, après la Seconde Guerre mondiale, le pays a été submergé par le whisky. Il n’y a rien eu à faire. De plus, l’industrie du cognac a tout mis en oeuvre pour exporter ses produits vers les pays les plus éloignés où elle a introduit une culture du cognac et du savoir-vivre français. Je suis fier de ce que Rémy Martin a fait en matière d’exportations. Cela étant, il est vrai que nous pourrions être plus visibles en France. Un touriste chinois ou russe qui arrive à Paris ne nous voit nulle part. Si j’éprouve une frustration, elle est de cet ordre. “

La visite s’achève par un dîner en l’honneur de Baptiste Loiseau et du cognac Carte Blanche. Le chef de cuisine de Rémy Martin, le très talentueux Philippe Saint-Romas, a concocté un menu basé sur des ingrédients locaux: une foccaccia au romarin, accompagnée de truite fumée et de caviar, suivie d’une préparation de bar, de crustacés et de jeunes légumes et, pour conclure, d’un délicieux plat chocolaté avec de la crème glacée infusée dans de l’Earl Grey. Le tout couronné par un dernier verre de Carte Blanche.

C’est précisément cette miscibilité qui contribue à accroître la popularité du cognac. De nouveaux cocktails tels que Rémy Martin VSOP tonic ou ginger suscitent l’intérêt local pour le cognac. Baptiste Loiseau: ” Chez Rémy Martin, la vérité est dans le verre. On ressent ici l’historique de la marque, la densité du temps et l’élégance des cépages de qualité que nous cultivons dans notre région. Santé ! ”

www.remymartin.com

TEXTE DIETER MOEYAERT

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