Pourquoi faire une sieste au bureau n’est pas une idée à dormir debout : ‘C’est la qualité du travail qui importe’

Chez Google, les employés peuvent faire une sieste de vingt minutes dans des capsules dédiées. © Reuters

Chocolat, café et autres boissons énergisantes : on use et abuse de pas mal de choses pour ne pas piquer du nez l’après-midi. Néanmoins, il est parfois préférable de répondre à ce besoin de somnolence. ‘La microsieste au travail peut même réduire le risque de burn-out.’

Qui dit début d’après-midi, dit cohue à la machine à café pour étouffer les bâillements avant de s’aventurer sur le terrain miné de sa to-do list. Un petit somme peut-il alors s’avérer bénéfique ?

Avant de vous esclaffer, sachez que chez Google, c’est permis, qu’Uber s’y est mis et que les employés du géant glacé Ben & Jerry’s sont autorisés à siester pendant les heures de travail. Ce n’est pas un hasard s’il s’agit de sociétés acclamées pour leur culture d’entreprise avant-gardiste. Chez Google, les employés peuvent passer vingt minutes à l’horizontale dans des capsules dédiées qui réveillent les rêveurs après vingt minutes.

La pratique de la sieste au travail suscite l’enthousiasme de l’experte en sommeil et auteure de Start to sleep, Annelies Smolders. ‘Je l’encourage partout où je donne des conférences. Si vous pouvez offrir cette opportunité à vos employés, alors faites-le’, soutient-elle fermement.

Un tabou tenace

Pourtant, de nombreuses entreprises n’adhèrent pas encore à cette idée. ‘La sieste au travail reste un sujet tabou’, explique Annelies Smolders. ‘Pour beaucoup d’employeurs, on dort à la maison. Et au travail, il s’agit d’être performant avant tout. Alors que celui qui a de bonnes nuits de sommeil et bénéficie en plus de la possibilité de faire une microsieste sur son lieu de travail gagnera en productivité et en créativité.’ Selon l’experte en sommeil, il faut oser regarder au-delà du nombre d’heures qu’une personne passe derrière son bureau. ‘Au bout du compte, c’est la qualité du travail qui importe.’

Il faut oser regarder au-delà du nombre d’heures qu’une personne passe derrière son bureau

Annelies Smolders, experte en sommeil

Les bienfaits de la sieste pour éviter le coup de barre de l’après-midi ont été explicitement mentionnés dans une étude de la revue scientifique Nature Neuroscience. Il a été démontré que la productivité des participants diminuait tout au long de la journée et que trente minutes de repos pouvaient être réparatrices. Les participants autorisés à dormir une heure sont retournés à leur poste avec leur entrain initial.

Avis aux sceptiques : une sieste sur le lieu de travail pourrait également réduire le risque de burn-out. ‘Les ressources des personnes en burn-out sont réduites. Il s’agit souvent de travailleurs qui veulent maintenir leurs performances coûte que coûte, mais qui finissent par craquer’, commente Annelies Smolders. ‘La première cause d’un burn-out est le stress lié au travail, mais la deuxième est le manque de sommeil. Le repos constitue la meilleure source d’énergie.’

Ups & downs

Il est tout à fait normal que notre niveau d’énergie chute dans l’après-midi. Notre productivité n’est pas la même à toute heure, nous atteignons des pics et des creux de vitalité qui sont propres à chacun. Or, notre méthode de travail influence aussi notre niveau d’énergie tout au long de la journée. ‘Nous sommes constamment distraits et accomplissons plusieurs tâches en même temps, ce qui épuise notre cerveau. Il est beaucoup plus sain de se concentrer sur une seule tâche plutôt que d’essayer de terminer deux ou trois choses simultanément’, explique Annelies Smolders.

C’est précisément parce que de nombreux travailleurs ont besoin de faire un break pendant la journée que Pauz, un bar à sieste où les travailleurs surmenés pouvaient venir se ressourcer pendant les heures de travail, a ouvert à Bruxelles il y a trois ans. Les fondateurs se réjouissent que notre culture d’entreprise ait énormément évolué ces dernières années et estiment que la manière dont nous prenons nos pauses ne doit pas être négligée. Mais selon la gérante Najat Bouzalmad, la Belgique n’était pas encore prête à accueillir favorablement ce concept. Résultat : Pauz a été contraint de fermer ses portes au début de cette année. ‘Alors qu’il existe en France dix centres similaires qui se portent très bien’, poursuit-elle ‘Le problème, c’est qu’on se rend compte bien trop tard qu’on est éreinté ou qu’on manque de sommeil.’

Chez Colruyt, la sieste sur le lieu de travail est déjà bien établie. Au siège social de l’entreprise, des zones dites de repos ont été aménagées et permettent aux employés d’échapper à l’agitation quotidienne, de faire du yoga ou simplement de piquer un roupillon. L’entreprise propose même des formations pour apprendre à se détendre pleinement en quinze minutes.

Les employés de Colruyt peuvent se retirer pendant les heures de travail pour échapper à l'agitation de la journée, faire du yoga ou simplement piquer un roupillon.
Les employés de Colruyt peuvent se retirer pendant les heures de travail pour échapper à l’agitation de la journée, faire du yoga ou simplement piquer un roupillon. © Colruyt Group
Des travailleurs bien dans leur peau ont un impact positif sur notre entreprise

Liesbeth Sabbe, directrice du département People & Organization chez Colruyt Group

‘Nous voulons miser sur le bien-être de nos travailleurs’, explique Liesbeth Sabbe, directrice du département People & Organization chez Colruyt Group. ‘Des travailleurs mieux dans leur peau auront un impact positif sur l’entreprise. Ces espaces de repos permettent à certains de se recentrer sur eux-mêmes, alors que d’autres rechargent leurs batteries en allant courir ou se balader l’après-midi. Nous ne voulons pas forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit, mais nous pensons qu’il est précieux pour nos travailleurs de leur offrir cette opportunité.’

D’autres entreprises n’ont pas besoin d’aménager un espace dédié pour permettre à leurs employés de se reposer. Une chaise de bureau confortable et une salle de réunion vide permettent déjà d’obtenir de bons résultats. ‘Si nous indiquons dans la politique des hautes sphères hiérarchiques qu’il est acceptable de faire une sieste au travail, les employés franchiront rapidement le pas’, estime Annelies Smolders.

Des bienfaits réservés aux bons dormeurs

La pratique de la sieste au travail ne convient pas à tout le monde : seules les personnes qui appartiennent à la catégorie des bons dormeurs sont en mesure de profiter d’une sieste réparatrice. Il est même déconseillé aux mauvais dormeurs de somnoler pendant la journée, car cela pourrait perturber leurs nuits de sommeil, alors qu’il s’agit paradoxalement de personnes qui se traînent la journée et attendent impatiemment de pouvoir s’allonger. Annelies Smolders : ‘Il faut savoir que la moitié de la population dort mal. On ne peut donc pas résoudre un problème de concentration en permettant simplement à tout le monde de faire une sieste sur le lieu de travail.’

Selon Annelies Smolders, de nombreux bons dormeurs ne passent tout simplement pas assez de temps dans leur lit. La pratique de la sieste au travail ne constitue pas non plus la panacée pour ce groupe de personnes. ‘Si vous voulez être frais et dispos, il suffit de dormir davantage.’

Traduction : Virginie Dupont

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