Star Wars: Le réveil de la force… marketing

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Impressionnante machine de guerre commerciale, la saga Star Wars s’apprête à faire sonner le tiroir-caisse des cinémas avec son nouvel épisode ‘Le Réveil de la Force’. Mais en Belgique comme à l’étranger, c’est le business juteux des produits dérivés qui tient véritablement le haut de l’affiche. Analyse d’un phénomène.

Star Wars - The Force Awakens
Star Wars – The Force Awakens© LucasFilm

Le jour J approche à grands pas et les fans tremblent déjà. Dès ce mercredi, les vaisseaux de Star Wars voleront à nouveau dans les salles obscures, portés par un nouvel épisode de la saga intergalactique baptisé Le Réveil de la Force. Outre le carton attendu dans les cinémas du monde entier, ce septième opus de la série mythique témoigne surtout de l’imposante machine de guerre marketing déployée par Disney il y a quelques semaines déjà. Bandes-annonces savamment distillées sur les réseaux sociaux, affiche du film abondamment commentée, nouvelles figurines, livres, vêtements, jouets, gadgets, accessoires… L’univers de Star Wars et ses produits dérivés ont envahi le quotidien des Belges depuis le mois de septembre, bien avant la date fatidique du 16 décembre 2015, jour de sortie officielle du film tant attendu.

Le matraquage était prévisible. Depuis le rachat en 2012 par Disney de la société Lucasfilms Limited — qui a produit les six premiers Star Wars — pour la coquette somme de 4 milliards de dollars, les patrons de Mickey ont bétonné leur stratégie et entendent bien rentabiliser leur investissement à coups de licences et de merchandising poussé. Certes, les produits dérivés ont toujours accompagné les fans de la saga au fil des sorties de films de 1977 à 2005, mais depuis l’acquisition de la marque Star Wars par Disney, on est franchement passé à la vitesse supérieure dans la professionnalisation des partenariats et dans les processus de production industrielle.

3 MILLIARDS DE DOLLARS

C’est le montant généré par la vente des produits dérivés du nouvel épisode de Star Wars en l’espace d’une année, selon une étude de la banque américaine Piper Jaffray.

Je suis ton pèze !

“Star Wars est devenu un ‘pop phenomenon’ comme on dit en anglais, un phénomène culturel qui dépasse la notion même de film et qui est aujourd’hui un vrai phénomène de société, explique Serge Van Eyck, directeur marketing de Disney Belgique. Pour nous, la sortie de ce nouvel épisode marque le début d’une nouvelle ère et d’une nouvelle expérience multi-produits et multi-audiences qui est appelée à durer. Dans cette logique, le film est bien un outil marketing pour la franchise globale de Star Wars.”

Star Wars: Le réveil de la force... marketing
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Disney l’assume donc sans ambages : Le Réveil de la Force n’est pas qu’une simple oeuvre cinématographique, c’est avant tout une arme stratégique destinée à développer le business Star Wars à coups de parcs d’attraction (deux projets sont en cours de développement aux Etats-Unis) et, surtout, de merchandising bien calibré. Selon une étude de la banque américaine Piper Jaffray, la vente des produits dérivés du nouvel épisode de la saga devrait générer 3 milliards de dollars en l’espace d’une année. A cela s’ajoute l’argent des entrées comptabilisées au cinéma : si l’on en croit cette fois la banque Morgan Stanley, Le Réveil de la Force rapportera probablement 2 milliards de dollars en salles, ce qui devrait placer le film dans le trio de tête historique du box-office américain, derrière Avatar (2,8 milliards) et Titanic (2,2 milliards). Rondelette, la moitié de cette somme atterrira directement dans la poche de Disney, soit un joli petit milliard de dollars.

Précieux produits dérivés

Au vu de ces estimations, on comprend aisément pourquoi Disney s’est mis en tête de réaliser non pas un nouveau film Star Wars mais bien une nouvelle trilogie dont les deux autres épisodes sortiront respectivement en 2017 et 2019. Et on comprend surtout pourquoi l’empire de Mickey a investi davantage d’argent dans le marketing que dans la production proprement dite pour Le Réveil de la Force : sur les 423 millions de dollars de budget global prévu pour le film, plus de la moitié est en effet consacrée à la promotion et à la distribution.

Chewbacca au supermarché. En fait, un fan de la saga Star Wars guettant la sortie des produits dérivés de 'Star Wars: The Force Awakens' Sydney, le 4 septembre 2015.
Chewbacca au supermarché. En fait, un fan de la saga Star Wars guettant la sortie des produits dérivés de ‘Star Wars: The Force Awakens’ Sydney, le 4 septembre 2015.© Reuters

Dans cette logique, la politique de franchise mise en place par Disney tourne à plein régime et la liste des sociétés désireuses de bénéficier du label Star Wars ne cesse de s’allonger. Lego, Bic, Mattel, Hasbro, Carrefour, Celio, Uniqlo, etc. On ne compte plus les marques qui s’invitent aujourd’hui dans ce marché lucratif, convaincues que le fee qu’elles doivent débourser pour apposer le célèbre logo sur leurs produits sera rapidement amorti par le business ainsi généré. Chez Mattel Belux, le directeur marketing Bart Buntinx confirme d’ailleurs cet état de fait : “La dynamique Star Wars est très positive pour nous. La vente de nos vaisseaux et de nos voitures Hot Wheels inscrits dans ce partenariat a bien démarré et nous sommes très confiants pour le succès.”

Stratégie locale

Définie de manière globale, la stratégie de Disney s’adapte toutefois aux marchés locaux et il revient à chaque antenne de la multinationale de jongler avec les spécificités de sa région. “Les grandes lignes sont fixées par la maison mère qui nous fournit beaucoup de matériel créé aux Etats-Unis, précise Serge Van Eyck, directeur marketing de Disney Belgique, mais nous prenons nous-mêmes les décisions en ce qui concerne la stratégie, le positionnement, les budgets et les ‘mix médias’ relatifs à Star Wars. Pour la sortie du film, nous avons ainsi décidé de nous focaliser uniquement sur la télévision et sur Internet — YouTube, réseaux sociaux, search sur Google… — en termes d’investissements médias. Le Réveil de la Force se veut spectaculaire et, à ce titre, les images fixes des publicités que l’on pourrait publier dans les journaux ou la presse magazine n’ont pas beaucoup de sens. Nous préférons jouer la carte d’une promotion audiovisuelle.”

L’AVIS DE L’EXPERTE

Professeure de marketing à la Solvay Brussels School of Economics and Management, Sandra Rothenberger perçoit le phénomène Star Wars comme un cas unique dans l’industrie du film. “C’est un très bon exemple de marketing à 360°, analyse-t-elle. Tous les touch points sont sollicités, online comme offline. Dans cette machine marketing, le pouvoir du consommateur, et en particulier celui des fans, est devenu très important. Disney a réussi à créer et à entretenir un désir, voire même un besoin, en lâchant sporadiquement quelques infos. Dès que le consommateur — ou plutôt le fan — en a l’occasion, il prend lui-même le relais et joue le rôle d’ambassadeur de la marque. Il devient marketer à son tour et fait la promotion d’un film qui n’est pas encore sorti et qu’il n’a donc pas encore vu. Cet engagement du consommateur est assez spectaculaire. A cela s’ajoute une dimension intergénérationnelle qui me semble importante à souligner puisque Disney a choisi, pour ce nouvel épisode, de faire appel à d’anciens protagonistes. Il y a un effet “back to basics” censé rassurer le public en reliant le nouveau film à l’original. Mais il faudra que le film tienne ses promesses. Car le pouvoir du consommateur peut aussi bien aller dans le sens positif que le sens négatif…”

La vague Carrefour

Pour le choix des différents partenariats noués sur notre marché, Disney Belgique a là aussi les coudées franches. Parmi les actions mises en place, l’antenne belge de la compagnie américaine a notamment mené une opération avec Carrefour qui s’est étendue du 30 septembre au 9 novembre dernier. Pendant six semaines, le distributeur a relooké ses hypermarchés aux couleurs de Star Wars et déployé un assortiment copieux de produits dérivés : figurines, DVD, bandes dessinées, déguisements, jeux de société, articles scolaires, montres, boîtes de Lego… Sans oublier un bus entièrement “brandé” Le Réveil de la Force et qui a fait le tour de 22 hypermarchés Carrefour dans le pays pour proposer aux clients, le temps d’une journée, de s’amuser sur des consoles de jeux et dans un “labyrinthe laser”. Pour quel bilan et à quel prix ? “C’est une bonne opération pour nous, commente Baptiste van Outryve, porte-parole de Carrefour Belgium. Nous avons eu plus de 100 références Star Wars en magasin, nous avons très bien vendu et nous avons pris, comme d’habitude, une marge sur la commercialisation de ces produits. Quant à la question de savoir si nous avons payé Disney pour mener à bien cette opération, nous n’avons pas l’habitude de commenter ce genre de chose…”

Chez Disney, on se montre toutefois un peu plus bavard sur cette opération : “Généralement, les sociétés qui utilisent l’image de Star Wars sur leurs produits et dans leur communication paient effectivement des droits, explique le directeur marketing Serge Van Eyck, mais dans le cas présent, il s’agit plutôt d’un accord sur un concept global. Comme la valeur média apportée par Carrefour était très importante en termes d’affichage, de radio et d’Internet pour cette campagne, nous avons décidé de laisser tomber ces droits. En fait, nous ne choisissons pas les partenaires qui mettent nécessairement le plus d’argent sur la table, mais plutôt ceux qui apportent une réelle valeur ajoutée par rapport à notre stratégie.”

Essence ou hamburger ?

Si un grand acteur du secteur pétrolier s’apprête à lancer aussi une opération Star Wars sur le territoire belge dans les jours qui viennent, aucune chaîne de fast-food ne proposera en revanche d’action promotionnelle autour du nouvel épisode de la saga. Depuis quelques années, Disney a en effet rayé des marques comme Quick et McDonald’s de sa liste de partenaires potentiels, en raison de l’image négative que ces sociétés véhiculent au niveau de la santé et qui n’est pas vraiment en phase avec les valeurs de Mickey.

Quant au montant total du budget marketing dédié au film Le Réveil de la Force pour le marché belge, Disney se refuse cette fois à tout commentaire. Il nous revient cependant que celui-ci atteindrait “quelques centaines de milliers d’euros” selon une source proche du dossier, sans toutefois atteindre la barre du million. C’est suffisant pour sortir l’artillerie lourde.

PRÉVENTES RECORD EN BELGIQUE

Le succès commercial du nouveau Star Wars pointe déjà le bout de son nez. Chez Kinepolis, on annonce des dizaines de milliers de tickets vendus pour le premier jour d’exploitation du film Le Réveil de la Force qui sort le 16 décembre. Avec ses 148 salles réparties dans 12 complexes à travers la Belgique, la porte-parole de Kinepolis se réjouit déjà de ces préventes record et du triomphe annoncé : “Nous n’avons fixé aucun objectif chiffré, mais nous sommes très confiants sur le nombre d’entrées que nous allons réaliser avec le nouveau Star Wars, indique Anneleen van Troos. Le jour de la sortie officielle, il y aura une projection du film dans nos salles presque toutes les heures, dès 10 heures du matin, et nous allons créer une véritable atmosphère Star Wars dans nos cinémas.”

Star Wars: Le réveil de la force... marketing
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A côté de la grosse artillerie déployée par le distributeur Disney, le groupe Kinepolis a développé sa propre opération marketing en collaboration avec plusieurs fan clubs officiels de Star Wars en Belgique. Au programme de ces premiers jours d’exploitation : animations dans les complexes cinématographiques, décors du film reconstitués, personnages de la saga “en chair et en costumes”, séances photo dans une autre galaxie… Bref, Kinepolis met le paquet pour assurer un démarrage en fanfare du septième épisode de la saga intergalactique et pour amorcer aussi la pompe d’un précieux bouche-à-oreille destiné à faire décoller Le Réveil de la Force dans le box-office, pour peu que le film en ait besoin.

Même son de cloche chez son concurrent UGC qui exploite 43 salles de cinéma dans ses complexes installés à Bruxelles et Anvers. “Nous avons déjà vendu 5.000 tickets pour le jour de sortie officielle du film et nous continuons à en vendre pour les jours suivants, confie Bruno Plantin, directeur général d’UGC Belgium. C’est assez unique dans le paysage cinématographique et c’est certainement dû à une vraie communauté de fans qui se mobilise pour l’occasion.” Convaincu que le nouveau Star Wars sera un énorme succès et qu’il dépassera la barre du million d’entrées en Belgique, le patron d’UGC Belgium se dit surtout soulagé que le public revienne dans les salles après le tristement célèbre week-end du 21 novembre marqué par la menace terroriste de niveau 4 à Bruxelles : “Nous avons été contraints de fermer l’UGC Toison d’Or pendant trois jours et l’UGC De Brouckère pendant quatre jours, détaille Bruno Plantin. En comparant avec une période similaire l’année dernière, on peut affirmer que le manque à gagner se situe entre 70.000 et 80.000 euros pour notre entreprise.” Inutile d’écrire que l’effet Star Wars devrait compenser cette perte sèche.

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