“Une Wallonie autonome, c’est la Grèce de 2009”

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Le jour où la Wallonie ne pourra plus compter sur la solidarité de la Flandre, ses dépenses publiques devront diminuer d’un quart, estime l’économiste de l’ULg Jules Gazon. Une Wallonie autonome ferait face à un déficit budgétaire aussi grand que celui de la Grèce en 2009.

Jules Gazon, professeur émérite en économie à l’Université de Liège, estime que les dépenses publiques wallonnes devront diminuer d’un quart si la Région ne peut plus compter sur la solidarité de la Flandre. Il a fait connaître ses chiffres la semaine dernière, lors d’un colloque à l’occasion du cinquantième anniversaire du Centre de coordination des organisations flamandes (Overlegcentrum van Vlaamse Verenigingen – OVV). Gazon était l’un des intervenants, aux côtés notamment du politologue Bart Maddens de la KU Leuven.

Outre le déficit public wallon, Gazon a ventilé le solde primaire fédéral – les recettes moins les dépenses sans les charges d’intérêt – régionalement. Cela revient à une sorte de régionalisation des comptes nationaux. Ensuite, il a divisé les intérêts de la dette publique entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles sur base du poids des Régions dans le PIB.

Une Belgique confédérale mettrait fin à la solidarité financière entre la Flandre et la Wallonie. La Belgique deviendrait alors une enveloppe vide

Sur base de cette clé de répartition, la Wallonie ferait face à un déficit budgétaire de 11,121 milliards d’euros, soit 12,37% du PIB. Gazon: “Une situation explosive. Le hasard veut que le déficit budgétaire d’une Wallonie indépendante serait comparable à celui de la Grèce au début de la crise de l’euro en 2009. Nous savons à quoi mène une telle chose: une hausse des intérêts sur la dette publique. Pour pouvoir rester dans la zone euro, la Wallonie devrait réaliser de vastes assainissements.”

“Du fait de la pression fiscale élevée déjà existante, des augmentations d’impôt seraient en réalité exclues”, dit Gazon. “La seule solution serait une diminution drastique des dépenses publiques wallonnes. Une diminution de 25% s’imposerait. Cela signifie qu’on devrait lourdement élaguer dans les allocations et les salaires de la fonction publique. Dans un tel cas de figure, un climat quasi révolutionnaire naîtrait en Wallonie. Des allocations et des salaires plus bas pour le personnel de l’Etat affaibliraient la demande intérieure wallonne, ce qui rendrait une relance économique encore plus difficile.”

Immobilisme communautaire

Mais cela ne relève-t-il pas de l’utopie politique ? Le gouvernement fédéral opte pour un immobilisme communautaire. Il n’est plus question de scénario de scission. Si une nouvelle réforme de l’Etat arrivait, ce serait pour faire des pas dans la direction du confédéralisme. Cela conférerait une vaste autonomie aux Régions, mais il serait encore question d’une solidarité confédérale. Gazon n’est pas convaincu: “Une Belgique confédérale mettrait fin à la solidarité financière entre la Flandre et la Wallonie. Le Belgique deviendrait alors une enveloppe vide.”

Gazon voit l’éclatement du pays comme inévitable à terme. Dans l’intervalle, la Wallonie ne peut qu’essayer de réduire l’écart de richesse avec la Flandre. Selon Gazon, cet écart est beaucoup trop grand. Et il est une conséquence d’une politique économique wallonne néfaste.

L’économiste wallon a calculé que le PIB par habitant en Flandre est plus élevé de 37% par rapport à la Wallonie. La productivité flamande est 18% plus élevée et le taux d’activité de 16%.

Post-Belgique

L’effort bruxellois pour aider à réduire le déficit budgétaire wallon serait insoutenable

Au cours de son exposé au colloque de l’OVV, Gazon a approfondi les scénarios possibles dans une perspective post-Belgique. Une Wallonie indépendante n’est selon lui pas viable économiquement parlant. Un scénario ‘wallo-bruxellois’, il le voit encore moins. Gazon: “Ils ne veulent rien savoir à Bruxelles. Et l’effort bruxellois pour aider à réduire le déficit budgétaire wallon serait insoutenable.”

Dans un scénario post-Belgique, Gazon ne voit qu’un seul avenir pour la Wallonie: le rattachement à la France. La seconde économie de la zone euro pourrait amortir le choc du rattachement de la Wallonie: “Le PIB français est après tout 24 fois plus grand que le wallon. Le déficit budgétaire wallon et la dette publique wallonne seraient par conséquent fortement dilués.”

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