Bart Buysse

Une dégressivité renforcée pour une politique du chômage plus activatrice

Bart Buysse Directeur général de la FEB.

Les entreprises belges créent beaucoup d’emplois supplémentaires. C’est un constat positif, y compris pour notre sécurité sociale, pour autant que l’on parvienne à pourvoir les nombreux emplois vacants.

Or, c’est là que le bât blesse : nous comptons plus de 145.000 emplois vacants et nous enregistrons un des taux de vacance d’emploi les plus élevés (3,5%) en Europe. Pourtant, on dénombre énormément de personnes sans travail, plus précisément 355.000 chômeurs complets indemnisés demandeurs d’emploi. Bon nombre d’entre eux pourraient être embauchés immédiatement s’ils y étaient disposés et avaient le profil adéquat. C’est là que subsiste le problème… notre système de chômage n’est pas assez activateur !

Les entreprises doivent également revoir leurs exigences à l’embauche et ne plus rechercher l’oiseau rare

Il existe certes une inadéquation entre l’offre et la demande que l’enseignement, la formation et la réorientation doivent résoudre. Les entreprises doivent également revoir leurs exigences à l’embauche et ne plus rechercher l’oiseau rare. De même, les demandeurs d’emploi doivent étendre leurs recherches et s’orienter davantage vers les opportunités qu’offre le marché du travail. Ils doivent être aidés par les services de l’emploi qui, grâce à un screening plus large, doivent favoriser une meilleure adéquation des compétences et de l’expérience, mais aussi de la capacité de travail et d’apprentissage, et réorienter pour offrir plus d’opportunités d’emploi.

On dénombre beaucoup de postes ne requérant pas de qualifications ou d’expérience particulières qui restent malgré tout vacants : 1 sur 3 de manière générale, et même 4 sur 10 pour les fonctions critiques. Comment résoudre ce problème ? Une des clés réside au niveau de l’assurance chômage. Celle-ci offre une sécurité de revenu lorsque l’on perd son travail. L’objectif doit être de reprendre ensuite le travail au plus vite. C’est pour cette raison que, dans tous les autres pays européens, le filet de sécurité financier qu’est l’allocation de chômage est de nature temporaire et est toujours associé à un suivi et une activation intensifs des chômeurs.

Les allocations de chômage en Belgique ne sont pas limitées dans le temps. Pendant longtemps, les chômeurs n’ont pas dû rendre compte de leur comportement de recherche de travail. Ce n’est le cas que depuis 2004 et c’était un compromis que les responsables politiques ont fait à l’époque pour éviter une limitation dans le temps. Nous constatons toutefois qu’alors que l’accompagnement ainsi que le suivi et le contrôle des chômeurs sont réunis dans les mêmes mains, ce dernier aspect risque d’être mis à l’arrière-plan ; or, il s’agit d’un élément essentiel d’une politique de chômage performante, y compris dans d’autres pays.

Un autre élément qui a un impact incontestable sur les efforts et le comportement de recherche des chômeurs est le montant de l’allocation. Le gouvernement précédent a quelque peu renforcé la dégressivité des allocations de chômage, même si cet effort est encore trop timide. En effet, il n’y a presque pas de dégressivité pour les allocations les plus faibles, qui sont en général les plus difficiles à activer.

La dégressivité a une fois de plus été mise sur le tapis dans le cadre du deal pour l’emploi. L’objectif est d’augmenter l’allocation dans un premier temps et d’en accélérer ensuite la diminution. La proposition de renforcer la dégressivité de l’allocation est positive. Un incitant plus puissant s’impose, mais il ne peut agir que si les allocations sont effectivement réduites plus rapidement, après la première période. C’est aussi la seule manière de garantir la neutralité budgétaire de cette mesure et d’éviter des dépenses supplémentaires.

L’objectif n’est pas d’appauvrir les gens. Le travail reste la meilleure garantie contre la pauvreté : la Belgique compte à peine 5% de travailleurs pauvres, contre une moyenne de près de 10% en Europe. Nous pouvons aussi utiliser l’enveloppe ‘adaptation au bien-être’ pour augmenter les allocations les plus faibles dans la mesure du possible. L’enjeu est de cibler l’affectation des moyens disponibles, là où les besoins sont les plus criants, plutôt que de les répartir entre toutes les allocations.

Espérons que cette dégressivité renforcée, combinée à un accompagnement et un suivi renforcés des chômeurs, améliorera la situation. Si la solution se révèle insuffisante à terme, nous n’aurons guère d’autre option que celle qu’ont déjà adoptée depuis longtemps d’autres pays européens (dont les pays scandinaves ‘modèles’) qui enregistrent un taux d’emploi plus élevé : limiter les allocations dans le temps.

L’assurance chômage, élément constituant de notre sécurité sociale, est en effet une affaire de droits et d’obligations, de solidarité et d’assurance, de responsabilité collective, mais aussi individuelle. Nous devons préserver ces équilibres si nous voulons assurer la pérennité de notre système.

Bart Buysse, directeur général de la FEB

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