Un retour de Berlusconi peut-il vraiment plomber l’Italie et l’Europe?

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L’ancien Premier ministre, qui se présente pour la sixième fois aux élections législatives, aura beaucoup de mal à retrouver son pouvoir d’antant. Mais il dispose d’une capacité de nuisance certaine. Du moins tant que l’avenir politique de Mario Monti reste incertain.

Le Cavaliere a encore frappé. Pour la sixième fois, Silvio Berlusconi a décidé de se présenter comme tête de file du centre-droit (PDL) pour les élections législatives de 2013. Logiquement, son parti ne soutient plus le gouvernement. Et sans ce soutien crucial du PDL, Mario Monti – l’homme qui relancé les réformes en Italie et regagné la confiance des marchés – a annoncé sa démission. L’Italie se prépare donc à des élections anticipées qui devraient se tenir fin février ou début mars. Cette crise politique soudaine a fait plonger la Bourse de Milan et remonter brutalement les taux d’intérêt italiens. L’affaire est-elle grave ? Risque-t-elle de dégénérer et de déstabiliser l’Europe ? Des tensions s’observaient en effet également lundi sur les marchés d’actions et d’obligations à Madrid. L’Expansion fait le point.

Quel pouvoir de nuisance de Silvio Berlusconi ?

“L’Europe tremble à l’idée d’un retour de Berlusconi”. L’Allemand Joerg Asmussen, membre du SPD et du board de la Banque centrale européenne ne fait pas dans la demi-mesure quand il évoque le retour du Cavaliere. Il faut dire que le magnat de la télévision, amateur de jolies femmes, préfère défendre ses intérêts privés plutôt que d’imposer la rigueur budgétaire et de faire des réformes. Ses relations avec Angela Merkel étaient d’ailleurs houleuses. De fait, un retour de Silvio Berlusconi aux commandes signifierait sans doute un coup d’arrêt à la politique menée par Mario Monti et un nouveau plongeon des marchés. Cependant, ce scénario est jugé peu probable par les experts.

Selon un sondage récent, 73% des Italiens ne souhaitent pas qu’il se représente. Par ailleurs, le PDL semble au bord de la scission. Un autre sondage le créditait de moins de 14% au prochain scrutin national. C’est largement insuffisant pour battre la coalition de centre gauche menée par Pier Luigi Bersani. Cependant, selon le quotidien La Republica, le gouvernement de Pier Luigi Bersani pourrait être confronté au Parlement à ” deux grandes forces d’opposition populistes, anti-euro, antieuropéennes, anti-impôts, anti-réformes” : le parti de Silvio Berlusconi et celui Beppe Grillo – le Mouvement 5 étoiles, radical de gauche, est crédité de 18,5 % d’intentions de vote.

La capacité de nuisance de Sylvio Berlusconi ne doit pas être sous-estimée, résument les experts de Berenberg. S’il mène une campagne anti-rigueur et anti-Allemagne et qu’il parvient à nouer des alliances – avec la Ligue du Nord par exemple – les marchés s’inquièteront. Gare alors aux dommages collatéraux : la montée des taux d’intérêt sur les marchés obligataires pourrait contraindre l’Espagne à demander un sauvetage financier !

Mario Monti à l’aube d’une grande carrière politique?

Ce scénario n’est heureusement pas le seul possible. En fait, le départ de Mario Monti pourrait aussi être le début d’une grande aventure politique et, pourquoi pas, d’une longue lune de miel entre l’Italie et les marchés. Certains experts en politique le voient déjà candidat aux futures élections à la tête d’un centre droit rénové. Selon Fabio Martini de La Stampa, un groupe de travail formé d’experts en communication et sondages, est déjà à pied d’oeuvre en toute discrétion “pour mesurer l’impact électoral d’une éventuelle liste “Monti pour l’Italie”.

S’il devait se lancer dans la course au poste de chef de gouvernement, Mario Monti le ferait “pour ne pas dilapider les efforts réalisés en un an par le gouvernement et les citoyens”, selon des propos cités par le Corriere della Sera. Grâce à sa réputation internationale de “sauveur de l’Italie”, Mario Monti pourrait bénéficier de défections dans le camp Berlusconi. L’ancien chef de la diplomatie Franco Frattini et le maire de Rome Gianni Alemanno sont cités comme transfuges potentiels. MarioMonti est également fortement soutenu par le Vatican et l’Eglise italienne dont le chef le cardinal Angelo Bagnasco a loué lundi l’oeuvre du “gouvernement de techniciens qui a mis à l’abri l’Italie de capitulations humiliantes et hautement risquées”.

Bruno Tabacci, un ancien parlementaire chrétien-démocrate rallié à la gauche, prédit un avenir politique à Mario Monti mais plutôt pour succéder à Giorgio Napolitano à la présidence de la République. “Il pourrait être un excellent président d’autant que sa dimension européenne serait une garantie que l’Italie ne sauterait pas dans le vide”, a-t-il déclaré lundi sur la chaîne Rai News. Quelle que soit l’option que choisira Mario Monti, il est donc improbable que l’ancien recteur de la prestigieuse université milanaise Bocconi retourne dans l’ombre. D’une manière ou d’une autre, Monti va continuer de peser confirment les experts de Natixis. S’il n’est pas Premier Ministre, Bersani le sera sans doute, ce qui veut dire que l’Italie ne changera sans doute pas de stratégie budgétaire. La hausse des taux d’intérêt actuelle pourrait donc finir par se calmer.

Reste à savoir quand. Pour l’instant, Mario Monti n’a pas encore clarifié ses intentions. Et les élections n’auront lieu que dans deux ou trois mois. “Pour l’heure, il est évident que le travail d’une année accompli en faveur de la réputation du gouvernement italien est perdu”, déplore Fabio Sdogati, professeur d’économie internationale à l’institut Politecnico de Milan.

Sebastien Julian

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