Taxer les géants du numérique: mission impossible?

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Menaces de représailles américaines contre la France, accord mondial incertain à l’OCDE, échec de l’initiative européenne : la taxation des géants du numérique ressemble à une mission impossible face à l’intransigeance des Etats-Unis.

Avec sa menace d’imposer des droits de douane additionnels sur les produits français, l’administration Trump a adressé un avertissement “très clair” non seulement à Paris, mais aussi à tout pays souhaitant taxer à son tour les géants du numérique, ont expliqué différentes sources consultées par l’AFP.

“L’administration Trump fait pression pour que Paris retire sa taxe, mais elle veut aussi faire passer le message aux autres gouvernements qu’ils seraient massacrés” s’ils suivaient l’exemple français, a commenté un spécialiste des négociations fiscales internationales, sous couvert d’anonymat.

Les Etats-Unis ont d’ailleurs menacé explicitement plusieurs pays lundi en annonçant qu’ils envisageaient d’ouvrir également une enquête à l’encontre de l’Autriche et de l’Italie, au sein de l’Union européenne. La Turquie se trouve également dans le viseur.

“Le but est d’éviter la multiplication de ce type de taxes qui touchent avant tout les géants du numérique américains parce que ce sont les acteurs dominants du secteur”, a affirmé Vincent Vicard, économiste spécialisé dans le numérique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

Après l’échec il y a un an d’un projet de taxe européenne, qui a été bloqué par quatre pays dont l’Irlande, qui héberge les sièges européens de nombreux Gafa (acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple), plusieurs gouvernements ont en effet annoncé leur intention d’appliquer leur propre impôt.

La France, qui applique dès cette année une taxe sur le numérique devant lui rapporter près de 400 millions d’euros, s’est retrouvée ainsi en première ligne face aux Etats-Unis, malgré la multiplication de ses efforts au cours des derniers mois pour apaiser la colère de Washington.

Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, s’est entretenu régulièrement avec son homologue américain Steven Mnuchin. Il a même rencontré à l’improviste Donald Trump le 12 avril à la Maison Blanche pour en parler, en marge d’une réunion du FMI.

Fin août, la France avait d’ailleurs annoncé un accord entre Emmanuel Macron et Donald Trump lors du sommet du G7 à Biarritz, censé écarter la menace de représailles américaines. Un peu plus de trois mois plus tard, la trêve est bel et bien finie.

Avant sa rencontre prévue à Londres avec M. Macron, M. Trump a envoyé un nouveau message sans équivoque à Paris. “Ce sont des entreprises américaines, je veux les taxer, ce n’est pas la France qui va les taxer”, a-t-il prévenu, laissant entendre qu’il n’était pas disposé à partager les recettes fiscales.

– Une pression constante

Pour M. Vicard, les Etats-Unis appliquent avec la France la même stratégie qu’ils ont utilisée dans la guerre commerciale avec la Chine et même avec l’Allemagne en menaçant de taxer les importations de voiture, maintenit “une incertitude et une pression constante”.

Face aux difficultés des Européens d’être unanimes sur cette question fiscale et aux menaces de représailles unilatérales américaines, il ne semble rester qu’une seule piste possible pour taxer le numérique : celle des négociations en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Or, M. Le Maire a laissé entendre que les Etats-Unis ne voulaient plus d’un accord mondial et les a appelés à dire si “oui ou non” ils acceptaient une taxe internationale.

Contactée par l’AFP, une source de l’institution internationale basée à Paris a confirmé des “difficultés” dans les négociations actuelles, mais démenti que Washington ait annoncé son retrait.

“Nous avons l’impression que certains géants du numérique se battent à la fois contre la multiplication de taxes nationales, ce que l’on peut comprendre, mais ils se battent aussi contre une solution internationale de juste taxation du numérique. Ce n’est pas possible!”, a affirmé une source française.

Pour M. Vicard, ces négociations ont pourtant tout pour satisfaire Washington. La proposition que l’OCDE a mis sur la table des négociations “est très inspirée de la proposition initiale des Etats-Unis”, a-t-il assuré.

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