“S&P dessine la géographie de la fin de l’euro !”

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Les dernières dégradations de notation par Standard & Poor’s prouvent au moins une chose : nous avons dépassé le point où une simple intervention technique fonctionnerait, estime Wolfgang Münchau, pour qui “la boîte à outils est vide”.

Les dégradations de notation annoncées par Standard & Poor’s vendredi n’auront pas surpris Wolfgang Münchau, associate editor du Financial Times et chroniqueur spécialisé en économie européenne. Ni la rupture des négociations entre banques et Grèce autour de la restructuration de la dette de celle-ci – “une proposition irréaliste a été rejetée : pas de quoi feindre la surprise”, écrit-il dans son un éditorial lundi.

Ces deux événements lui paraissent pourtant importants, “parce qu’ils nous révèlent le mécanisme qui sous-tend la suite d’événements à venir”. A savoir : une spirale de dégradations de notations, baisse de la production économique, hausse de la dette et à nouveau dégradations. “La Grèce a désormais toutes les chances de faire défaut sur la plupart de ses dettes et pourrait même devoir quitter la zone euro. Lorsque cela arrivera, le projecteur sera immédiatement braqué sur le Portugal, et la fournée suivante de dégradations pourra commencer.”

Une dégradation de l’ensemble des “Etats triple A” aurait été plus facile à gérer politiquement

Aux yeux de ce spécialiste de l’Union européenne, Standard & Poor’s, en dégradant les notes de la France et de l’Autriche mais pas celles de l’Allemagne et des Pays-Bas, a “dessiné la géographie économique d’un éventuel démantèlement de l’Eurozone”. Pas moins.

Une dégradation de l’ensemble des Etats-membres encore dotés d’un “triple A”, en effet, aurait été plus aisée à gérer politiquement : “L’Allemagne est dorénavant le seul pays majeur jouissant encore d’un triple A. Suite à la décision de S&P, l’Allemagne acceptera plus difficilement encore l’idée des euro-obligations.” Plus encore, “la différence de notation entre la France et l’Allemagne accentuera le déséquilibre de leur relation”.

Justifiée ou non, la “vengeance régulatoire” contre les agences de notation sera contre-productive

Pour l’avenir immédiat de la zone euro, l’éditorialiste du Financial Times prend des accents plutôt pessimistes. La complétion du traité fiscal européen, poussée par la chancelière allemande et qui apparaît comme la priorité absolue des politiques européens aujourd’hui, n’est, “au mieux, qu’une distraction hors de sujet. Plus sûrement, cela renforcera la tendance vers davantage d’austérité pro-cyclique, de la sorte que nous avons vue en Grèce.”

Sans oublier une probable “dose de vengeance régulatoire à l’encontre des agences de notation” qui, “justifiée ou non, sera une nouvelle source de distraction”.

“A chaque tournant de la spirale, les coûts financiers et politiques d’une solution effective augmentent. Nous avons dépassé le point où les électeurs et leurs représentants acceptent de payer le prix croissant de la réparation du système.” Quant à voir la Grèce sortir de l’Eurozone, l’idée fait apparemment son chemin : “Les attentes changent rapidement et, avec elles, l’acceptation d’une conclusion violente.”

Ni la Banque centrale européenne “et son énorme effort en termes de liquidité”, ni les réformes économiques “aussi nécessaires qu’elles fussent par ailleurs”, ne pourront résoudre le problème, conclut Wolfgang Münchau : “Nous en sommes au point où une résolution réelle de la crise requiert une autorité fiscale centrale solide, avec le pouvoir de taxer et d’allouer des ressources partout dans l’Eurozone. Ce qui, bien sûr, n’arrivera pas.”

Vincent Degrez

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