Pour leur salut économique, les Nigérians se tournent vers les dieux

Des prêtresses de la déesse Osun au Nigéria. © AFP

Habillées d’une longue robe blanche décorée de coquillages, des plumes rouge dans leurs cheveux, un groupe de prêtresses nigérianes chantent pendant qu’elles sacrifient des poulets pour la déesse de la rivière, implorant son aide en ces temps difficiles.

Des milliers de personnes ont fait la route dès ce week-end vers Osogbo, à trois heures de la capitale économique Lagos, pour célébrer la déesse yoruba Osun et prier les dieux de sortir le Nigeria de la récession économique. Jusqu’à présent, les indicateurs économiques n’ont, eux, guère donné d’espoir.

“Dieu merci, nous avons toujours Osun”, confie à l’AFP la prêtresse Oyelola Elebuibon, pendant la procession menant du palais royal à la forêt sacrée, où sont dispersées des sculptures en béton en l’honneur des divinités de l’ethnie Yoruba.

Comme chaque année à la même époque, une “arugba” – femme vierge – transporte une gourde sacrée à travers les rues d’Osogbo, jusqu’à la plonger dans la rivière pour marquer le début des festivités qui dureront environ 12 jours. Autour d’elle, des hommes battent le tambour jusqu’à emporter la foule en transe. Pendant ce temps, le roi yoruba d’Osogbo et sa cour regardent la scène confortablement installés dans leurs 4×4 climatisés.

“L’eau apaise toujours”, poursuit la prêtresse. Elle affirme que prier les “orishas” (divinités) peut résoudre des problèmes sur lesquels ni la religion chrétienne, ni l’islam n’ont aucun pouvoir.

“Plus de nourriture, plus d’argent à nouveau au Nigeria, Dieu qu’as-tu fait?”, implore de son côté Olokun Gbemisola, une autre prêtresse portant de longs colliers en perles blanches. “Pardonne-nous nos péchés”, incante-t-elle, sans que l’on sache si elle s’adresse au Dieu des chrétiens ou à ses dieux traditionnels.

Le Nigeria est divisé en deux parties quasiment égales, entre un nord musulman et un sud chrétien, mais beaucoup parmi les deux confessions pratiquent la religion animiste traditionnelle.

Le pays est un des plus religieux au monde, et en ce moment, les 170 millions de Nigérians semblent avoir encore plus besoin de croire en quelque chose que d’habitude. Le pays traverse une grave crise économique, notamment à cause de la chute des prix du pétrole, d’où il tire l’immense majorité de ses revenus.

Les inégalités sociales dans la région du delta, où est exploité l’essentiel de l’or noir, ont fait naître des groupes armés, bien décidés à détruire ses plateformes off-shores, ses oléoducs et à mettre le pays à genoux.

Eau miraculeuse

Le secteur industriel, lui, est étranglé par le manque d’électricité et par le manque d’infrastructures en général dans le pays. L’inflation ne cesse de grimper et pendant ce temps-là, le peuple souffre.

A Lagos, les élites peuvent toujours se réfugier dans leurs appartements climatisés grâce à de puissants générateurs au diesel, ou acheter leurs produits importés hors de prix au supermarché du coin. Mais ce n’est pas le cas à Osogbo. Ici, les rues, truffées de nids de poule, sont plongées dans l’obscurité dès la nuit tombée.

Alors que la procession de fidèles marche vers la forêt sacrée, des gangs de jeunes désoeuvrés rôdent ainsi ivres, s’affrontant même en pleine rue.

Mais Tope Lagluko, vendeur de graines de moringa, veut y croire: “tous mes problèmes vont disparaître cette année”, confie-t-il à l’AFP sur le bord de la rivière.

Car selon lui, l’eau peut tout guérir. Et se baigner dans la rivière avec ces graines peut tout “résoudre”. “J’ai vu des miracles”, assure-t-il.

Et pourtant, malgré l’eau miraculeuse, les habitués des festivités reconnaissent que cette année, il n’y a pas foule.

Les sponsors sont bien là – notamment Seaman’s Schnapps, eau de vie “numéro 1 pour la prière” -, mais seuls les fidèles les plus dévoués à la déesse de l’eau ont puisé dans leurs économies pour faire le déplacement.

“J’aime cet endroit, il nous unit”, souffle Fumi Nife, une jeune femme de 28 ans en robe blanche.

“A l’année prochaine!”, promet-elle, en allant prendre son bain dans la rivière. Mais seuls les dieux savent si le Nigeria aura retrouvé le chemin de la croissance d’ici là.

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