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Politicien, ce métier ingrat

Déglingue des partis traditionnels, sanction des cumulards et autres “empêchés”, le scrutin communal fut cruel pour le monde politique et ses vieilles habitudes. Pour une fois, plutôt que de tirer des conclusions, analysons ce boulot ingrat de responsable politique.

Il est facile de tirer les leçons ou de formuler des recommandations, confortablement installé devant son écran. Alors, pour une fois, adoptons la posture inverse et analysons ce boulot ingrat de responsable politique. Deux faits d’actualité nous en donnent l’opportunité : l’arrivée de Thunder Power à Gosselies et la mort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Faut-il investir de l’argent public dans cette aventure chinoise de voitures électriques ? Nous avons là un pari industriel risqué (l’entreprise en est à peine au stade des prototypes), avec un produit pour lequel le marché n’existe pas encore et, cerise sur le gâteau, l’entreprise demande de faire transiter le financement public par un paradis fiscal. Bref, toutes les conditions sont réunies pour vous faire alpaguer par une commission d’enquête dans quelques années. Mais il y a aussi un formidable espoir industriel et de l’emploi pour potentiellement 4.000 personnes. Le gouvernement wallon et son bras financier, la Sogepa, ont certainement hésité face à ce dilemme. Mais, au final, ils ont préféré l’optimisme à la prudence et ce n’est pas nous qui les en blâmerons. Et si d’aventure les choses devaient tourner mal, il faudra s’en souvenir avant d’éventuellement donner de nouvelles leçons…

Au final, on est plutôt content d’avoir des élus chargés de trancher à notre place de tels dilemmes de conscience.

Ces derniers temps, la question de la gouvernance a souvent été mise sur la table. Sous l’angle de la transparence et de la limitation des mandats comme des rémunérations. Mais rarement sous l’angle de la compétence. Or, pour peser le pour et le contre dans des ventes d’armes et, plus encore, dans un investissement risqué (on peut aussi prendre l’exemple du rachat de LMI par la Sonaca), il faut de réelles compétences. Et il faut ensuite savoir assumer et expliquer le choix retenu. Dans les outils économiques wallons, on n’est pas tout à fait convaincu que le durcissement des règles de gouvernance permettra encore d’accueillir demain dans les CA des personnalités prêtes à privilégier, au moins de temps en temps, l’audace industrielle sur la prudence du gestionnaire.

Le second fait d’actualité pose la question des exportations d’armes : faut-il les autoriser à destination de pays qui ne respectent pas les droits de l’homme ? Bien sûr que non, avons-nous spontanément envie de répondre. Mais ce n’est pas nous qui devrons aller expliquer la situation aux travailleurs de FN Herstal, de CMI et de leurs sous-traitants, dont les emplois seraient en péril. Alors, on comprend la tentation de botter en touche en attendant une hypothétique disposition européenne en la matière. Et, au final, on est plutôt content d’avoir des élus chargés de trancher à notre place de tels dilemmes de conscience.

Le danger, quand on passe sa vie à trancher froidement de tels dilemmes, c’est de verser dans le cynisme. Y compris, et nous revenons à ce scrutin communal, au moment d’opter pour une coalition plutôt qu’une autre. Dans ce contexte, nous saluerons le départ de Patrick Dupriez de la coprésidence d’Ecolo ” pour raisons personnelles “. Il explique, dans un entretien au Soir, que ce cynisme ” pend toujours au nez de ceux qui s’engagent en politique “. ” Un cynisme accepté au nom de l’efficacité, précise-t-il. Il n’y pas de vaccin contre le cynisme mais il y a une attention permanente à avoir pour l’éviter. ”

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