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Piketty flingue l’hypocrisie et la concurrence fiscale dans l’UE

L’économiste français Thomas Piketty est l’équivalent d’une rock star aux Etats-Unis depuis la publication de son livre “Le capital au XXIe siècle”. Pourtant son livre, il l’avait d’abord publié en France, il avait reçu un accueil intéressé, mais sans être dithyrambique.

Comme toujours en France, il a fallu que les Américains s’entichent de cet économiste à l’accent “so frenchy” pour qu’il devienne enfin une star dans son propre pays et ailleurs ! Le livre de Thomas Piketty s’est écoulé à 1,5 million d’exemplaires. Et même si peu d’acheteurs l’ont lu du début à la fin, car c’est une grosse brique, le message principal du livre est en tout cas bien passé auprès des dirigeants politiques du monde entier: à savoir que les inégalités patrimoniales se sont accentuées au fil du temps, au point qu’aujourd’hui, si rien n’est fait pour corriger cet état de fait, nous allons retourner vers une société féodale, avec des hyper riches d’un côté, une classe moyenne qui s’étiole de l’autre côté, et une dernière frange constituée d’exclus.

Dans une interview accordée à nos confrères de l’Echo, il persiste et signe. Piketty précise que si chaque pays européen continue à ne se préoccuper que de son pré carré, dans dix ans ou vingt ans maximum, il n’y aura plus d’impôt des sociétés en Europe à cause de la concurrence fiscale interne. Et s’il n’y a plus d’impôt des sociétés, cela voudra dire que le poids des autres impôts sera aggravé ou que les services sociaux seront démantelés !

Pour Thomas Piketty, c’est la construction même de nos organes européens qui est en cause. Et comme cet économiste n’a pas sa langue en poche, il attaque Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne: “c’est quand même terrible, dit-il, de se retrouver avec, à la tête de la Commission, une personne qui a été le grand architecte du principal paradis fiscal européen et du monde, avec un secteur financier qui représente 40% du PIB. Une personne dont une bonne partie de l’activité, dit-il, consiste à écrire des PV bidon pour des filiales bidon de multinationales, simplement pour saper les bases fiscales des voisins”.

Pour Thomas Piketty, une Europe incapable de résoudre le problème grec sera demain attaquée via d’autres pays comme le Portugal, l’Italie ou la Belgique…

Quant à la situation grecque, Thomas Piketty dénonce là aussi l’hypocrisie des autres pays européens: s’il reconnaît, sans problème, qu’il faut que le gouvernement grec améliore sa récolte des impôts, il dit aussi “que les banques françaises et allemandes, elles, sont très contentes de recevoir l’argent des riches Grecs et elles ne transmettent pas ces informations au fisc grec. Et donc, dit-il, comment voulez-vous que la Grèce seule fasse payer un impôt correct à ses riches contribuables ?”

Et à ceux qui se disent qu’une sortie de la Grèce de la zone euro ne serait pas problématique, Thomas Piketty répond qu’une Europe qui ne serait pas capable de résoudre le problème d’un pays qui ne pèse que 2% du PIB de la zone euro sera demain attaquée via d’autres pays comme le Portugal, l’Italie, la Belgique ou la France. On aura des spéculations énormes sur les taux d’intérêt de tel ou tel pays. Et au final, dit-il, nous allons créer une machine dont on finira par tous devoir sortir.

On peut ne pas être d’accord avec les propos de Thomas Piketty, mais comme ils sortent du discours ordinaire, ils ont au moins un avantage précieux: celui de faire réfléchir autrement.

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