Philippe Legrain: “L’Allemagne n’est pas un modèle”

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L’ancien conseiller économique de José Manuel Barroso, Philippe Legrain, a claqué la porte en mars dernier. Il explique pourquoi l’Europe reste engluée dans la crise. Un “printemps européen” serait possible, mais à condition d’assainir vraiment les banques et de réaliser des réformes véritablement structurelles. Et non pas se calquer sur l’Allemagne.

Au début de cette année on espérait que la zone euro avait enfin surmonté sa crise. Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence : il n’en est rien. Les dernières statistiques montrent que le Vieux Continent s’enfonce dans la déflation, que la récession guette à nouveau (le PIB italien s’est contracté de 0,2 % et le PIB allemand a aussi cédé du terrain), que les Etats continuent à s’endetter et que le chômage ne baisse pas.

Philippe Legrain a conseillé le précédent président de la Commission José Manuel Barroso pendant plus de trois ans. Il est très critique à l’égard de la politique menée par l’exécutif européen. Cet ancien journaliste auprès de The Economist a d’ailleurs démissionné en mars dernier afin de marquer son désaccord avec la politique de la Commission qu’il accuse de s’être alignée sur l’Allemagne pour des raisons de basse politique, et d’avoir ainsi obligé les pays européens à pratiquer tous ensemble une austérité suicidaire.

Dans un ouvrage publié peu après son départ (European Spring : Why Our Economies and Politics are in a Mess – and How to Put Them Right), il énumère les fautes qui ont mené au désastre. Il fustige ainsi le fait d’avoir aidé les banques sans discernement plutôt que d’avoir effacé la dette grecque, ou d’avoir traité les pays périphériques qui éprouvaient des problèmes passagers de financement comme s’ils étaient devenus insolvables, les obligeant à pratiquer une politique d’austérité “inhumaine”. Il estime néanmoins qu’un “printemps européen” reste possible, si l’Europe se lance dans des réformes de fond. Entretien.

TRENDS-TENDANCES.Les dernières statistiques de chômage, d’inflation, de croissance montrent que la stratégie européenne de sortie de crise ne fonctionne pas.

PHILIPPE LEGRAIN. C’est en effet un échec. En premier lieu parce que la crise a été mal diagnostiquée. Ensuite parce que les réponses politiques ont aggravé le problème. La bonne nouvelle, bien sûr, est l’intervention de la BCE en juillet 2012 (lorsque Mario Draghi a donné un coup d’arrêt à la spéculation en disant que “la BCE ferait tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro”, Ndlr). Mais oui, la situation économique est terrible. Mon scénario de base est une stagnation prolongée avec un risque accru que l’Europe tombe dans le piège de la déflation.

Pourtant, Mario Draghi est remonté au créneau voici quelques jours lors de son discours de Jackson Hole…

Je modérerai l’importance de ce discours, qui se veut surtout politique. Mario Draghi a voulu alléger la pression qui pèse sur la BCE (on lui demande de lancer rapidement une opération de “quantitative easing”, Ndlr) en disant : l’assouplissement monétaire ne fonctionnera que si les gouvernements accompagnent cette mesure par des mesures budgétaires. L’Allemagne ne partage pas cette opinion et le sens de ce discours est de mettre la pression sur Berlin.

Que faudrait-il alors pour sortir réellement de la crise ?

Une combinaison d’éléments : assainir le système bancaire, restructurer les dettes publiques et privées, soutenir la croissance en favorisant des investissements productifs, s’engager dans de véritables réformes structurelles.

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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