Luc Coene: “Je me demande si un Grexit n’aurait pas été mieux”

Luc Coene © Belga - THIERRY ROGE

L’ancien gouverneur de la Banque nationale de Belgique Luc Coene se montre sceptique quant à l’accord conclu à l’arrachée entre Athènes et ses créanciers. Pour lui, on ne renforce pas la zone euro en y maintenant à tout prix la Grèce. Il a répondu à nos questions.

La Grèce est-elle définitivement sauvée ?

On a l’impression d’avoir évité un Grexit. Mais quand je vois ce qu’on impose aux Grecs, je me demande s’il n’aurait pas été plus facile de sortir momentanément le pays de la zone euro. Cela n’aurait pas été catastrophique. Nous n’aurions pas abandonné la Grèce pour autant. Nous aurions pu continuer à l’aider avec des investissements en vue de remettre son économie sur orbite. Je ne me fais pas trop de soucis pour les premières échéances parlementaires, mais la mise en oeuvre de ce troisième plan de sauvetage sera longue et difficile.

Que cherche l’Allemagne ? Veut-elle éjecter la Grèce du club ?

Elle cherche à préserver l’union monétaire. On ne peut pas avoir d’union monétaire sans responsabilité à tous les étages. La solidarité ne vient qu’après. D’autres pays autour de la table sont plus laxistes et veulent l’inverse : d’abord de la solidarité et puis des responsabilités. Ce n’est pas comme cela qu’une union monétaire se gère. Le fond du débat n’est pas la Grèce mais le fonctionnement de la zone euro. Cela montre que davantage de convergence des politiques économiques est indispensable.

A vous entendre, un Grexit aurait été une bonne chose ?

Bien sûr, un Grexit coûterait des milliards à tous les Européens. L’euro serait fragilisé dans les premiers jours, les premières semaines. Mais une fois la poussière retombée, ce ne serait pas une catastrophe. A terme, un Grexit serait même de nature à renforcer la discipline interne de la zone euro plutôt que l’affaiblir. Si je devais d’ailleurs choisir entre la survie de l’euro et garder la Grèce dans l’euro, je choisirais la survie de l’euro. Même si c’est au prix d’un Grexit. On ne va pas renforcer l’euro en maintenant à tout prix la Grèce dans la zone. Je ne comprends pas cette logique.

Quoi qu’il en soit, tout ceci est révélateur du mal européen : l’Europe monétaire ne fonctionne pas ?

Tout ce spectacle n’est pas réconfortant. Avec toutes ces dissensions sur la manière d’apporter une solution au problème, l’Europe n’a pas donné une bonne image d’elle. C’est édifiant. A terme, cela risque même de mettre en cause la crédibilité de l’euro. Nous risquons de revivre la crise de 2012, lorsque l’euro a frôlé le désastre. A ceci près que je ne suis pas sûr qu’on puisse le sauver une nouvelle fois. Mais il faut maintenant avancer et espérer que cela marche.

Partner Content