Les “visas dorés” accordés par certains pays de l’UE posent question

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Si vous avez assez d’argent, et même si sa provenance est douteuse, vous pouvez acheter un passeport ou un permis de résidence dans plusieurs pays de l’UE, dénoncent deux ONG.

Dans un rapport publié mercredi, intitulé “Dans le monde trouble des visas dorés”, Transparency International et Global Witness affirment que “comme un bien de luxe, la citoyenneté européenne ou le droit de résider dans l’UE peuvent s’acheter”.

“Corrompus et criminels peuvent facilement trouver refuge en Europe grâce à l’opacité et au manque d’encadrement des programmes appelés Visas dorés”, écrivent les auteurs de ce rapport. “Le bénéfice économique de ces dispositifs – qui permettent d’offrir la citoyenneté ou le droit de résidence à des non-Européens en échange d’investissements importants – est compromis par des risques liés à un manque de contrôle favorisant la prise de décision discrétionnaire et la corruption”.

Quatre pays de l’Union (Autriche, Bulgarie, Chypre et Malte) “vendent” des passeports et douze accordent sous condition des droits de résidence à de riches investisseurs, précise le rapport. Au moins six mille passeports et près de cent mille permis de séjour au été “vendus” au cours de la dernière décennie.

“L’Espagne, la Hongrie, la Lettonie, le Portugal et le Royaume-Uni en ont accordé plus de dix mille chacun”, selon les auteurs du rapport. Ce système a notamment permis à Chypre de collecter 4,8 milliards d’euros depuis 2013, 718 millions pour Malte depuis l’ouverture d’un programme en 2014.

Un permis de résidence est accordé à ceux qui investissent 250.000 euros en Grèce et en Lettonie, tandis qu'”un passeport chypriote peut coûter deux millions d’euros”, accuse le texte.

“Porte ouverte à l’argent sale”

Le rapport intervient quelques semaines après un raid de la police finlandaise contre une agence immobilière qui serait au coeur d’une opération de blanchiment d’argent d’un montant de dix millions d’euros, affirment les ONG. “A la tête de cette agence, un homme d’affaires russe qui aurait acheté la citoyenneté maltaise”.

Pour la députée européenne et ancienne juge anti-corruption en France Eva Joly, “les visas dorés (…) sont une porte ouverte à l’argent sale et mettent à mal tous nos efforts pour lutter contre le blanchiment, la corruption et la criminalité”.

Laure Brillaud, chargée des questions de la lutte antiblanchiment pour Transparency International Europe et co-auteure du rapport, ajoute que “ces programmes (…) permettent à des personnes corrompues de travailler et de voyager sans entrave dans toute l’UE et en cela, portent atteinte à notre sécurité collective. C’est pourquoi nous appelons à une action à l’échelle de l’Union Européenne de toute urgence”.

Le programme de “visas dorés” à Malte, et la façon dont ils étaient accordés, était l’une des enquêtes sur lesquelles travaillait la journaliste et blogueuse Daphne Caruana Galizia quand elle a été assassinée dans l’explosion de sa voiture, le 16 octobre 2017.

Interrogé mercredi à Bruxelles par des journalistes après la publication de ce rapport, le commissaire européen aux Migrations, aux Affaires intérieures et à la citoyenneté Dimitris Avramopoulos a déclaré : “Nous suivons cette question de très très près”.

“Nous travaillons à un rapport sur les procédures nationales permettant d’accorder la nationalité à des investisseurs, qui comprendra des consignes données aux États membres sur les nécessaires enquêtes préalables sur les postulants”, a-t-il ajouté. “Nous prévoyons de publier ce rapport avant la fin de l’année”.

Le rapport de Transparency et Global Witness (88 pages, en anglais) est disponible en ligne :

http://transparency.eu/wp-content/uploads/2018/10/REPORT-European-Getaway-Inside-the-Murky-World-of-Golden-Visas_web.pdf

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