“Le virage à droite en Autriche est aussi économique”

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L’économie autrichienne se porte bien, et il y a à peine 5% de chômage. Pourtant, le quart des électeurs vote pour un parti d’extrême droite. Le professeur Dirk Rochtus (KU Leuven/Campus d’Anvers), expert en matière autrichienne, explique pourquoi.

Le parti conservateur ÖVP et la droite radicale FPÖ sont les gagnants des élections parlementaires autrichiennes. Une conséquence de l’opinion anti-immigration du chancelier désigné Sebastian Kurz, mais le programme économique libéral des deux partis plaît aussi, affirme le professeur Dirk Rochtus (KU Leuven/Campus d’Anvers), connaisseur de l’Autriche.

Le parti conservateur ÖVP obtient 31%, l’extrême droite FPÖ grimpe à 26% et les sociaux-démocrates du SPÖ se maintiennent autour de 26%. Ces résultats vous étonnent-ils ?

DIRK ROCHTUS: Pas vraiment. Sebastian Kurz, le chef de l’ÖVP et le chancelier désigné, a mené une campagne très personnalisée. Au printemps, en tant que ministre des Affaires étrangères, il a mis fin à la coalition avec les sociaux-démocrates. Les Autrichiens étaient fatigués de cette coalition qui a été 48 ans au pouvoir depuis la Deuxième Guerre mondiale et a livré 20 des 29 gouvernements. Ils désiraient quelque chose de nouveau et Kurz l’a compris. Kurz s’est emparé du pouvoir dans son parti et a tout concentré autour de sa personnalité. Il s’est présenté en tant que Liste Kurz.

Est-il populaire grâce à ses opinions anti-immigration ?

Je le qualifierais de droite dure. En tant que ministre des Affaires étrangères, Kurz a prôné la fermeture de la route des Balkans pendant la crise des réfugiés et sa position le rapproche de celle de pays d’Europe centrale comme la Pologne et la Hongrie. Il s’est également opposé à l’adhésion de la Turquie à l’UE.

L’économie autrichienne se porte bien. Il y a à peine 5% de chômage. La bourse connaît des records : les cours des actions ont grimpé de 27% cette année. Pourtant, un quart des électeurs votent pour un parti d’extrême droite. Comment expliquer cela ?

La zone euro va économiquement bien et cela peut également être observé en Autriche. Il y a aussi l’impact de la force du voisin allemand. 30% des exportations autrichiennes vont directement vers l’Allemagne. La proximité de la Suisse a un impact positif. Le gouvernement précédent de coalition ÖVP et SPÖ a aussi diminué les charges sociales ainsi que d’autres impôts, ce qui a favorisé la compétitivité des entreprises et renforcé la consommation intérieure. Ensuite, l’ÖVP et le FPÖ ont prôné une suppression de l’impôt des sociétés au cours de la campagne, ou du moins que seul le bénéfice distribué soit encore taxé. Cela a rendu les bourses euphoriques. Le revirement à droite en Autriche est aussi économique.

Le FPÖ d’extrême droite est-il comparable à des partis comme le Front National de Marine Le Pen ou le PVV de Geert Wilders ?

Le dirigeant du FPÖ Heinz-Christian Strache a mené une campagne anti-immigration dure. Il veut que les Autrichiens obtiennent une priorité sur le marché du travail. Ensuite, le FPÖ est néanmoins beaucoup plus libéral que d’autres partis de la droite populiste. Tant les impôts que les dépenses publiques doivent continuer à être diminués. Et l’Autriche doit devenir plus attrayante pour les investisseurs. D’où ce plaidoyer pour un démantèlement de l’impôt des sociétés. Le FPÖ veut supprimer les droits de succession. Les programmes économiques de l’ÖVP et du FPÖ sont analogues.

Nous dirigeons-nous vers une coalition ÖVP et FPÖ ?

C’est ce qui a la plus grande chance, bien que ce ne soit pas le parlement, mais le président, le vert Alexander Van der Bellen, qui désigne le chancelier. Mais Kurz a la plus grande chance de devenir chancelier dans une telle coalition. Par ailleurs, le FPÖ codirige déjà dans les États fédérés du Burgenland et de la Haute-Autriche.

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