Le secteur privé promet près de 700 millions d’euros pour reconstruire Notre-Dame

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Les dons promis par plusieurs grandes fortunes et entreprises pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, dévastée la veille par le feu, approchaient mardi après-midi 700 millions d’euros, auxquels doivent s’ajouter plusieurs engagements en nature.

Voici le point sur les principaux dons.

500 millions d’euros pour les trois plus grosses fortunes françaises

A elles seules, les trois plus grandes fortunes françaises ont donné un demi-milliard d’euros pour la reconstruction de Notre-Dame.

La première place du podium est partagée entre la famille Arnault et la famille Bettencourt.

Avec le numéro un mondial du luxe LVMH, la première a annoncé un “don” de 200 millions d’euros et a proposé que l’entreprise mette à disposition ses “équipes créatives, architecturales, financières” pour aider au travail de reconstruction et de collecte de fonds.

Les Bettencourt ont annoncé quant à eux deux dons de 100 millions d’euros, l’un via l’Oréal et l’autre via leur fondation.

A la troisième place, la famille d’industriels Pinault, qui possède le groupe Kering, a annoncé débloquer 100 millions d’euros via sa société d’investissement Artemis.

“Très touchés” par l’incendie, Martin et Olivier Bouygues ont annoncé se mobiliser “à titre personnel” avec un don de 10 millions d’euros via leur holding familiale, SCDM.

Le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, qui contrôle la société d’investissement Fimalac, a quant à lui aussi débloqué 10 millions d’euros, “pour la restauration de la flèche, symbole de la cathédrale”, tombée dans l’incendie de lundi.

Les entreprises françaises donnent à diverses échelles

Le PDG du groupe Total Patrick Pouyanné a annoncé sur son compte Twitter, que le groupe, qui se présente comme le “premier mécène de la Fondation du patrimoine”, allait faire un “don spécial” de 100 millions d’euros.

Le géant français de l’affichage publicitaire JCDecaux a lui promis 20 millions d’euros ainsi qu’une “visibilité nationale et internationale” aux appels à la souscription grâce à ses emplacements publicitaires.

Crédit Agricole, via sa fondation, est pour l’heure la seule banque française à avoir annoncé un chiffre (5 millions d’euros) pour les mesures de sauvegarde d’urgence de Notre-Dame de Paris. Les banques Société Générale, BNP Paribas, Crédit Mutuel et CIC ont toutes promis de participer à l’effort de reconstruction, sans préciser pour l’heure de montant.

Le géant informatique français Capgemini s’est dit “solidaire de l’effort national” et a annoncé verser un million d’euros pour contribuer à la reconstruction de la cathédrale.

Le géant français du BTP Vinci n’a pas non plus annoncé de montant mais souhaite apporter “une partie du financement” de la reconstruction et propose à tous les constructeurs de France “d’unir leurs forces” dans un “mécénat de compétences”.

Le groupe Michelin a pris la décision de participer à la reconstruction via sa fondation, a indiqué le groupe à l’AFP. Le montant sera décidé par le conseil d’administration de celle-ci.

Le patronat a également réagi: le Medef a appelé les entrepreneurs à participer à la collecte lancée par la Fondation du patrimoine tandis que la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) “se tient à la disposition des pouvoirs publics pour mobiliser son réseau national d’artisans”.

Des dons en nature

Groupama a annoncé offrir 1.300 chênes qu’il prélèvera dans ses forêts normandes, “pour respecter le travail des Compagnons de l’époque”, pour la “reconstruction de la charpente” de la cathédrale.

Saint-Gobain mettra “à disposition son expertise en matière de rénovation et de matériaux, notamment en matière de restauration de vitraux” dont certains ont explosé.

La compagnie Air France assurera “le transport gratuit de tous les acteurs officiels qui participeront à la reconstruction”. Elle mettra également en place un système de collecte auprès de ses clients.

Quelques dons venus de l’étranger

Par un tweet matinal aux Etats-Unis, Tim Cook, le patron d’Apple, a assuré que la firme à la pomme allait “donner pour les efforts de reconstruction afin d’aider à restaurer le précieux héritage de Notre-Dame”, sans préciser de somme.

Henry Kravis, co-fondateur du fonds d’investissement américain KKR, et son épouse Marie-Josée Kravis, “attristés par l’incendie”, ont annoncé contribuer “dès à présent” à hauteur de 10 millions de dollars (8,85 millions d’euros). C’est le premier don d’ampleur venu de l’étranger.

La ville hongroise de Szeged a annoncé faire un don de 10.000 euros, s’estimant redevable à Paris. En 1879, la capitale française avait aidé à la reconstruction de cette ville du sud du pays, dévastée par une inondation.

En Côte d’Ivoire, c’est le roi de Krindjabo, capitale du royaume de Sanwi dans le sud-est du pays, qui a promis un “don” pour la reconstruction, sans préciser de montant. Un prince de son royaume avait été baptisé dans la cathédrale dans les années 1700.

La milliardaire brésilienne Lily Safra a fait un “don important”, a également affirmé à l’AFP Stéphane Bern, chargé de la mission du patrimoine, sans dévoiler de montant.

Les dons encouragés par une fiscalité avantageuse

Pour financer la reconstruction de Notre-Dame de Paris, plusieurs personnalités et entreprises ont annoncé des dons, pour des montants parfois très élevés. Une générosité encouragée par la fiscalité française, qui permet aux mécènes de réduire fortement leurs impôts.

“Cette cathédrale Notre-Dame, nous la rebâtirons”, a assuré lundi soir Emmanuel Macron, en annonçant le lancement d’une “souscription nationale” pour financer le chantier de reconstruction, qui s’annonce long et difficile.

Dans la foulée, plusieurs grandes fortunes et entreprises ont commencé à faire des dons, à l’image de l’industriel François-Henri Pinault, président du groupe de luxe Kering (100 millions d’euros), de l’homme d’affaires Bernard Arnault (200 millions d’euros), de Total (100 millions) et de la famille Bettencourt-Meyers, grand actionnaire de L’Oréal (200 millions).

Ces donations, qui s’ajoutent aux promesses de dons formulées par les associations, les collectivités et les particuliers, ne seront cependant pas sans conséquences pour les finances publiques, l’Etat français encourageant fortement les dons et le mécénat, via un traitement fiscal avantageux.

Depuis la loi Aillagon de 2003, les entreprises qui investissent dans la culture peuvent déduire 60% de leurs dépenses en faveur du mécénat (66% de réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers), avec la possibilité de bénéficier d’un échelonnement de l’avantage fiscal sur cinq ans, dans une limite de 25% du don.

Cette réduction fiscale, appliquée dans la limite de 5‰ (cinq pour mille) du chiffre d’affaires annuel, peut même atteindre 90% lorsqu’il concerne l’achat de biens culturels considérés comme des “trésors nationaux” ou présentant “un intérêt majeur pour le patrimoine national”. La remise est alors appliquée dans la limite de 50% de l’impôt dû par l’entreprise.

Ce taux de 90%, qui signifie que l’entreprise ne contribue in fine qu’à hauteur de 10% de son geste, ne peut en théorie pas s’appliquer à des projets de restauration de grands monuments patrimoniaux, comme la reconstruction de Notre-Dame, étant limité aux objets “qui risquent de sortir du territoire”.

– 60% ou 90% –

Pour favoriser l’afflux de dons, plusieurs voix se sont élevées depuis lundi soir pour pousser le gouvernement à mettre en place une fiscalité la plus avantageuse possible pour Notre-Dame.

Il faut “que l’Etat décrète vite Notre Dame +Trésor national+, de façon à ce que les dons faits pour sa reconstruction bénéficient de la réduction d’impôt de 90%”, a ainsi plaidé l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, estimant que “la République française” devait prendre une mesure exceptionnelle”.

“Nous allons voir avec le gouvernement quel dispositif spécifique nous mettons en oeuvre, mais bien évidemment l’Etat sera là auprès de tous nos compatriotes pour reconstruire” et il “assumera ses responsabilités”, a assuré de son côté sur France Inter son successeur à la tête du ministère, Franck Riester.

Selon une source proche du dossier, des propositions ont été faites au président de la République mardi midi sur cette question. “Cela impliquerait de changer la loi”, a assuré cette source, en mettant en garde contre un dispositif qui reviendrait à favoriser les entreprises au détriment des finances publiques.

Avec la niche sur le mécénat, “c’est la collectivité publique qui va prendre l’essentiel” des frais de reconstruction “en charge”, a souligné dans un entretien au Monde, Gilles Carrez, député (LR) de la Commission des finances. “C’est tout le problème de ce genre de dispositif: ça peut poser un problème budgétaire”, a-t-il ajouté.

Dans un rapport publié à l’automne, la Cour des comptes avait appelé à “mieux encadrer” le mécénat d’entreprise, en raison de son coût jugé excessif pour les finances publiques. D’après les magistrats financiers, ce dernier a été multiplié par dix en 15 ans, pour atteindre près de 900 millions d’euros par an.

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