Le Parlement argentin valide l’accord Argentine-fonds “vautours”

Mauricio Macri, au soir de sa victoire aux élections présidentielles, argentines, à Buenos Aires, le 22 novembre 2015 © REUTERS

Le Parlement a adopté une loi autorisant le gouvernement à solder avec des fonds spéculatifs le contentieux sur la dette hérité de la crise économique de 2001, une victoire politique pour le nouveau président Mauricio Macri.

Après la Chambre des députés, le Sénat argentin a voté dans la nuit de mercredi à jeudi. Cinquante-quatre sénateurs ont voté le texte, 16 se ont refusé de donner leur feu vert au versement de 4,6 milliards de dollars aux fonds procéduriers menés par NML Capital et Aurelius, et à une une émission de dette de 12,5 milliards de dollars. Conclu fin février, cet accord “donne à l’Argentine la possibilité d’en finir avec ce conflit” qui empêchait jusqu’ici le pays sud-américain de lever des fonds sur les marchés internationaux de capitaux, a souligné le président argentin avant de s’envoler pour Washington.

Après le défaut de paiement de la 3e économie d’Amérique latine fin 2001, une restructuration de la dette avait été approuvée par 93% des créanciers. Mais 7% des détenteurs de titres argentins avaient refusé la décote de 60 à 70% et entamé des procédures judiciaires aux Etats-Unis, car une partie de la dette avait été émise sur la place financière de New York. Pour les fonds “vautours”, c’est le jackpot. Le fonds NML du milliardaire américain Paul Singer devrait par exemple empocher 2 milliards de dollars pour des titres rachetés à la fin des années 2000 pour 80 millions de dollars, soit 25 fois la mise. Alors que 93% des créanciers ont accepté de ne toucher que 30 à 40% de la valeur des bons, après la faillite de l’Argentine en 2001, pour permettre au pays de se redresser, les fonds “vautours” ont obtenu 75%, en s’appuyant sur la décision d’un tribunal américain.

Au pouvoir depuis trois mois, le nouveau président de centre-droit a mené tambour battant des réformes pour éliminer les mesures protectionnistes introduites par les ex-présidents Nestor et Cristina Kirchner, qui ont gouverné le pays de 2003 à 2015. Après l’abolition du contrôle des changes et des limitations aux importations, une dévaluation du peso, une baisse de la fiscalité pour les secteurs productifs, le pays sud-américain devient plus attractif pour les investisseurs étrangers. L’adoption du texte est une victoire politique pour le nouveau président, dont la coalition est en minorité dans les deux chambres du congrès. “C’est une preuve de maturité. C’est important car le monde nous regarde (…) L’Argentine a récupéré sa crédibilité et la confiance, ce qui va relancer les investissements”, a poursuivi le chef de l’Etat argentin lors d’un entretien télévisé.

Tourner la page du défaut de paiement de 2001, était une étape capitale dans le tableau de marche de la nouvelle administration. Cristina Kirchner avait refusé toute concession aux fonds “vautours”, estimant que tous les créanciers devaient être remboursés dans les mêmes conditions. Ce succès parlementaire de M. Macri laisse apparaître des divisions au sein de l’opposition péroniste. Surtout, il démontre que l’ex-présidente Cristina Kirchner n’est pas en mesure de contrarier l’action du gouvernement. Après le règlement de ses dettes vis à vis du FMI, de la Banque mondiale, du Club de Paris et l’indemnisation de Repsol pour la nationalisation d’YPF, sous l’administration Kirchner, Mauricio Macri signe un solde de tous comptes. La sénatrice du Front pour la victoire (FPV, opposition de gauche) María Ester Lobato a voté contre et souligne que les restructurations de 2005 et 2010 “ont été justes et équitables, ce qui n’est pas le cas de ce qu’on veut faire maintenant”. Roberto Lavagna, ministre argentin de l’Economie au moment de la restructuration de la dette de 2005, juge l’accord conclu par le gouvernement Macri avec les fonds spéculatifs “mauvais et extrêmement coûteux”. Le gouvernement répond qu’il paie le prix de la négligence de la précédente administration et du peu d’empressement mis à résoudre le problème, alors que les intérêts couraient. Juan Pablo Ronderos, de l’institut économique Abeceb, estime que l’accord “est un pas en avant” mais que cela ne solutionne pas pour autant les difficultés de l’économie argentine. Les prochains défis du nouveau gouvernement seront de relancer une économie au ralenti et de lutter contre une inflation endémique, d’environ 30% en 2015.

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