Rudy Aernoudt

“La suppression du système gantois ne demanderait que deux minutes de courage politique”

La suppression du “Gents systeem” et de la prime syndicale ne demanderait que deux minutes de courage politique et permettrait aux syndicats de retrouver leur rôle historique.

Deux expressions néerlandophones ont dépassé les frontières: apartheid, d’origine sud-africaine, et Gents systeem. Le Gents system (système gantois) est un principe fondamental dans le monde syndical. Dans les pays qui en sont dotés , ce n’est pas l’Etat mais les syndicats qui versent les allocations de chômage aux demandeurs d’emploi. Il en reste quatre dans le monde: le Danemark, la Finlande, la Suède et la Belgique. Le modèle tire son nom de la ville où il aurait été appliqué pour la première fois à la fin du 19e siècle. Comme notre pays dispose aussi d’une Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage (Capac), le système belge est un quasi- Gents systeem.

La suppression du “Gents systeem” et de la prime syndicale ne demanderait que deux minutes de courage politique et permettrait aux syndicats de retrouver leur rôle historique.

On pourrait penser que les syndicats défendent ce système parce qu’il leur apporte des revenus supplémentaires. Un peu moins de 200 millions d’euros pour effectuer des paiements, cela ne se refuse pas. Mais ce n’est pas la raison principale. Non, le but est davantage de s’assurer que le taux de syndicalisation restera élevé. Les quatre pays européens qui appliquent le Gents systeem sont effectivement ceux où ce taux est le plus élevé parce que le syndicat y est perçu comme une manière pratique de percevoir ses aides au chômage. Les trois pays scandinaves précités affichent ainsi un taux supérieur à 60%, et 52% en Belgique, alors que la moyenne au sein l’Union européenne ne dépasse pas 28%. Les syndicats peuvent ainsi invoquer abusivement ce taux élevé pour démontrer leur représentativité. Poutant, les enquêtes révèlent que 45% des membres ne sont affiliés que pour pouvoir percevoir leurs allocations via leur syndicat en cas de chômage…

Cette position de force factice mène à des décisions contraires à celles qui s’imposent. Ainsi, bien que l’on prêche un allongement des carrières, les syndicats belges demandent la prépension à 58 ans. Les employeurs se montrent assez souples, car c’est avant tout le contribuable qui payera la facture. D’ailleurs, le Gents systeem fait que presque tous les chômeurs sont membres d’un syndicat, ce qui détourne ce dernier de son coeur d’activité: représenter les travailleurs vis-à-vis des employeurs. Autre singularité belge: les membres des syndicats reçoivent une prime syndicale pour être affiliés. Celle-ci peut atteindre jusqu’à 12 euros par mois, alors que l’adhésion s’élève à environ 15 euros par mois – avec évidemment des tarifs réduits pour les chômeurs.

Le lecteur critique pourrait remarquer que ces dysfonctionnements devraient également se retrouver au Danemark, en Finlande ou en Suède. Mais là-bas, mentalité des syndicats et atmosphère de concertation sont totalement différentes. Les syndicats sont des partenaires dans le travail, et pas dans le non-travail. Avec l’accord des syndicats, tous ces pays ont décidé de réduire la durée de chômage dans le temps. La Belgique reste ainsi le seul pays au monde où elle est illimitée. Au Danemark, l’âge de la retraite est fixé à 69 ans, 68 ans en Finlande et 69 ans en Suède. Et aucun syndicat ne remet cette décision en question.

Nous comprenons les syndicats. De la même manière qu’il est difficile de demander aux politi- ques de limiter leurs avantages, on ne peut demander aux syndicats de prendre l’initiative de mettre un terme à un Gents systeem totalement perverti. Mais tant qu’il restera en vigueur, les syndicats invoqueront leurs nombreux membres sponsorisés par la prime syndicale pour abuser de leur pouvoir, quitte à ce que la Belgique manque le train économique post-covid. La classe moyenne surtaxée, colonne vertébrale de l’économie, restera impuissante. Pourtant, la suppression du Gents systeem et de la prime syndicale ne demanderait que deux minutes de courage politique et permettrait aux syndicats de retrouver leur rôle historique, à savoir celui de partenaires dans le droit au travail.

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