La “nounou”, “777”, “combattante coriace”… Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong, est affublée de nombreux surnoms

Carrie Lam © Reuters

Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong, est pleine de contradictions. Si la politique lui a plutôt bien réussi, elle lui a aussi valu d’être affublée de plusieurs surnoms peu flatteurs par les Hongkongais.

Outre la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, toute l’attention en Asie se concentre sur les manifestations à répétition dans les rues de Hong Kong. Depuis février, ces mobilisations s’insurgent contre la loi controversée qui prévoit d’extrader vers la Chine les suspects hongkongais pour qu’ils y soient jugés.

La proposition de loi est portée par Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif ou CEO de Hong Kong. Les manifestants l’ont de plus en plus prise pour cible, non seulement en raison de cette loi sur l’extradition, mais surtout parce qu’elle symbolise l’intensification de la mainmise de Pékin sur Hong Kong.

Désignée avec 777 voix

Carrie Lam est sous le feu des critiques depuis son entrée en fonction en juillet 2017. À Hong Kong, le plus haut dirigeant politique n’est pas élu par le peuple, mais bien par un comité électoral composé de 1.194 membres. Ce dernier est censé représenter toutes les couches de la société hongkongaise. Mais dans la pratique, les membres pro-Chine sont majoritaires. C’est ainsi que Carrie Lam, la favorite de Pékin, a été désignée avec 777 voix malgré la popularité bien plus grande de son rival John Tsang. Un nombre qui la poursuit depuis lors puisqu’il est devenu l’un de ses surnoms.

Certains la disent déterminée, d’autres d’une persévérance qui frise l’arrogance. Carrie Lam a tout d’une fonceuse qui ne se laisse pas abattre par une émeute administrative et tient bon jusqu’à obtenir gain de cause. On la décrit aussi comme un “bourreau de travail”, une qualité récurrente dans les profils de CEO.

L’élue de Dieu

Carrie Lam a grandi dans un quartier ouvrier de Hong Kong et fréquenté une école stricte tenue par des religieuses catholiques. Elle y a acquis la discipline, l’éthique professionnelle et les convictions catholiques qui la caractérisent aujourd’hui. Elle a ainsi déclaré un jour que Dieu l’avait choisie pour diriger Hong Kong.

En 1980, elle a décroché un bachelier en sciences sociales à l’université de Hong Kong et directement intégré la fonction publique. Elle a ensuite enchaîné plus d’une vingtaine de postes sur l’île asiatique.

Entre 2004 et 2006, elle a dirigé la mission commerciale de Hong Kong à Londres. Son mari et l’un de ses fils y vivent toujours. Selon des sources bien informées, elle s’est servie plusieurs fois de cette situation comme argument dans des négociations. Brandir la menace de quitter Hong Kong pour le Royaume-Uni est la meilleure façon d’arriver à ses fins.

Une combattante coriace

Sa réputation d’entêtée s’est confirmée en 2007 durant son mandat de ministre du Développement lorsqu’elle a mené à son terme la démolition d’un embarcadère emblématique malgré les protestations massives de la population. Elle en a hérité le surnom de “combattante coriace” au sein de l’administration.

Et pourtant elle a souvent montré que le destin de ses concitoyens lui tenait à coeur. Elle a notamment obtenu le remboursement d’un médicament expérimental coûteux après avoir reçu la lettre d’une femme atteinte d’une maladie orpheline paralysante. Son statut de CEO ne l’empêche pas de lire encore régulièrement les messages que lui adressent les citoyens.

Avant son élection, Carrie Lam occupait le poste de secrétaire en chef depuis 2012, ce qui faisait d’elle la numéro deux du gouvernement hongkongais. Durant cette période, elle a été surnommée “la nounou” pour avoir aidé à plusieurs reprises ses collègues masculins à corriger et nettoyer leurs dérapages.

À cette époque déjà, elle a été confrontée à des manifestations à grande échelle. En 2014, des dizaines de milliers de manifestants ont paralysé plusieurs parties de l’île. Ils exigeaient le droit de vote et moins d’ingérence de la Chine. Elle s’est entretenue avec plusieurs leaders de la contestation qui exigeaient que le prochain CEO soit choisi directement par la population. L’ironie a voulu qu’elle accède trois ans plus tard à la plus haute marche du pouvoir par les forces pro-chinoises.

La marionnette de Xi Jinping

Depuis lors, elle a souvent dû se défendre d’être une marionnette de Xi Jinping. Elle a donné le bâton pour se faire battre en exprimant plusieurs fois publiquement et avec conviction son admiration pour le leader chinois.

La Chine n’est pas pressée de lui trouver un remplaçant, mais sa réaction face aux manifestations ne fera pas taire les appels de plus en plus pressants à sa démission. Les larmes aux yeux, elle a souligné les sacrifices personnels qu’elle avait consentis pour sa carrière et reproché aux manifestants d’être un gang d’adolescents gâtés et indisciplinés. Toutes ses contradictions et sa ferveur catholique pourraient inciter les mauvaises langues à la surnommer “la bigote de Hong Kong”.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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