L’UE espère se doter d’une liste noire des paradis fiscaux

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Les 28 ministres des Finances de l’UE sont réunis mardi pour se doter une liste noire d’environ 20 noms de paradis fiscaux opérant hors de leurs frontières, une première pour l’Union.

“Il y aura, je l’espère, une liste noire qui devra comporter une vingtaine de pays qui, malgré dix mois de dialogue, n’ont pas pris les engagements nécessaires”, a déclaré le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, en arrivant à cette réunion à Bruxelles.

“Et il y aura une autre liste, que je qualifierai de grise, avec une quarantaine de pays qui eux ont pris des engagements qui devront être suivis. C’est une première victoire pour la transparence”, a ajouté M. Moscovici.

Selon une source bien informée, les ministres doivent se pencher mardi matin sur une liste noire qui comporte les onze Etats suivants: la Corée du Sud, Macao, Panama, la Tunisie, les Emirats Arabes Unis, la Barbade, le Cap-Vert, Grenade, les îles Marshall, les Palaos et Sainte-Lucie.

Ce serait davantage que la liste noire de l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économiques), qui avait épinglé cet été un seul et unique pays: Trinidad-et-Tobago.

Jusqu’au tout dernier moment, la liste de l’UE, très attendue après les scandales récents qui ont révélé différents systèmes d’évasion fiscale, devrait encore faire l’objet de tractations entre les Etats membres.

Car, conformément aux règles européennes sur les questions fiscales, les 28 doivent s’entendre à l’unanimité sur le nom des pays “blacklistés”.

Parmi ceux qui ont décidé de se plier aux demandes de l’UE, les pays développés ont jusqu’à la fin 2018 pour le faire et les pays en voie de développement jusqu’à la fin 2019.

M. Moscovici a “invité les Etats membres à ne pas faire preuve de naïveté face aux engagements qui sont pris, à s’assurer qu’ils sont tenus et à mettre en place des sanctions dissuasives car il faut maintenir la pression sur les pays tiers”.

– Des sanctions? –

Dans trois mois, le cas des pays frappés par les récents ouragans dans les Caraïbes (qui avaient bénéficié d’un sursis) sera rééxaminé et dans six mois “il faudra s’assurer du suivi des engagements”, a-t-il précisé.

Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a également plaidé mardi en faveur de sanctions afin de rendre la liste plus “efficace”, alors que son homologue luxembourgeois, Pierre Gramegna, s’est montré moins pressé: “C’est déjà assez grave comme cela d’être sur la liste noire”, a-t-il jugé.

Les 28 de l’UE ont en effet du mal à s’accorder sur la question: un premier bloc composé, en plus de la France et de la Commission européenne, de la Belgique, l’Autriche, l’Allemagne, la Roumanie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Slovénie, prône des sanctions dures.

Un autre bloc (Luxembourg, Royaume-uni, Malte, Suède, Irlande, Pays-Bas, Lituanie, Finlande et Grèce) plaide pour des sanctions plus souples, qui passeraient surtout par une surveillance accrue des Etats épinglés.

La liste noire doit être régulièrement actualisée. M. Le Maire a ainsi estimé que “si les Etats qui ne respectaient pas les règles se mettent en conformité, il faut qu’il puisse sortir le plus vite possible de la liste noire”.

Epaulés par la Commission européenne, qui pousse depuis deux ans pour l’établissement de cette liste, les 28 Etats membres ont passé au crible un total de 92 juridictions (Etats et territoires, ndlr), susceptibles de poser problème — parfois des îles minuscules –, à l’aune de trois critères:

– Le premier, c’est la transparence fiscale: pratiquent-elles ou non l’échange automatique d’informations ?

– Le deuxième, l’équité fiscale: appliquent-elles ou pas, par exemple, des mesures fiscales préférentielles dommageables ?

– Le troisième: mettent-elles en oeuvre ou pas les mesures de l’OCDE contre l’optimisation fiscale agressive ?

Au moment de l’élaboration des critères, certains Etats membres de l’UE avaient plaidé pour qu’un taux d’imposition zéro sur les sociétés soit également pris en compte, mais d’autres comme les Britanniques y étaient opposés.

En février dernier, les 28 s’étaient finalement entendus pour que le taux d’imposition zéro soit simplement identifié comme “indicateur” dans l’évaluation d’une juridiction.

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