Johan Vande Lanotte poursuit sa croisade énergétique

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Les clients “dormants “, qui n’ont signé aucun contrat pour leur électricité ou leur gaz, payent les tarifs les plus élevés du marché. Pas normal, estime le ministre chargé de veiller sur les consommateurs. Qui attend un geste de la part des fournisseurs.

Après avoir sévèrement tiré les oreilles des fournisseurs qui entendaient indexer leurs tarifs en avril dernier alors que le gouvernement venait de décider une période de gel des prix, Johan Vande Lanotte poursuit, en solitaire, son combat destiné à faire chuter la facture énergétique des Belges. En visant ses cibles favorites : Electrabel et EDF Luminus. Mardi soir, sur les ondes de la VRT, le ministre SP.A de l’Economie et des Consommateurs s’indignait du fait que les consommateurs “dormants” payaient leur énergie plus cher que tous les autres.

Pour rappel, le marché de l’énergie a été libéralisé en 2003 en Flandre et en 2007 pour Bruxelles et la Wallonie. Aux consommateurs d’opter pour le fournisseur de leur choix en signant un contrat, quitte à rester client des opérateurs historiques. Sauf qu’il fallait tenir compte de tous ceux qui ne bougeraient pas : pas question de les plonger dans le noir du jour au lendemain. Ces clients “dormants” se sont vu attribuer un fournisseur par défaut – un gâteau partagé entre Electrabel et EDF Luminus.

Les Belges de plus en plus nombreux à changer de crémerie

On peut s’en réjouir : le marché belge commence à être traversé d’un véritable dynamisme. Par le jeu de la concurrence, les Belges sont de plus en plus nombreux à changer de crémerie, d’autant plus que les frais de rupture de contrat ont récemment été abolis. “Il reste environ 810.000 ménages qui n’ont jamais signé le moindre contrat”, indique le cabinet Vande Lanotte. Soit tout de même 10,3 % des clients flamands et 25,9 % pour les Wallons. Avec 32 %, Bruxelles remporte la palme de l’immobilisme.

Le problème ? “Ces contrats par défauts sont presque systématiquement les plus onéreux du marché”, souligne la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg). Chez Vande Lanotte, on a sorti sa calculatrice. Un client captif d’Electrabel Customer Solutions (ECS, le petit nom d’Electrabel s’il vous sert de fournisseur par défaut) paye 11,5 % de plus son électricité que s’il avait opté pour le tarif le plus avantageux du même Electrabel. Et 27 % de plus que le meilleur tarif du marché. Ce n’est pas mieux pour le gaz : les conditions d’ECS sont 14 % plus indigestes que le contrat le plus intéressant d’Electrabel et 30 % plus élevées que le prix proposé par le fournisseur le plus concurrentiel.

Pas normal, estime donc le Vice-Premier SP.A. Qui attend des fournisseurs qu’ils offrent à leurs clients passifs un tarif qui ne soit pas plus élevé que la moyenne qu’ils pratiquent pour leurs autres clients. “Nous voulons entamer un dialogue avec eux, afin de voir s’ils peuvent faire un geste, de leur propre initiative”, glisse-t-on au cabinet Vande Lanotte. Sans oublier de brandir le bâton, en cas de bonne volonté défaillante : s’il le faut, cette demande se muera en obligation – si le gouvernement suit, bien entendu. “Ce ne sera pas facile, mais c’est possible.”

Vers une vraie concurrence sur le marché

Une bonne idée, à première vue. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps (de 5 à 9 ans après la libéralisation) ? Demandez aux ministres précédents, rétorque-t-on chez le ministre actuel. Tout en reconnaissant que pareille mesure devait aussi attendre la naissance d’une vraie concurrence sur le marché.

Une bonne idée, vraiment ? La sortie de Johan Vande Lanotte pourrait faire grincer quelques dents, ailleurs que chez Electrabel et EDF Luminus. Celle de Melchior Wathelet (CDH), au premier chef. Le secrétaire d’Etat en charge de l’Energie n’a pas été consulté préalablement. Surtout, n’est-ce pas aller à contre-courant de la vaste campagne fraîchement lancée par le SPF Economie, sous le slogan “Osez comparer !”, incitant les citoyens à inspecter les offres des différents fournisseurs et à opter pour la plus avantageuse, des centaines d’euros d’économies annuelles à la clef ? Eh bien oui : rendre plus confortable la “prison” des clients endormis ne va pas vraiment les encourager à aller voir si l’énergie n’est pas moins chère ailleurs.

Quoi qu’il en soit, que cet appel reste lettre morte ou qu’il incite les fournisseurs à effectuer un geste commercial, voilà qui n’est en tout cas pas perdu pour celui que l’on surnomme parfois “l’empereur d’Ostende”. En période électorale, un coup d’éclat et de publicité est toujours le bienvenu. Ce n’est pas le SP.A qui s’en plaindra.

Benoît Mathieu

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