Jean-Michel de Waele: “Le sport a besoin de régulation”

© PG-ULB

Une nouvelle affaire judiciaire secoue le monde du football. Elle concerne la libre circulation des joueurs et rappelle un certain arrêt Bosman. L’occasion d’interroger l’expert Jean-Michel De Waele sur l’évolution du “foot business”.

L’agent de joueurs Daniel Striani a saisi le tribunal de commerce de Bruxelles pour s’opposer à la règle dite des “six joueurs formés localement par feuille de match” mise en place par l’UEFA et appliquée par l’Union belge de football. Il dénonce une entrave à la libre circulation des joueurs pourtant imposée par l’arrêt Bosman. Risque-t-on un nouveau séisme sur le marché ?

C’est le genre d’affaires dont on parle beaucoup et qui risque de se dégonfler. Cela prendra de toute façon plusieurs années avant que l’on ait une décision, surtout si l’affaire passe devant la Cour de justice européenne. Entretemps, il y aura peut-être des adaptations car les instances du football trouvent toujours des parades juridiques avec des amendements mineurs pour évoluer. Autrement, c’est un pas de plus vers la dérégulation sportive…

Mais pourquoi l’UEFA semble-t-elle vouloir contourner à tout prix cette libre circulation des joueurs garantie par l’arrêt Bosman ?

On peut avoir une autre lecture du dossier. La libre circulation existe déjà dans le monde du football, mais le sport en tant que tel a besoin aussi de régulation. C’est le cas aux Etats-Unis et, là-bas, tout se passe très bien, notamment en ce qui concerne le transfert des joueurs. Or, il semble ici que ce sont plutôt des agents de joueurs qui tentent de faire tomber les règles. Alors, on peut se poser la question suivante : soit le monde du sport ne fixe aucune règle et on laisse le marché aux mains des agents ; soit on fixe un certain nombre de règles pour éviter justement des situations où les agents de joueurs ont toutes les cartes en main avec, par exemple, des clubs belges qui peuvent être uniquement composés de joueurs africains. Personnellement, je pense qu’il faut un minimum de régulation pour éviter les excès. Il faut trouver un équilibre et il faut continuer à avoir des joueurs belges dans les centres de formation, ne fût-ce que pour être certain d’avoir une équipe de Diables Rouges dans 20 ans.

Vous voulez dire qu’il ne faut pas être naïf et que cette action en justice ne se fait donc pas pour la “beauté du geste”, mais qu’elle vise à renforcer le pouvoir des agents de joueurs ?

Il s’agit là d’une profession dont on peut se demander s’il ne faudrait pas davantage la réguler. Cela permettrait de rendre les compétitions beaucoup plus transparentes, étant donné que certains agents s’occupent parfois en même temps de joueurs, d’entraîneurs et de clubs qui s’affrontent sur le terrain. On peut donc légitimement s’interroger sur des championnats qui peuvent être faussés. Sans faire de généralisation excessive, les agents de joueurs ne sont pas des anges. En faisant sauter toutes les barrières, ils pourront faire venir davantage de très jeunes joueurs étrangers en Belgique avec les conséquences que cela peut avoir aussi sur le rapport à leur famille. Il faut donc être très prudent et voir ce qui peut se cacher derrière certaines actions en justice où des agents se présentent en victimes. Encore une fois, le sport a besoin de régulation.

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