Forte affluence prévue au “Davos du désert”

© Reuters

Décideurs politiques et grands patrons sont attendus en nombre au “Davos du désert saoudien” qui s’ouvre mardi, donnant à Ryad l’occasion de tourner la page de la crise provoquée par le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

La forte participation annoncée au Future Investment Initiative (FII) est aussi l’occasion pour l’Arabie saoudite de réhabiliter l’image du prince héritier Mohammed ben Salmane, dont la responsabilité a été mise en cause dans le cadre du meurtre de M. Khashoggi.

Ce dernier, survenu le 2 octobre 2018 au consulat saoudien d’Istanbul, a plongé le premier pays exportateur de pétrole brut au monde dans l’une des pires crises de son histoire et provoqué à la dernière minute une vague de boycott de la précédente édition du “Davos du désert”.

Mais ce forum de trois jours, dont le but affiché est de présenter le royaume saoudien comme un pays dynamique et ouvert à l’investissement, devrait être relancé cette année alors que l’indignation mondiale provoquée par le meurtre de Jamal Khashoggi semble se dissiper.

Invités d’honneur, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président brésilien Jair Bolsonaro prendront la parole devant le FII, a déclaré à l’AFP un responsable occidental.

Le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, dirigera une délégation de haut niveau comprenant Jared Kushner, conseiller et gendre du président Donald Trump.

“Il s’agit de l’événement le plus important du calendrier annuel des affaires en Arabie saoudite”, estime auprès de l’AFP Steffen Hertog, professeur associé à la London School of Economics.

“La communauté internationale des affaires a (commencé) à oublier Khashoggi”, assure-t-il.

– “A bras ouverts” –

Des grands groupes comme Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Citigroup participeront au FII en compagnie de leurs hauts dirigeants, ont indiqué les médias américains.

“Les entreprises mondiales qui opèrent aujourd’hui en Arabie saoudite veulent souvent (…) éviter de parler de leurs activités dans ce pays”, explique sur le réseau social LinkedIn, l’Américain Larry Fink, PDG de BlackRock, gestionnaire d’actifs.

“Je considère qu’il faut faire le contraire. Les dirigeants (d’entreprises) doivent avoir un dialogue en public sur ce sujet. Non pas parce que tout est parfait en Arabie saoudite, mais justement parce que tout ne l’est pas”, dit-il, pour justifier le retour au FII cette année de BlackRock.

Pour les banques et les consultants internationaux, le FII sera aussi l’occasion de rester attentifs à l’introduction projetée en Bourse du géant pétrolier d’État saoudien Aramco, considéré comme l’entreprise la plus rentable du monde.

Le royaume prévoit d’introduire en Bourse jusqu’à 5% d’Aramco, pourcentage évalué entre 1.500 et 2.000 milliards de dollars.

“L’année dernière, certaines entreprises ont estimé qu’il valait mieux éviter d’envoyer des représentants de haut niveau, car l’affaire Khashoggi était encore récente”, note Ghanem Nuseibeh, fondateur de Cornerstone Global Associates, une société de conseil basée à Londres qui a défendu avec vigueur le royaume dans l’affaire Khashoggi.

Celle-ci n’est désormais plus considérée “comme une raison pour boycotter un événement aussi important”, juge-t-il auprès de l’AFP. “Les entreprises mondiales veulent faire des affaires en Arabie saoudite et l’Arabie saoudite les accueille à bras ouverts”.

– Retour discret –

“Les entreprises reprennent discrètement leurs activités lucratives en Arabie saoudite, mais elles doivent assumer leurs propres responsabilités en matière de droits humains”, rappelle Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen-Orient de Human Rights Watch (HRW).

La CIA et une experte de l’ONU ont mis en cause dans cette affaire le prince héritier saoudien qui dément avoir ordonné l’assassinat de ce journaliste critique du régime, même s’il dit en porter la responsabilité en tant que dirigeant du royaume.

Le meurtre de Jamal Khashoggi a terni l’image du prince héritier et jeté de l’ombre sur son ambitieux programme de réformes, visant à libérer l’économie de sa dépendance au pétrole.

“Un nombre record de réformes commerciales” a été réalisé en Arabie saoudite “au cours de l’année écoulée”, a estimé la Banque mondiale.

Cependant, le royaume peine à attirer les investissements étrangers dont il a besoin pour diversifier son économie, notamment après avoir réprimé des centaines de dirigeants d’entreprises locales lors d’une vague campagne anticorruption en 2017, pendant laquelle le Ritz-Carlton, un hôtel à Ryad, a été transformé en prison cinq étoiles.

“Le véritable défi pour les décideurs politiques saoudiens est d’attirer des investissements à long terme dans des projets non liés à l’énergie”, juge auprès de l’AFP Cinzia Bianco, chargée de recherche à l’European Council on Foreign Relations.

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