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“Entre la richesse des nations et le bonheur de leurs habitants, trouver la juste mesure”
Comme le PIB mesure la richesse d’une nation, certains n’hésiteront donc pas à affirmer qu’il mesure aussi le bonheur de ses habitants. La réalité est pourtant bien plus nuancée.
Le PIB, le produit intérieur brut d’une nation, c’est la somme de toutes les valeurs ajoutées brutes dans un pays pendant une année. La valeur ajoutée c’est, pour faire bref, la différence entre le prix de vente et le prix de revient : la différence entre le prix obtenu lors de la vente et les coûts précédemment encourus. La TVA, la taxe à la valeur ajoutée, est une taxe d’un pourcentage convenu sur cette différence.
Le PIB, qui est donc la somme des profits, à laquelle sont ajoutés d’autres montants dont on considère qu’ils constituent une ” valeur économique ” incontestable, comme les dépenses de l’Etat, permet de donner une idée de l’activité économique d’un pays.
Comme le PIB mesure la richesse d’une nation, certains n’hésiteront pas à affirmer du coup qu’il mesure aussi le bonheur de ses habitants.
Plus d’argent mais plus d’inégalités aux Etats-Unis ; un peu moins d’argent mais moins d’inégalités en Belgique. A chacun de juger !
On dira par exemple que dans tel pays, le PIB par tête est le double de ce qu’il est dans tel autre et qu’il est normal du coup que ses habitants soient plus heureux. Utilisé dans ce but, l’outil est assez grossier. La situation est en effet très différente s’il existe une classe moyenne très représentée et donc une majorité de personnes dont le revenu est proche du chiffre du PIB par tête, ou si, comme c’est de plus en plus souvent le cas de nos jours, la classe moyenne fond rapidement en raison de la révolution numérique, et les revenus de la population prennent une forme ” en haltère ” : beaucoup de riches et beaucoup de pauvres, séparés par une classe moyenne anémiée. Le revenu moyen s’élève alors, pendant que stagne, voire baisse, le revenu médian, celui tel que la moitié de la population touche plus et l’autre moitié, moins. La raison ? Le revenu médian exprime le ” sort commun ” tandis que la moyenne est déformée à la hausse par le montant des très gros revenus.
Le coefficient de Gini mesure les inégalités de revenus à l’intérieur d’une population. Or on peut imaginer deux pays où le PIB par tête est le même alors que le Gini diverge. C’est pourquoi, de nos jours, les ” indices de bonheur ” des habitants d’un pays intègrent également le Gini.
Voici quelques chiffres de la Banque mondiale (2016). Le Gini est exprimé en pourcentage ; un pays où tout le monde gagnerait autant aurait un Gini de 0. Les revenus sont exprimés en milliers de dollars par tête.
On est plus riche au Brésil qu’en Ukraine mais les inégalités y sont beaucoup plus criantes. Vaut-il mieux vivre aux Etats-Unis qu’en Belgique ? Plus d’argent mais plus d’inégalités aux Etats-Unis ; un peu moins d’argent mais moins d’inégalités en Belgique. A chacun de juger !
De simples chiffres ne permettront bien sûr jamais de mesurer avec exactitude le bonheur lequel, bien plus qu’une quantité quelconque, reflète une qualité de vie.
Une très remarquable leçon de sagesse se trouve dans les réflexions de Simon Kuznets, prix Nobel d’économie 1971, qui écrivait en 1937 dans une réflexion sur le ” revenu national ” dont il était le concepteur, un chiffre économique qui préfigurait le PIB :
” Il serait très appréciable de disposer d’estimations du revenu national dont auraient été soustraits du total les éléments qui, du point de vue d’une philosophie sociale plus éclairée que celle d’une société d’accaparement, représentent un “mauvais service ” plutôt qu’un service. De telles estimations soustrairaient de notre revenu national présent les dépenses en armement, la plus grande part des frais de publicité, une part importante des dépenses liées à la finance et à la spéculation, et mieux encore, les frais qui n’ont été rendus nécessaires que pour contrer des handicaps qui sont à proprement parler les coûts induits de notre modèle d’économie : les dépenses gigantesques […] ne correspondant pas à d’authentiques services rendus aux individus constituant la nation qui ne sont, de leur point de vue, que le mal nécessaire pour pouvoir gagner sa vie “.
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