“En poste mais pas au pouvoir”, tout reste à faire pour Liz Truss, surtout l’impossible

Liz Truss © Belgaimage

Après ses excuses pour ses “erreurs” et après l’humiliation de l’abandon de son programme économique, la Première ministre britannique Liz Truss doit convaincre mardi de sa capacité à rester à Downing Street.

“En poste mais pas au pouvoir”, titre mardi le Daily Mail. “Humiliée”, écrit de son côté le tabloïd de gauche The Mirror. La mise en pièces lundi des baisses d’impôts promises par le tout nouveau ministre des Finances Jeremy Hunt ont ramené un semblant de calme sur les marchés financiers. Mais sur le plan politique, Liz Truss sort de l’épisode avec son autorité en lambeaux, contrainte d’appliquer une politique qu’elle rejetait encore récemment, impopulaire comme rarement l’a été un dirigeant britannique et ouvertement contestée par une partie de sa majorité après seulement six semaines en poste.

Il est difficile de concevoir une crise politique et économique plus grave que celle que le Royaume-Uni traverse actuellement“, écrit le journal conservateur le Daily Telegraph. “Le seul espoir pour la Première ministre d’éviter l’ignominie de devenir la personne qui est restée le moins longtemps sur ce poste depuis 1827 repose sur le fait de savoir si les députés conservateurs sont prêts à lui donner du répit”.

Popularité en berne

Après trois jours de silence pendant lesquels Jeremy Hunt est apparu comme l’homme aux commandes, Liz Truss a admis lundi soir sur la BBC “des erreurs”. La Première ministre conservatrice a promis de les “réparer”, en se disant “désolée”. “Je resterai à mon poste pour tenir mes engagements dans l’intérêt national”, a-t-elle assuré, avec en ligne de mire les prochaines élections prévues dans deux ans, pour lesquelles les travaillistes sont donnés largement vainqueurs dans les sondages.

D’après une enquête YouGov publiée mardi, un Britannique sur dix a une opinion favorable sur la Première ministre. Ce pourcentage grimpe seulement à 20% chez les électeurs du parti conservateur.

La présentation le 23 septembre de projets de baisses d’impôts massives et d’un soutien colossal aux factures énergétiques avaient fait craindre un dérapage des comptes publics. La livre avait chuté à un plus historique et les taux d’emprunt à long terme de l’Etat avaient flambé. La Banque d’Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de détériorer en crise financière.

Si un certain calme est revenu, les investisseurs restent nerveux: après un fort rebond lundi, la livre repartait en baisse mardi, tandis que les taux de la dette publique remontaient. Et les Britanniques, déjà confrontés à une chute historique de leur pouvoir d’achat, payent déjà les pots cassés avec des crédits immobiliers plus coûteux et les fonds de pensions, gérant leurs retraites, fragilisés.

“Position intenable”

“Tant de mal a déjà été fait”, a critiqué Rachel Reeves, responsable des questions financières au “Labour”, estimant que des excuses ne suffisent pas. Mais dans l’immédiat, Liz Truss va surtout devoir gagner la confiance de son propre parti, où les appels à la démission se sont multipliés. Un premier test politique majeur l’attend mercredi avec sa séance hebdomadaire de séance au Parlement.

“Je pense que sa position est intenable”, a déclaré le député Charles Walker. Cette situation “peut seulement être corrigée” avec “un nouveau Premier ministre”.

Liz Truss ayant refusé de démissionner et faute de remplaçant évident, il n’est pas facile de l’évincer pour les Tories. Ben Wallace, le ministre de la Défense qui fait figure de potentiel successeur, et le nouveau ministre des Finances Jeremy Hunt ont dit qu’ils n’étaient pas intéressés.

“Ses propres funérailles”

La journée de lundi a ressemblé à un chemin de croix pour Liz Truss. Jeremy Hunt a annoncé qu’il abandonnait “presque toutes” les mesures budgétaires annoncées par son prédécesseur et donc le programme économique sur lequel Liz Truss avait fait campagne cet été.

Liz Truss a ensuite envoyé la ministre Penny Mordaunt, chargée des relations avec le Parlement, répondre à l’opposition à la chambre des Communes. Elle s’est ensuite assise, silencieuse, le visage fermé, à Westminster aux côtés du chancelier de l’Echiquier. “C’était atroce à regarder”, écrit le Times. “Liz Truss était comme une personne en deuil à ses propres funérailles”, pour le Sun.

Les possibles remplaçants de Liz Truss

Malgré la ferme intention affichée par Liz Truss de rester Première ministre britannique, nombreux sont ceux dans sa majorité qui jugent la situation intenable et souhaitent son départ. Voici les noms qui circulent pour la remplacer.

Rishi Sunak

Battu par Liz Truss lors de la phase finale du processus de désignation du chef du parti conservateur cet été, l’ancien ministre des Finances était pourtant le candidat préféré des députés conservateurs.

Le richissime ex-banquier de 42 ans a pour lui le fait d’incarner la figure rassurante de l’orthodoxie budgétaire.

Pendant la campagne, il n’a eu de cesse de répéter que les baisses d’impôts non financées risquaient d’aggraver une inflation à un niveau record depuis des décennies et de saper la confiance des marchés.

Les faits lui ont donné raison, mais il a un handicap de taille: nombreux sont ceux parmi les fidèles de Boris Johnson qui voient en lui un traître dont la démission au début de l’été a précipité la chute de l’ancien locataire de Downing Street.

Jeremy Hunt

Ministre des Finances depuis vendredi, le nouveau chancelier de l’Echiquier semble être celui qui tient les rênes du pouvoir, tant Liz Truss est affaiblie. C’est lui qui a annoncé lundi le spectaculaire revirement consistant à revenir sur la quasi-totalité des mesures fiscales du gouvernement Truss qui ont créé la panique sur les marchés.

Cet ancien ministre des Affaires étrangères de 55 ans, expérimenté mais jugé peu charismatique, a pourtant assuré ce week-end à la BBC qu’après deux échecs, en 2019 puis cet été, il ne souhaitait pas se lancer dans une course au pouvoir.

Penny Mordaunt

Elle aussi candidate contre Liz Truss pour succéder à Boris Johnson, la ministre chargée des relations avec le Parlement a été la coqueluche des militants conservateurs en début de campagne.

Charismatique, cette ancienne ministre de la Défense de 49 ans s’est illustrée face au Parlement lundi où elle a remplacé Liz Truss face à l’opposition, défendant avec aplomb le revirement annoncé et expliquant que la Première ministre “ne se cache pas sous un bureau”.

L’hypothèse d’un ticket Mordaunt-Sunak a même récemment émergé, le Times évoquant mardi des discussions à ce sujet.

Boris Johnson

C’est un scénario qui circulait dans la presse conservatrice dès cet été: tel un phénix, “BoJo” ferait son grand retour, s’imposant comme un recours évident.

Fort du triomphe électoral de 2019, qui a accordé aux conservateurs une majorité indédite depuis Margaret Thatcher dans les années 1980, le héros du Brexit est néanmoins entravé par des boulets de taille. Son départ forcé par une succession de scandales dont celui des fêtes à Downing Street en violation des restrictions anti-Covid n’est pas si lointain et lui donne une part de responsabilité dans la débâcle actuelle.

Et, au moment où il embrasse une rémunératrice activité de conférencier à travers le monde, reste à savoir si Johnson, 58 ans, serait prêt à reprendre les commandes du parti à deux ans d’élections législatives où les sondages promettent une victoire écrasante de l’opposition travailliste.

Ben Wallace

Figurant parmi les favoris dans la dernière campagne pour la tête du parti conservateur, le ministre de la Défense, qui avait choisi de ne pas se lancer pour se consacrer à la sécurité du Royaume-Uni, a vu son nom ressurgir ces derniers jours comme une possible figure d’unité pour le parti. Ben Wallace, 52 ans, a toutefois semblé écarter ce scénario, en assurant mardi dans le Times rester à la Défense.

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