Crise grecque: pourquoi le recours au FMI s’impose

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La crise financière que traverse la Grèce divise les pays européens sur l’opportunité d’aider ce pays et sur l’hypothèse d’un recours au FMI. La seconde option semble pourtant la plus probable. Au risque de décrédibiliser l’Europe.

La fête nationale risque d’avoir un goût amer pour les Grecs cette année. C’est en effet le 25 mars prochain (jour de commémoration de l’insurrection de la péninsule hellénique contre l’empire Ottoman en 1821) que se tiendra le prochain sommet des dirigeants européens. A cette occasion, la Grèce saura enfin à quel saint se vouer : l’Union européenne ou le Fonds monétaire international. La roulette tourne toujours. Mais les jeux semblent déjà faits. Explications.

La Grèce a besoin d’argent, rapidement

La Grèce, plombée par une dette nationale de 300 milliards d’euros (soit 125% de son PIB), va devoir continuer d’emprunter. Le pays devra collecter environ 55 milliards d’euros en 2010 pour pouvoir rembourser sa dette arrivant à échéance, tout en conservant ses dépenses actuelles, dont 30 milliards d’ici avril-mai (environ 20 milliards d’euros de sa dette arrivant à échéance à cette période).

Or “la Grèce ne peut simplement pas se permettre de rembourser sa dette avec des taux d’intérêt” qui traduisent le risque actuel perçu par les marchés, estiment l’ancien économiste en chef du FMI, Simon Johnson, et l’économiste américain Peter Boone, dans une tribune publiée sur le site Project Syndicate. Lors de ses deux premières émissions obligataires de l’année, la Grèce a emprunté près de 13 milliards d’euros mais a été obligée d’offrir un taux supérieur à 6% pour attirer les investisseurs. Du coup, les gains budgétaires tirés des mesures de rigueur risquent de ne servir qu’à enrichir “les spéculateurs“, a mis en garde le premier ministre grec Georges Papandréou.

La solution européenne est bloquée

Sous la pression des marchés financiers qui ont fait plonger l’euro depuis le début de l’année, la Commission européenne a imposé au gouvernement socialiste grec un plan drastique de redressement des finances publiques du pays, avec pour objectif de réduire le déficit public de quatre points cette année. En contrepartie de ces mesures d’austérité, qui ont provoqué plusieurs journées de grèves nationales dans la péninsule, la Grèce demande “la solidarité” de l’Union européenne. C’est là que le bât blesse.

Les ministres des Finances de la zone euro ont affirmé lundi 15 mars s’être mis d’accord sur les modalités techniques d’une aide à la Grèce. Cette aide consisterait en prêts bilatéraux avec des taux d’intérêts plus élevés que la moyenne de la zone euro, pour ne pas avaliser les erreurs de gestion du pays. Mais aucun détail n’a été révélé, et les ministres ont évoqué une mesure de précaution qui ne devrait pas être utilisée. Et depuis, la chancelière allemande Angela Merkel n’a de cesse de répéter l’opposition de son pays à un soutien trop rapide.

Pour l’instant, l’Europe n’a fait que la première partie d’un plan d’aide traditionnel du FMI, commente André Sapir, titulaire d’une Chaire d’économie internationale et intégration européenne à l’université libre de Bruxelles, chercheur associé au think tank européen Bruegel : elle a défini un plan d’assainissement des finances publiques de la Grèce. Mais il manque la seconde partie du plan qui consiste à mettre de l’argent sur la table.

Le recours au FMI semble inéluctable

Officiellement, la solution purement européenne n’est pas encore écartée. La Commission européenne a encore appelé vendredi 19 mars les dirigeants des pays de l’UE à entériner dès la semaine prochaine la mise en place du plan d’action. Mais un tel accord semble peu probable, tant les dissensions politiques sont fortes. La Commission européenne, la BCE et la France sont hostiles à l’idée d’externaliser le sauvetage d’un pays de la zone euro au FMI. L’Allemagne en revanche, qui refuse de payer pour les dérives budgétaires de la Grèce et prône même un mécanisme d’exclusion de la zone euro, a indiqué clairement vendredi qu’elle n’excluait de recourir aux ressources du Fonds dirigé par Dominique Strauss-Kahn. Et Berlin n’est pas isolé. Les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni, l’Italie et même le président de la Commission, José Manuel Barroso, l’envisagent aussi.

En l’état des choses, seul le FMI dispose des instruments pour aider rapidement la Grèce, souligne Jean-François Jamet, professeur d’économie politique de l’Europe à l’IEP Paris, vice-président du comité d’orientation d’EuropaNova, collectif de citoyens visant à promouvoir une Europe politique. Le recours au FMI permettra à la Grèce d’accéder à un prêt à des conditions deux fois plus favorables que sur les marchés. Par ailleurs, les experts du FMI qui seront délégués dans le pays pourront vérifier la mise en place des mesures d’assainissement budgétaire en dehors de toute pression politique.

Un camouflet pour l’Europe

Si aujourd’hui la Grèce va au FMI, l’Europe va perdre la face car elle répète depuis des semaines qu’elle va trouver une solution communautaire, estime André Sapir. Il aurait été plus crédible d’envisager l’option FMI dès le départ : quand la maison brûle, on fait d’abord appel aux pompiers. Après seulement, quand le feu est éteint, on construit chez soi une caserne de pompiers.” Cette caserne pourrait prendre la forme d’un Fonds monétaire européen, idée lancée par le ministre allemand des Finances, qui ne soulève pas l’unanimité au sein des pays européens.

Lorsque la panique s’est emparée des marchés financiers à propos de la Grèce, les Européens ont annoncé une aide au pays, sans en dévoiler le contenu pour gagner du temps et trouver un accord politique et juridique. Or celui-ci semble impossible. La crise grecque est révélatrice de la faiblesse de la gouvernance économique en Europe. Elle témoigne de l’incapacité des Etats de la zone euro à mettre en place des mécanismes de solidarité financière“, conclut Jean-François Jamet.

Emilie Lévêque

Trends.be, L’Expansion.com

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