“Avec la nouvelle version de la taxe Caïman, le fisc dispose de munitions supplémentaires”
Avocat spécialisé en droit fiscal (Bloom Law) et professeur à l’ULiège, Denis-Emmanuel Philippe estime que le durcissement de la taxe Caïman pourrait faire mal aux Belges détenteurs de certaines structures patrimoniales étrangères.
Le gouvernement vient d’adopter deux arrêtés royaux modifiant les modalités d’application de la taxe Caïman. En quoi consiste ce changement ?
La liste des constructions juridiques visées par la taxe est élargie à certaines entités qui n’étaient pas clairement visées jusqu’ici, à commencer par la sicav privée dédiée. Ainsi, les membres d’une famille belge qui détiendraient des parts dans une SICAV-SIF dédiée au Luxembourg seront taxés par transparence en Belgique à l’impôt des personnes physiques, à hauteur des revenus recueillis par la SICAV-SIF. Et cela, de manière rétroactive, pour les revenus perçus à partir du 1er janvier 2018.
L’impact de la mesure est donc loin d’être cosmétique pour les Belges qui ont recours à ce genre de structures patrimoniales étrangères ?
Outre ses effets sur les fonds privés dédiés, la mesure impacte désormais les entités établies dans l’Espace économique européen, lorsqu’elles sont soumises dans leur pays d’origine à un impôt de moins de 1 % du revenu imposable déterminé conformément aux règles belges. La taxe pourrait frapper par exemple les Soparfi (sociétés de participations financières) luxembourgeoises (très prisées par certains résidents belges en mal d’optimisation fiscale) qui recueillent des revenus exonérés au Luxembourg, lesquels auraient été pleinement imposés selon les règles fiscales belges.
Dans un autre registre, elle frappe désormais les Belges détenteurs d’entités hybrides. Sont visées les entités ” opaques ” d’un point de vue fiscal belge, dont les revenus sont imposés dans le chef des associés dans le pays où elles sont établies. Même si la question est controversée, les Belges propriétaires d’immeubles en France via une SCI ( société civile immobilière, Ndlr) française pourraient à mon avis être impactés. De même que les Belges détenteurs de portefeuille-titres au travers de sociétés civiles luxembourgeoises.
On change donc complètement la donne pour les grosses fortunes belges établies à l’étranger…
Depuis septembre 2017, l’échange d’informations entre pays s’intensifie. Le fisc dispose de plus en plus d’informations sur les Belges qui ont des avoirs à l’étranger. Mais avoir des informations est une chose. Taxer en est une autre. Aujourd’hui, avec cette nouvelle version de la taxe Caïman, le fisc se dote de munitions supplémentaires pour imposer les détenteurs de structures patrimoniales étrangères faiblement imposées. C’est plutôt bien joué.
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