“Super Mario” : ce qu’il faut savoir sur le futur président de la BCE

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Les ministres des Finances de la zone euro ont désigné lundi l’Italien Mario Draghi comme successeur de Jean-Claude Trichet, en octobre prochain. Ce sera un changement de style pour la Banque centrale européenne, mais probablement pas de direction.

L’Italien Mario Draghi a franchi lundi soir une étape décisive en vue de succéder à Jean-Claude Trichet au poste stratégique de président de la Banque centrale européenne en novembre, en obtenant le soutien unanime des ministres des Finances de la zone euro. Sa nomination formelle, en pleine crise de la dette en zone euro, devra toutefois encore attendre un prochain sommet fin juin des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, seuls habilités à le faire.

Comment il s’est imposé

Grand favori de la course depuis plusieurs semaines, le gouverneur de la Banque d’Italie a tenu lundi à couper court aux rumeurs le voyant au dernier moment écarté pour être envoyé à la place à la direction générale du Fonds monétaire international, à la suite des déboires judiciaires aux Etats-Unis de Dominique Strauss-Kahn. L’inculpation de “DSK” a en effet relancé plus tôt que prévu le débat sur sa succession à Washington. Or, la chancelière allemande Angela Merkel avait à l’origine, à en croire la presse de son pays, milité pour que Mario Draghi remplace le Français au FMI plutôt que Jean-Claude Trichet à la BCE. Elle aurait eu des appréhensions à l’idée de nommer en pleine crise de la zone euro le représentant d’un pays très endetté, l’Italie, à la tête de l’institution chargée de veiller à la stabilité de la monnaie unique. “Mamma mia!”, titrait en octobre dernier le quotidien conservateur Bild. Pas question pour le tabloïd allemand, considéré comme la voix de la chancelière Angela Merkel, d’accepter un gardien de la zone euro issu d’un pays “où l’inflation est un mode de vie, comme la sauce tomate sur les pâtes”. Politiquement, la nomination d’un représentant d’un “pays du Club Med”, est difficile à faire passer auprès de l’opinion allemande, très inquiète de la stabilité monétaire. En outre, ce serait confier la BCE à deux pays du Sud, la vice-présidence étant actuellement assurée par le portugais Vitor Constancio. Surtout, Berlin espérait voir Axel Weber succéder à Jean-Claude Trichet. Mais l’Allemand a jeté l’éponge en février dernier en démissionnant de la Bundesbank. Depuis, Berlin n’a pas trouvé de candidat de remplacement. L’Allemagne s’est donc assise sur ses réticences, en contrepartie de l’assurance de voir deux Allemands nommés à des postes clés de la finance internationale – Wolfgang Schäuble à la présidence de la commission économique et financière de l’UE et Jens Weidmann à la présidence du Conseil de stabilité financière. D’autant que les autres candidats issus de pays du Nord, le gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas Nout Wellink, le président de la Banque centrale du Luxembourg Yves Mersch et celui de la Banque de Finlande Erkki Liikanen, n’ont ni l’expérience ni la réputation de Mario Draghi.

Pourquoi c’est le meilleur candidat

Sur le papier, “Super Mario” -comme on le surnomme à la City – est le candidat idéal pour le job de super banquier de la zone euro. L’homme possède en effet une expertise technique en politique monétaire et des compétences acquises au MIT (Massachussets Institut of Technology) sous la houlette du prix Nobel d’économie Franco Modigliani. Il a aussi enseigné à l’université de Florence, ainsi qu’à Harvard. De 1984 à 1990, il représente l’Italie au sein de la Banque mondiale. Mario Draghi occupe ensuite le poste de directeur du Trésor de l’Italie. Pendant une décennie, il supervise un vaste programme de privatisations, réforme la réglementation financière et engage l’Italie sur la voie de l’euro grâce à une réduction des déficits du pays. Mario Draghi quitte l’Italie en 2001 à l’arrivée au pouvoir de Silvio Berlusconi. En 2002, Il passe dans le privé: il devient vice-président de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Cette courte carrière dans l’une des institutions symbole de la crise financière mondiale est le seul point noir sur le CV de l’Italien. La révélation en 2010 du rôle joué par Goldman Sachs dans le maquillage des comptes publics de la Grèce n’a pas non plus joué en sa faveur, même s’il assure n’avoir jamais rien su de cette opération. D’autres pensent au contraire que cet épisode lui apporte l’expérience nécessaire du fonctionnement des marchés et de la culture financière anglo-saxonne. Depuis 2006, Mario Draghi préside la banque d’Italie, et siège à ce titre au conseil des gouverneurs de la BCE. Il dirige également depuis cinq ans le Conseil de stabilité financière, organisme international chargé par le G20 de coordonner la régulation financière mondiale.

Ce qui va changer avec lui… ou pas

A l’austère Jean-Claude Trichet devrait donc succéder un élégant et affable Italien de 63 ans. Une rupture de style donc, même si Mario Draghi est tout le contraire de Berlusconi: il est très discret sur sa vie privée – on sait seulement qu’il est marié et père de deux enfants. Quant à la gestion de la BCE, il n’y a pas de changement de direction à attendre. Pendant huit ans, le Français s’est attaché à maintenir la stabilité des prix en zone euro. Mario Draghi devrait en faire autant. Depuis plusieurs semaines, l’Italien s’est en effet lancé dans une opération séduction envers l’Allemagne, soulignant par voie de presse que le pays est “un modèle” pour la zone euro. Il n’a pas manqué de souligner l’importance de la stabilité des prix et soutient activement le durcissement de la politique monétaire de la BCE engagée par Jean-Claude Trichet pour lutter contre l’inflation. Ce n’est donc pas une “colombe”, comme le craignent les Allemands, mais bien un “faucon” – un partisan d’une ligne dure contre l’inflation – qui devrait prendre la tête de l’institution de Francfort.

Emilie Lévêque, L’Expansion.com

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