Qui est Mario Draghi, le nouveau patron de la BCE?

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L’Italien Mario Draghi succède à Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne. Ce sera un changement de style pour l’institution, mais probablement pas de direction.

L’Italien Mario Draghi, officiellement nommé président de la Banque centrale européenne (BCE) par les dirigeants européens le 24 juin dernier, prend officillement la succession de Jean-Claude Trichet aujourd’hui. Ce qu’il faut savoir sur lui.

Comment il s’est imposé

Grand favori de la course depuis de nombreuses semaines, le gouverneur de la Banque d’Italie avait aussi été pressenti pour prendre la direction générale du Fonds monétaire international à la suite des déboires judiciaires de Dominique Strauss-Kahn. La chancelière allemande Angela Merkel avait à l’origine, à en croire la presse de son pays, milité pour que Mario Draghi remplace le Français au FMI plutôt que Jean-Claude Trichet à la BCE. Elle aurait eu en effet des appréhensions à l’idée de nommer en pleine crise de la zone euro le représentant d’un pays très endetté, l’Italie, à la tête de l’institution chargée de veiller à la stabilité de la monnaie unique. De plus, Berlin espérait voir Axel Weber succéder à Jean-Claude Trichet. Mais l’Allemand a jeté l’éponge en février dernier en démissionnant de la Bundesbank. Or depuis, Berlin n’a pas trouvé de candidat de remplacement. L’Allemagne s’est donc assise sur ses réticences, en contrepartie de l’assurance de voir deux Allemands nommés à des postes clés de la finance internationale – Wolfgang Schäuble à la présidence de la commission économique et financière de l’UE et Jens Weidmann à la présidence du Conseil de stabilité financière. D’autant que les autres candidats issus de pays du Nord, le gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas Nout Wellink, le président de la Banque centrale du Luxembourg Yves Mersch et celui de la Banque de Finlande Erkki Liikanen, n’ont ni l’expérience ni la réputation de Mario Draghi.

La France a elle aussi fini par donner son accord, après avoir obtenu la garantie d’obtenir un siège au sein de l’organe exécutif de la BCE. Celui là même occupé par un Italien, Lorenzo Bini Smaghi, qui se serait engagé à démissionner avant la fin de l’année. De cette façon, Paris, qui perd la présidence avec Trichet, ne se retrouve pas sans représentant à la BCE.

Pourquoi c’était le meilleur candidat

Sur le papier, “Super Mario” -comme on le surnomme à la City – était le candidat idéal pour le job de super banquier de la zone euro. L’homme possède en effet une expertise technique en politique monétaire et des compétences acquises au MIT (Massachussets Institut of Technology) sous la houlette du prix Nobel d’économie Franco Modigliani. Il a aussi enseigné à l’université de Florence, ainsi qu’à Harvard. De 1984 à 1990, il représente l’Italie au sein de la Banque mondiale. Mario Draghi occupe ensuite le poste de directeur du Trésor de l’Italie. Pendant une décennie, il supervise un vaste programme de privatisations, réforme la réglementation financière et engage l’Italie sur la voie de l’euro grâce à une réduction des déficits du pays. Mario Draghi quitte l’Italie en 2001 à l’arrivée au pouvoir de Silvio Berlusconi. En 2002, Il passe dans le privé: il devient vice-président de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Cette courte carrière dans l’une des institutions symbole de la crise financière mondiale est le seul point noir sur le CV de l’Italien. La révélation en 2010 du rôle joué par Goldman Sachs dans le maquillage des comptes publics de la Grèce n’a pas non plus joué en sa faveur, même s’il assure n’avoir jamais rien su de cette opération. D’autres pensent au contraire que cet épisode lui apporte l’expérience nécessaire du fonctionnement des marchés et de la culture financière anglo-saxonne. Depuis 2006, Mario Draghi préside la banque d’Italie, et siège à ce titre au conseil des gouverneurs de la BCE. Il dirige également depuis cinq ans le Conseil de stabilité financière, organisme international chargé par le G20 de coordonner la régulation financière mondiale.

Ce qui va changer avec lui… ou pas

A l’austère Jean-Claude Trichet succède donc un élégant et affable Italien de 63 ans. Une rupture de style, même si Mario Draghi est tout le contraire de Berlusconi: il est très discret sur sa vie privée – on sait seulement qu’il est marié et père de deux enfants. Quant à la gestion de la BCE, il n’y a pas de changement de direction à attendre. Pendant huit ans, le Français s’est attaché à maintenir la stabilité des prix en zone euro. Mario Draghi devrait en faire autant. Depuis plusieurs semaines, l’Italien s’est en effet lancé dans une opération séduction envers l’Allemagne, soulignant par voie de presse que le pays est “un modèle” pour la zone euro. Il n’a pas manqué de souligner l’importance de la stabilité des prix et soutient activement le durcissement de la politique monétaire de la BCE engagée par Jean-Claude Trichet pour lutter contre l’inflation. Ce n’est donc pas une “colombe”, comme le craignent les Allemands, mais bien un “faucon” – un partisan d’une ligne dure contre l’inflation – qui prend la tête de l’institution de Francfort.

Par Emilie Lévêque (l’Expansion.com)

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