Plassat : portrait du dernier joker de Carrefour

© Image Globe/AFP

Georges Plassat, patron de Vivarte, prend les rênes de Carrefour. Un vrai défi pour ce multimillionnaire qui a “du Sarkozy en lui”, selon Jacques Séguéla.

Le sauveur de Carrefour? Cest un concert de louanges qui a entouré l’annonce de son arrivée, prévue le 2 avril, comme directeur général – il sera nommé PDG en juin du leader européen de la grande distribution. Georges Plassat l’a probablement savouré, à sa façon: ironique.

“Ce tohu-bohu a dû le faire rigoler et jubiler”, devine une ex-collaboratrice. Pour les pros du secteur, aucun doute: cet épicier de choc, passé par Casino, “est le seul à pouvoir redresser un groupe à la dérive, lesté par des résultats en chute libre et les ventes catastrophiques de ses hypers en France”, estime un expert.

Une mission quasi impossible à la mesure de cet homme de 62 ans, “portant beau et parlant haut”, selon le publicitaire Jacques Séguéla. Car, avec son énergie et sa rapidité, “c’est avant tout un capitaine de gros temps”, affirme un ancien lieutenant.

Un atout que ce spécialiste des situations désespérées a très vite mis au service de la distribution, après un bref passage dans l’hôtellerie. Embauché en 1983 chez Casino, le Provençal, tour à tour chaleureux et cassant, gravit les échelons pour devenir, treize ans plus tard, le président du groupe. Homme de terrain et commerçant dans l’âme, il n’aime rien tant que visiter les magasins.

Patron imprévisible, il nhésite pas, un matin, à convoquer son équipe de direction dans son bureau pour qu’ils se rasent et testent une mousse décriée par les clients ! Son acharnement paie: Plassat réussit à doubler le chiffre d’affaires de Casino, puis, dix ans plus tard, à redresser André en perte de vitesse.

Il faut dire que ce patron charismatique, connu pour ses joutes oratoires, sait galvaniser ses troupes. “Il prend de la place, mais on ne s’ennuie jamais!” sexclame un fidèle. “Il y a du Sarkozy en lui”, ose Séguéla. Comme lui, il exige la loyauté et ne supporte pas la mollesse. Faute de quoi, le chef coupe les têtes.

Non sans brutalité. Un caractère trempé qui lui a valu aussi des déboires. En 1997, il s’oppose à Jean-Charles Naouri, actionnaire de Casino, et se fait débarquer de la présidence. Deux ans plus tard, patron de Carrefour Espagne, il croise le fer avec le directeur général du groupe, Luc Vandevelde. “Un jour, Georges l’a sorti de son bureau par la peau du cou”, raconte un ami. Cest cette même intransigeance – il refuse de distribuer des dividendes aux actionnaires, deux fonds d’investissement anglo-saxons – qui provoque, en 2002, son éviction du groupe André. Une période que ce ” sensible “, dixit une proche, a occultée.

Même s’il effectue un retour triomphal aux manettes, un an plus tard, soutenu par le fonds tricolore PAI. Aujourdhui, rebaptisé Vivarte, l’ensemble spécialisé dans la mode (André, Minelli, Caroll, Kookaï) pèse 4 milliards deuros de chiffre daffaires et a fait de Plassat, qui en détient 10 %, un multimillionnaire.

Les actionnaires de référence de Carrefour Bernard Arnault (groupe Arnault) et Sébastien Bazin (Colony Capital) n’ignorent rien de ce passé agité. Et ont bien compris que Plassat ne viendra pas chercher des ordres chez eux. D’autant que le futur PDG se trouve en position de force. “Son caractère, son âge et sa fortune personnelle lui donnent une vraie liberté”, analyse un expert. De quoi aborder son ultime défi avec assurance.

L’homme, célèbre pour ses “gueulantes”, n’hésitera pas à casser les baronnies pour mettre tout le monde en ordre de bataille. “Tant mieux ! L’heure est grave, la tâche monumentale”, assène un consultant. Le fougueux sexagénaire devra redresser les ventes en France et réveiller l’esprit pionnier de l’inventeur de la grande distribution. “Il ne se décourage jamais”, jure un proche. Carrefour lui offre une dernière occasion de le prouver.

Corinne Scemama, L’Express.fr

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