À quoi ressemble le réseau de Jean-Michel Javaux, président de Meusinvest?

Un lieu où vous avez de bonnes chances de croiser Jean-Michel Javaux: le stade du Standard, les jours de match. © rudy Lamboray (belga image)

Si le mandataire Ecolo a été reconduit à la tête de Meusinvest, c’est parce que des patrons, des syndicalistes et des adversaires politiques le voulaient. Parce que le réseau de Jean-Michel Javaux connaît des ramifications parfois étonnantes. Le mouvement E-Change en est d’ailleurs une autre illustration.

De ces deux termes, quel est son préféré : président ou Meusinvest ? Commençons par le second, le plus évident. Jean-Michel Javaux est comme un poisson dans l’eau à Meusinvest, un organisme semi-public qui aide au financement d’entreprises en province de Liège. ” L’économie me passionne et en particulier l’économie du terroir, confie-t-il. J’adore visiter les entreprises, écouter les entrepreneurs parler de leurs projets. Je suis admiratif devant tous ces jeunes qui créent leur start-up, ces étudiants d’HEC qui lancent leur boîte. ” Il renoue avec un monde d’indépendants qu’il a très bien connu puisque ses grands-parents furent actifs, d’un côté dans la construction et, de l’autre, dans le commerce de beurre, fromage et lait. Son papa a travaillé dans le commerce laitier avant de bifurquer vers les thés, puis les vins et alcools. Bref, c’est plutôt le choix d’une carrière politique qui détonnait dans la famille.

” Quand j’étais coprésident d’Ecolo, j’étais obsédé à 98 % par toutes les infos qui sortaient, je participais à trois débats par semaine, explique-t-il. A un moment donné, je devais me réorienter. J’ai saisi cette opportunité de me tourner vers les métiers d’avenir, dans le développement durable bien sûr, mais pas uniquement. ” Jean-Michel Javaux a ainsi accompagné la diversification de Meusinvest, autrefois très concentrée sur les industries traditionnelles, vers les sciences du vivant, le numérique, l’aérospatial… ” J’ai dû aussi réapprendre beaucoup, ajoute-t-il. Mes cours d’économie dataient de quelques années. J’ai dû me replonger dans les business plans, l’Ebitda et toutes ces notions. ”

Au-dessus de la mêlée

Après ce détour par l’économie, revenons à notre point de départ et à la fonction de ” président “. Car Jean-Michel Javaux préside. Comme il a présidé le patro à Amay, ou le Conseil de la jeunesse d’expression française (battant le libéral Denis Mathen, aujourd’hui gouverneur de Namur et… ami du bourgmestre d’Amay) ou, bien sûr, le parti Ecolo. ” Il est presque adoubé par ses pairs, souligne son complice Jean-Pierre Di Bartolomeo. Il possède cette faculté de réunir autour de lui – naturellement, j’ai envie de dire – des personnes d’horizons différents. ”

A Meusinvest, c’est un peu pareil. Aucune logique politique ne devait maintenir Jean-Michel Javaux à la présidence de l’organisme. Ecolo n’y avait plus de siège (la répartition se fait selon les résultats des élections de 2014) et la présidence ” revenait ” au cdH. Mais voilà, autour de la table, tout le monde avait envie de poursuivre l’aventure avec lui. Et lui, de son côté, il a accepté d’avaler la couleuvre d’un mandat provenant de NEB (Nethys, Ethias, Belfius), mouillant ainsi les Verts dans cette galaxie de Stéphane Moreau qu’ils critiquent si volontiers. ” Au conseil de Meusinvest, nous avons des syndicalistes, des patrons, des banquiers, des politiques, et j’aime mener des réunions avec des acteurs aussi différents, dit-il. J’ai toujours apprécié ces rôles au-dessus de la mêlée, où il faut assurer l’équilibre entre les intervenants. Quand je présidais la commission des Affaires intérieures du Parlement wallon (1999-2003), je pense même qu’à force de vouloir être équitable, j’accordais plus de temps à l’opposition. ”

À quoi ressemble le réseau de Jean-Michel Javaux, président de Meusinvest?
© Rudy Lamboray (Belgaimage)

De Marc Raisière à Jean-Marc Nollet

Vous ajoutez à cela un solide sens de l’humour et une propension à relativiser le conflit politique, et vous avez forcément quelqu’un qui entretient des relations cordiales dans de nombreux cénacles. Il peut appeler n’importe quel patron liégeois mais aussi Eric Domb, Marc Raisière, Dominique Leroy, la famille Eloy et plein d’autres. Idem en politique avec Didier Reynders (un humour de second degré, parfois très froid, les rapproche autant qu’il les éloigne d’Elio Di Rupo), Jean-Claude Marcourt ou Benoît Lutgen. Jean-Michel Javaux fréquente le président du cdH depuis leurs 20 ans – ni l’un ni l’autre ne faisaient alors de politique – mais cette relation privilégiée bute peut-être aujourd’hui sur le destin exact à apporter à E-Change, un mouvement de réflexion politique qui illustre aussi la diversité du réseau de Jean-Michel Javaux.

Tout ce beau monde lui a-t-il fait oublier Ecolo ? Les coprésidents actuels ne sont pas ses meilleurs amis et il a été secoué par l’exclusion de Marie Nagy (conseillère communale et ex-députée, désormais membre de Défi). Mais il est toujours bien membre du bureau politique du parti et n’a pas envisagé de mener sa campagne communale sous une autre étiquette que celle d’Ecolo. Jean-Michel Javaux entretient toujours de bons contacts avec ses anciennes coprésidentes (Isabelle Durant, Evelyne Huytebroeck et Sarah Turine) et des figures comme Jean-Marc Nollet, Christos Doulkeridis, Philippe Henry ou Barbara Trachte. Cette dernière, qui a failli être l’une de ses coprésidentes, fait d’ailleurs partie d’E-Change.

Bourgmestre de la commune où il est né

Il y a une instance que Jean-Michel Javaux pourrait présider mais qu’il ne préside pas : le conseil communal d’Amay. Traditionnellement, ce rôle revient au bourgmestre mais un décret wallon permet de le confier à un conseiller dans un souci de distinguer l’exécutif du législatif, comme dans les parlements. Amay et son bourgmestre ont opté pour cette voie de sage gouvernance. ” Son ancrage communal est fondamental, analyse le député Ecolo Stéphane Hazée. Il est bourgmestre de la commune où il est né, c’est quelque chose pour lui. ” ” Il adore cette fonction, renchérit Jean-Pierre Di Bartolomeo. Elle lui apporte ce dont il a besoin : la reconnaissance. Il n’est pas matérialiste, il n’est pas attiré par l’argent. Ce qui lui fait du bien, c’est quand les gens lui disent merci. ”

Cette volonté de plaire vient de loin. Le patron de la Sowalfin se souvient qu’adolescents, Jean-Michel et lui jouaient aux voix de préférence sur le marché d’Amay. Ils serraient des mains et parlaient aux chalands comme des politiciens en campagne. Et à la fin, celui qui avait le plus de ” voix ” gagnait. Il ignorait que quelques années plus tard, il ferait plus de voix de préférence qu’un bourgmestre sortant et ancien ministre-président (Robert Collignon) et que son score mettrait fin à 80 ans de majorité absolue socialiste. Nul doute : il faut savoir bâtir un fameux réseau pour réussir pareil défi.

Ne l’invitez pas au resto !

Beaucoup d’hommes politiques ont leur cantine favorite. Pas Jean-Michel Javaux. Sa profession le conduit certes dans des restaurants, et pas toujours les plus mauvais, mais son délice gastronomique reste le hamburger aux abords du stade de Sclessin. Et s’il faut passer deux heures (ou plus…) dans un établissement, il les passera plus volontiers debout autour du comptoir à refaire le monde qu’assis autour d’une table. ” La buvette du club de foot, ça, c’est vraiment l’endroit que je préfère “, sourit-il.

Et si en plus, la sono joue du U2 à plein volume, ce sera encore mieux. ” J’ai dû les voir une quinzaine de fois en concert “, dit Jean-Michel Javaux. Grand amateur de rock, il s’offre de 20 à 30 concerts par an et affiche ” au moins 15 Werchter ” à son actif. ” Je reste curieux, ajoute-t-il. Je vais découvrir des jeunes groupes à l’atelier rock de Huy et mes enfants m’initient au rap. ”

Son réseau Digital

Sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Twitter, Jean-Michel Javaux égratigne bien plus souvent les arbitres de football que ses adversaires politiques. Il ne se passe guère de matchs du Standard de Liège, voire du FC Liverpool, sans commentaire en direct du bourgmestre d’Amay. Des commentaires sans retenue, avec ce brin de mauvaise foi qui caractérise les supporters. ” Je tweete tout le temps à chaud et je le regrette souvent, confiait-il récemment à la DH. Parfois, il vaudrait mieux que mon téléphone soit loin de moi. ” Cette spontanéité ne lui nuit toutefois pas et, au contraire, tendrait plutôt à renforcer son image de mandataire ” proche des gens “.

Rassurez-vous, les réseaux sociaux ne sont pas uniquement un outil sportif pour Jean-Michel Javaux. Ces derniers temps, il a beaucoup partagé les articles et cartes blanches présentant le mouvement E-Change (mais, soulignons-le, sans jamais y apporter de commentaire personnel ; il réserve cela au foot).

Sur Facebook, c’est avant tout le bourgmestre d’Amay qui s’exprime. Il annonce des chantiers, présente les dossiers du conseil communal, répond à des questions de citoyens ou remercie le personnel communal pour telle ou telle prestation. Et bien entendu, il diffuse volontiers des photos de festivités locales. Sa vie privée n’est pas masquée mais elle demeure quand même largement privée. Et c’est très bien ainsi. Si vous voulez des photos de vacances de la famille Javaux, tournez-vous plutôt sur Instagram. Vous y apprendrez qu’en vacances aussi, il se comporte en supporter. Par exemple, pour encourager son épouse Aurélie qui a couru le marathon de New York.

Stéphane Hazée

Stéphane Hazée
Stéphane Hazée© belga image

Il fut directeur politique d’Ecolo de 2007 à 2012. Il était l’expert attitré de Jean-Michel Javaux, alors coprésident, dans les négociations gouvernementales et institutionnelles de 2009 et 2010.

” Jean-Michel peut parfois sembler énigmatique, une sorte d’anguille pour ceux qui ne le connaissent pas bien. Mais c’est un homme de convictions. Quand nous avons négocié la sixième réforme de l’Etat, il était vraiment porté, comme d’autres d’ailleurs, par cet enjeu de sauver l’Etat. C’est un rassembleur, il possède cette étonnante capacité à fédérer les énergies positives. Et le revers, c’est qu’il peut avoir de la difficulté à assumer le conflit.

Son obstination à vouloir rallier autour d’objectifs communs ne l’a pas empêché de garder bien en tête nos priorités politiques. Jean-Michel fut d’une fidélité totale au mandat de négociation gouvernementale, même sur les points avec lesquels il n’était peut-être pas d’accord. Nous n’avons jamais vu de programmes gouvernementaux aussi progressistes et avec une empreinte écologiste aussi manifeste que ceux qu’il a négociés en 2009.

Jean-Michel a toujours noué beaucoup de contacts, parfois surprenants, hors d’Ecolo. Il considérait que c’était son rôle en tant que coprésident, qu’il fallait rechercher des ponts, des relais dans la société civile, et notamment les entreprises, pour faire avancer nos idées. Sa démarche avec E-Change est tout sauf hostile à Ecolo. Il se présentera aux élections communales comme tête de liste Ecolo. ”

Jean-Pierre Hansen

Jean-Pierre Hansen
Jean-Pierre Hansen© rudy Lamboray (belga image)

Il dirigeait Electrabel et Tractebel quand Jean-Michel Javaux présidait Ecolo. Ils ont si souvent débattu ensemble du nucléaire et du reste qu’ils sont devenus amis.

” Quand ils nous réunissaient, les gens attendaient peut-être à retrouver du sang sur les murs. Mais nos débats ont toujours été très courtois. Jean-Michel m’a même invité à prendre la parole dans un colloque d’Ecolo et cela s’est très bien passé. Depuis, nous continuons à nous voir régulièrement autour d’un américain-frites.

Il a une très grande capacité à saisir les évolutions sociétales. A la fois de manière analytique, avec sa tête. Mais aussi avec son estomac. Il avait, par exemple, senti avant beaucoup d’autres que les écologistes devaient aussi s’intéresser aux entreprises, que la création de richesse était une condition nécessaire – même si pas suffisante – pour améliorer le sort de chacun. On le voit aussi actuellement avec le mouvement E-Change.

Au-delà de nos différences d’âge, de métier et de positionnement sur de nombreux sujets, j’aime discuter avec Jean-Michel. Il n’est pas drivé par les stéréotypes, il apprécie de débattre avec des gens avec lesquels il n’est a priori pas d’accord. C’est, pour moi, le signe d’une personnalité d’un certain niveau.

Enfin, il ne faut pas oublier que c’est un vrai Liégeois. Il a ses racines. A Liège et à Amay. Cela n’allait pas de soi qu’une personne qui sente ainsi les grandes évolutions sociétales soit aussi passionné par la gestion de sa commune, un rôle souvent ingrat et qui exige beaucoup de disponibilité. ”

Jean-Pierre Di Bartolomeo

Jean-Pierre Di Bartolomeo
Jean-Pierre Di Bartolomeo© Pg – Febelfin

Directeur de la Sowalfin et ancien du cabinet de Jean-Claude Marcourt, n’avait pas 10 ans quand il jouait au foot à Amay avec Jean-Michel Javaux. Ils ne se sont jamais quittés et sont d’ailleurs leurs témoins de mariage respectifs.

” Jean-Michel a cette merveilleuse capacité de tirer les gens vers le haut. Je viens d’un milieu ouvrier. A l’époque, les fils d’ouvriers d’origine italienne fréquentaient l’école technique. Il a insisté et m’a convaincu que j’avais les capacités d’opter pour l’enseignement général. Sans cela, aurais-je pu le suivre, plus tard, à l’ULB ?

Jean-Michel a son réseau, très large, avec des personnes d’horizons très variés. Se laisser enfermer dans des clivages, il déteste cela. D’ailleurs, après le patro et le collège, il a été à l’ULB ! Mais au-delà de son réseau, il y a ” la bande “, son cercle d’amis très privés. Quand on se retrouve, nous faisons des parties épiques de La Ledge, un jeu de cartes italien. Dans cette bande, il y a des gens de tous les horizons, des gens de gauche et de droite. Il y a, par exemple, le député-bourgmestre de Huy, Christophe Collignon. C’est un autre exemple de la grande ouverture d’esprit de Jean-Michel.

Nos familles se voient très régulièrement. Sa femme et leurs enfants venaient chez nous pendant les interminables négociations institutionnelles entre 2007 et 2011. Jean-Michel rentrait le dimanche en fin d’après-midi, épuisé. Il se battait sincèrement pour le pays, c’est ancré en lui. Dire qu’il a fait son mémoire de sciences-po sur le séparatisme du Scottish National Party et qu’il se retrouvait à négocier avec Bart De Wever. ”

Paul Magnette

Paul Magnette
Paul Magnette© belga image

Bourgmestre de Charleroi

” J’ai appris à connaître Jean-Michel lors de négociations gouvernementales il y a une dizaine d’années. Nous sommes de la même génération, nous avons étudié à l’ULB et comme j’ai toujours été un peu écolo dans mon orientation générale, ça a tout de suite collé entre nous. J’apprécie sa franchise et son ouverture d’esprit. Ce n’est pas un homme de caste ou de clan, on discute beaucoup, sans forcément être d’accord sur tout.

Nous avons des contacts réguliers, ne serait-ce que par messages pour commenter l’état de la Wallonie, du monde ou de la gauche. Jean-Michel est très bien implanté à Liège mais ses réseaux et ses centres d’intérêts vont bien au-delà. Même s’il a pris un peu de recul, il reste passionné par la politique belge, en particulier du côté francophone. Il m’a parlé de son mouvement E-Change. Je pense qu’il aurait aimé que je le rejoigne. Mais moi, je n’aime guère ce côté ‘ni gauche ni droite’. ”

Bruno Venanzi

Bruno Venanzi
Bruno Venanzi© rudy Lamboray (belga image)

Quand Bruno Venanzi dirigeait Lampiris, Jean-Michel Javaux en était administrateur. Ils se retrouvent régulièrement au Standard de Liège, et désormais, dans le mouvement E-Change.

” Je croise beaucoup de politiciens au Standard mais lui, c’est un vrai supporter. C’est même inscrit sur sa peau ( le logo du Standard est tatoué sur son mollet gauche, Ndlr). Nous étions ensemble au stade en 2009 quand Sinan Bolat a marqué son but de la tête à la dernière minute pour nous qualifier en Coupe d’Europe. Qu’est-ce qu’on a fêté ça !

Jean-Michel joue toujours au foot. Je pense qu’il a besoin de retrouver ses coéquipiers, même si son emploi du temps ne lui permet pas de jouer chaque semaine. Il a besoin de ces contacts, de sentir ce que les gens ressentent. Je suis convaincu que c’est l’un de ses moteurs, avec le mouvement E-Change. Il voit bien que le système politique est bloqué, que les gens ne lui font plus confiance, alors il cherche comment faire autrement.

J’apprécie sa franchise et son ouverture d’esprit. Il ne ferme pas les portes de manière idéologique. Il écoute les points de vue et essaie de les concilier. C’est vraiment un rassembleur. Et en plus, il rit de mes bêtes blagues ! ”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content