Une enfance exploitée

Delphine Le Vigan, Les enfants sont rois, Gallimard, 352 pages, 20 euros. © PG

Dans “Les enfants sont rois”, Delphine Le Vigan flirte avec le roman de genre pour dénoncer l’exploitation des mineurs sur internet.

Kimmy disparaît pendant une partie de cache-cache. Cette petite fille de six ans est une star. Mélanie, sa maman, a créé la chaîne “Happy Récré” sur YouTube où elle met en scène Kimmy et son grand frère Sammy dans des vidéos vues par des millions de followers: les mômes y font du shopping, s’extasient devant les cadeaux qu’ils reçoivent des sponsors et se bourrent de junk food lors des sorties filmées en famille. La police judiciaire mène rapidement l’enquête, à la recherche d’un corps ou d’un ravisseur. Parmi les policiers chargés de l’affaire, Clara va se rapprocher de Mélanie. Les deux femmes sont de la même génération: celle qui était ado à l’époque des premières émissions de téléréalité, style Loft Story. Ce qui les différencie, c’est que Clara a été éduquée à l’image, à l’inverse de Mélanie qui a voulu passer de l’autre côté de la frontière et devenir une star à son tour.

Dans Les enfants sont rois, Delphine Le Vigan prend le prétexte d’un suspense policier pour dénoncer un phénomène sur lequel elle s’est beaucoup documentée, né aux Etats Unis mais qui prend de l’ampleur chez nous depuis environ sept ans. Sans jamais juger les protagonistes, l’auteure de Rien ne s’oppose à la nuit en 2011 et D’après une histoire vraie en 2015 essaie de comprendre les rouages qui se sont mis en place pour en arriver à ce que des millions de gens se passionnent pour ce qui n’est finalement que de la publicité déguisée. Certains considèrent ces parents comme des monstres. Mais le véritable monstre n’est-il pas l’époque qui autorise les enfants à avoir une existence virtuelle dès le plus jeune âge, parfois même avant la naissance? Au-delà de ce questionnement sociétal, Delphine Le Vigan met en évidence la détresse des personnages qui se prêtent à cette mascarade. Et le cinglant manque d’amour qui imbibe cette étrange ère numérique…

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