Trois questions à roland gillet

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Professeur à la Sorbonne ainsi qu’à l’ULB (Solvay), Roland Gillet se veut rassurant quant à une éventuelle crise de l’immobilier en Belgique, même si un retour de manivelle n’est jamais exclu.

1. Selon le FMI et l’OCDE, le marché immobilier en Belgique est surévalué. Est-ce vraiment le cas ?

ROLLAND GILET. Il est clair que les taux bas et la fiscalité liée à l’achat à crédit d’une maison ont conduit les prix des habitations à des niveaux plus élevés que leurs valeurs d’investissement. Le Belge est convaincu que l’achat d’une maison est un bon placement et que son bonheur passe par la propriété. Mais aux prix actuels, la rentabilité de l’immobilier résidentiel est loin d’être assurée. D’abord parce que l’achat d’un bien n’est pas nécessairement plus rentable pour son occupant que la location. Ensuite parce que l’immobilier résidentiel présente aujourd’hui plus de risques que par le passé. Des risques notamment liés aux changements structurels de la société : pertes d’emploi, divorces et séparations après sept ans en moyenne, emploi et mobilité, normes écologiques, etc.

2. Doit-on s’attendre à ce que les banques prêtent moins facilement suite au tour de vis de la Banque nationale ?

On voit effectivement que la Banque nationale est plus attentive aux crédits hypothécaires. Elle sait que les marges des banques sur les prêts hypothécaires se font aujourd’hui sur des taux courts très bas et qu’une remontée sensible de ces derniers pourrait venir manger ces marges. En obligeant les banques à augmenter leur coefficient de fonds propres à immobiliser pour les crédits immobiliers, son but est à la fois d’anticiper ce problème mais également de réduire l’accès au crédit à certaines catégories plus risquées d’emprunteurs, comme les jeunes ménages, qui sont les plus fragiles financièrement. Beaucoup de jeunes ménages estiment d’ailleurs qu’acheter leur logement est aujourd’hui devenu impayable.

3. Plusieurs marchés immobiliers ont souffert en Europe depuis la crise de 2008 (Irlande, Espagne, Pays-Bas). Faut-il craindre une crise immobilière en Belgique ?

Là n’est pas mon propos, mais il faut assurément rester attentif à deux éléments. Le premier, c’est la régionalisation du bonus logement. Les Régions adoptent des comportements différents en la matière, et cela peut déstabiliser le marché. L’autre élément à ne pas perdre de vue, c’est, comme mentionné plus haut, une remontée brusque et significative des taux d’intérêt qui pourrait provoquer une correction sensible des prix des logements, ce qui mettrait nombre de jeunes propriétaires dans une situation où leur bien pourrait même valoir moins que le prix d’achat, comme ce fut le cas pour les ménages américains durant la crise des subprimes, et puis en Espagne, ou encore plus récemment aux Pays-Bas. Ce n’est donc pas étonnant que la Banque nationale veuille encadrer davantage l’accès au crédit, même si les banques belges sont raisonnables et affichent des portefeuilles immobiliers conformes aux exigences en termes de risque.

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