Trois livres de chefs à dévorer

© PG

Le beau livre fait partie des traditions de Noël au même titre que la bûche. La cuvée 2019 version gastronomie est des plus goûteuses. De l’Alsace à l’Italie en passant par la Belgique, la France et l’Arménie, des chefs vous invitent à pénétrer leurs secrets culinaires pour mieux les imiter à la maison.

Un soir pluvieux de mi-novembre à Paris. A l’invitation des Champagnes Collet et de leur prix du livre de chef, Karen Torosyan vient de servir à deux tablées de spécialistes culinaires français son invraisemblable pigeon du mont Royal en croûte de graines, foie gras et anguille. L’une des ” croûtes ” dont le chef étoilé du Bozar Restaurant a le secret.

Un secret qui lui a d’ailleurs valu le titre de ” champion du monde de pâté-croûte ” en 2015. Ces pâtés aussi délicieux pour le palais que pour les yeux ont attiré Chihiro Masui, une autrice de livres de cuisine à succès qui a travaillé avec les plus grands chefs français : Frédéric Anton, Christophe Pelé, Pascal Barbot, Eric Briffart, etc. Des photos découvertes sur les réseaux sociaux l’ont conduite à appeler Karen Torosyan et à finalement aller manger au Bozar Restaurant. Un repas qui a duré cinq heures au bout duquel Chihiro Masui est tombée amoureuse du pithiviers, du koulibiac et du pâté-croûte de notre chef étoilé, né Arménien en Géorgie. De vieux classiques de la cuisine popularisés en France par Auguste Escoffier et que Torosyan remet au goût du jour en mélangeant les influences françaises et russes.

Trois livres de chefs à dévorer
© Richard Haughton

De nombreux pas à pas

De cette rencontre improbable est né un livre fabuleux Karen Torosyan : Secrets et techniques d’un cuisinier orfèvre. ” Les longues séances de shooting photo eurent un côté magique, presque irréel, se souvient Chihiro Masui. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu une telle précision. Une technicité telle que l’artisan devient artiste. Une espèce de maniaquerie perfectionniste que j’avais vue pour la dernière fois chez Joël Robuchon en 1996. ” Un joli compliment pour Karen Torosyan qui était grand fan des ouvrages de la Japonaise installée en France depuis quasi 30 ans. Dans ce livre sublimé par la photographie de Richard Haughton (sur fond noir, les pâtés-croûte sont très impressionnants), Torosyan partage 67 recettes gourmandes qui font les beaux jours de son restaurant : lièvre à la royale, quenelles de sandre-hommage à Alain Troubat, huître au sarrasin mousse de cresson, homard bleu, cocos de paimpol et chorizo, etc. Il y livre aussi quelques-uns de ses secrets et, au fil d’une centaine de pages de pas à pas illustrés, explique comment réussir les pâtes, monter un pithiviers ou réussir la décoration du pâté-croûte. A voir les réactions des deux tablées de collègues français, Chihiro Masui a parfaitement atteint son but : faire découvrir à la France l’immense talent d’un chef belge parfaitement inconnu. Et via un très grand éditeur en plus !

Chihiro Masui et Richard Haughton,
Chihiro Masui et Richard Haughton, ” Karen Torosyan : Secrets et techniques d’un cuisinier orfèvre “, éditions Flammarion, 288 pages, 45 euros.© PG

Trois livres de chefs à dévorer

Immanquable Hôtel Julien

Cela fait quasiment 65 ans que la famille Goetz est présente à Fouday au coeur de l’Alsace viticole et gastronomique. Ce qui était, au départ, un relais routier avec cinq chambres tenu par Yvette et Julien s’est mué aujourd’hui en un Hôtel Julien qui attire les Belges comme un aimant. Et à raison puisque cet établissement est le plus beau deux étoiles dans lequel nous ayons eu l’occasion de séjourner : spa de 2.000 m2 avec piscine extérieure chauffée, chambres tout confort dignes d’un palace, etc. Et la table est à l’aune du décor. Depuis 1976, Gérard Goetz et son épouse Marylène, la deuxième génération, font vivre ce grand hôtel familial où la convivialité est érigée en vertu cardinale. Même si aujourd’hui, leurs filles Eléonore et Hélène et leurs maris prennent de plus en plus d’importance.

Trois livres de chefs à dévorer
© Louis Laurent Grandadam

Ce n’est finalement pas étonnant que Gérard Goetz, ami personnel de la famille Wijnants-Rigolet du Comme chez soi à Bruxelles, ait décidé de partager sa passion pour une région et des produits qu’il décline dans son établissement depuis plus de 40 ans dans un livre à conseiller à tous les passionnés d’Alsace. Le chef ne se contente pas de livrer sa version de recettes typiques, il exalte aussi les produits de chez lui comme le boudin noir, le jambon cru fumé, la poule noire, l’oignon de Sélestat ou la carotte de Colmar. Evidemment, le cuisinier amateur y trouvera de quoi préparer une véritable choucroute alsacienne ou une flammekueche. Mais le vrai bonheur se trouve dans les secrets du saumawe (estomac de porc farci), de la totche (galette de pommes de terre alsacienne), du presskop (fromage de tête) ou de la mystérieuse palette à la diable. En cette période de Noël, le lecteur apprendra aussi à préparer tous les délices sucrés typiques qui se terminent en e : le mannele (bonhomme de Saint-Nicolas), le bredele (le petit gâteau de Noël) ou le berewecke (le gâteau aux poires). Sans oublier le pain d’épices façon Goetz. De quoi faire un vrai marché de Noël alsacien à la maison !

Gérard Goetz,
Gérard Goetz, ” Alsace. Un paysage gastronomique “, éditions La Martinière, 408 pages, 45 euros.© PG

Francesco Cury et Ugo Federico
Francesco Cury et Ugo Federico© Alexandre Bibaut

De Florence à Bruxelles

En un peu moins de cinq années, Ugo Federico et Francesco Cury ont réussi à marquer la gastronomie italienne à Bruxelles. Ce qui a commencé comme une rencontre fortuite au restaurant florentin Cibrèo, s’est mué en une solide amitié et en un projet de vie à Bruxelles. D’abord sur les marchés avec leur pizza frite et du vin et puis, enfin, dans leur Racines, une maison de bouche ixelloise à la longue cuisine ouverte où on ne sert pas de viande.

Trois livres de chefs à dévorer
© Alexandre Bibaut

Ugo y règne sur la cuisine qu’il aime locavore et qu’il anime en suivant les concepts du slow food. Federico veille sur la salle et une étonnante cave qui fait la part belle aux vins natures, bios et biodynamiques. Ce duo complémentaire vient de coucher sur papier leur réinterprétation de la cuisine italienne et de certains de ses fondamentaux comme la focaccia, la caciotta (le fromage frais fait maison), la salsa di pomodoro (sauce tomate), le minestrone, le tiramisu ou les pâtes fraîches à l’eau ou à l’oeuf. Ugo y livre aussi 70 recettes auxquelles Federico associe le vin le plus adapté.

Ugo Federico et Francesco Cury,
Ugo Federico et Francesco Cury, ” A tavola “, éditions Racine, 178 pages, 24,95 euros.© pg

Défenseur de la saisonnalité des produits, le chef nous apprend à donner une touche de folie à des légumes d’hiver moins fun comme le céleri-rave (décliné en parmigiana), le navet (cuit en croûte de sel avec du rutabaga ou de chou rouge), le chicon (à la sauce aux anchois). Evidemment, les plats de poisson occupent une place centrale dans le livre : les calamars à la zimino (braisés avec des épinards), le pain perdu de sabre, le poulpe rôti ou à la luciana, un hommage de Naples à ses pêcheurs de Santa Lucia. Des recettes relativement simples à refaire chez soi et pleines de goût pour autant qu’on utilise des produits de qualité. Un chouette livre qui tranche avec la littérature gastronomique italienne habituelle.

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