“Sleepy Joe” s’est réveillé. Et de quelle manière!

Amid Faljaoui

Joe Biden m’étonne. Lui que Donald Trump surnommait “Sleepy Joe” (Joe l’endormi) montre qu’il a du tonus à revendre. Alors que Barack Obama avait suscité pas mal d’attentes pour ne pas faire grand-chose à l’arrivée, le président septuagénaire épate les observateurs par ses prises de décision audacieuses. La preuve? En proposant d’augmenter l’impôt sur les sociétés américaines à 28%, il effectue la plus importante hausse des impôts depuis… 1942! Augmenter l’impôt des sociétés en temps de paix, c’est en effet une première aux Etats-Unis. C’est même un renversement d’idéologie.

Bien entendu, si Joe Biden souhaite augmenter l’impôt des sociétés, c’est qu’il a besoin de cet argent pour financer son plan de rénovation des infrastructures de 2.200 milliards de dollars. Nos lecteurs qui ont déjà voyagé aux Etats-Unis ont pu constater que les ponts, routes et aéroports avaient besoin d’un très sérieux rafraîchissement. En Californie, l’Etat qui fait rêver le monde entier grâce à Hollywood et la Silicon Valley, on utilise encore du 110 volts! Et par charité chrétienne, je ne parle pas du métro new-yorkais…. Notons que ce plan massif ne se contentera pas d’éliminer les nids-de-poule, il permettra aussi de rehausser certains ponts d’un mètre afin de tenir compte du réchauffement climatique.

Il n’a pas le jeu de jambes de James Brown mais ses mains, elles, ne tremblent pas lorsqu’il s’agit de signer des plans d’envergure.

Et comme si ces déclarations musclées ne suffisaient pas, Joe Biden a aussi proposé l’établissement d’un impôt minimum mondial de 21%, projet qui sera soumis aux autres pays riches dans le cadre du G20 de la fin juin. Demain donc! C’est dingue: cela fait plus de 20 ans que l’OCDE demandait une telle harmonisation fiscale, en vain. Et voilà que l’augmentation de la dette publique suite aux conséquences du Covid et l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche vont transformer en réalité ce vieux rêve… ou cauchemar pour les multinationales concernées, notamment les Gafam habituées à ne rien payer nulle part.

Et en Europe, me direz-vous? Premier constat, la période est difficile pour les paradis fiscaux. “C’est un sale temps pour l’Irlande, les Pays-Bas et le grand-duché de Luxembourg”, comme l’écrivait l’économiste Jean Pisani-Ferry. Pour l’heure, ce qui sauve encore ces passagers clandestins, c’est que dans l’Union européenne, il faut respecter la règle de l’unanimité avant de modifier la fiscalité. L’impôt minimum européen n’est donc pas pour cet été. Pourtant, la pression des Américains va être terrible. Car ils vendront leur projet avec le mot “intérêt général” en bouche, mais “intérêt particulier” dans la tête. C’est clair, cet impôt minimum vise en effet surtout les multinationales américaines, priées de payer leur obole chez l’Oncle Sam et pas en Belgique ou en France!

L’histoire nous l’avait déjà montré: il faut se méfier des soi-disant endormis, des “Sleepy Joe”. Ne nous avait-on pas dit que Jean XXIII serait un pape de transition? Au final, il aura été l’un des plus grands de l’histoire. Même discours à l’époque à l’encontre d’Helmut Kohl, l’ancien chancelier allemand, considéré par les médias et ses pairs comme un “gros balourd”. Pourtant, c’est lui qui a été l’artisan de la réunification de son pays et de la naissance de l’euro.

Et donc, oui, “Sleepy Joe” risque encore de nous étonner. Les réseaux sociaux s’étaient moqués de lui lorsqu’il avait raté la marche de son avion présidentiel. Il montre aujourd’hui que s’il n’a pas le jeu de jambes de James Brown, ses mains, elles, ne tremblent pas lorsqu’il s’agit de signer des plans d’envergure. La jeunesse est bien une question d’état d’esprit, pas d’état civil.

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