Retour parmi les vivants

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“On l’a retrouvée. Merde alors. On l’a retrouvée. ” Léa n’est plus disparue, annonce son père. Le cauchemar s’arrête pour sa famille. L’adolescente est de retour à la maison, accueillie avec toute la bienveillance qu’il se doit par son père, sa mère et son frère Antoine. Olivier Adam fait débuter La tête sous l’eau comme se finissait Je vais bien ne t’en fais pas, adapté avec tout autant de succès au cinéma. ” La quête n’est plus liée à la disparition mais au retour “, nous dit-il voulant explorer cette situation fragile de retrouvailles après un moment qui n’a pas été partagé, d’autant que l’enlèvement de Léa relève du champ de l’horrible et du sordide. Au soulagement du retour succède très vite la pluie d’interrogations liées ” au retour au monde “, à une certaine reconstruction même si ” elle ne s’en remettra pas “. D’autant que le maniaque qui l’a kidnappée est toujours en cavale.

On se contentera d’y aller à tâtons, pas à pas, comme des têtards aveugles.

Pour écrire son roman, Olivier Adam voulait une chorale de points de vue et de voix. Pourtant, le lecteur n’aura quasiment droit qu’aux mots d’Antoine. ” Quand j’ai commencé à écrire, je voulais donner la parole à tous les protagonistes. Mais j’ai commencé avec Antoine et il a pris le pouvoir. J’étais bien avec lui, bien dans sa voix. ” C’est là tout le projet d’un livre qui nous plonge dans la tête d’un adolescent, période chahutée de la vie, d’autant plus quand on vit un drame familial. Cela implique, un vocabulaire, un style et un mode de vie que le romancier a adopté pour être le plus crédible. C’est pourquoi aussi le livre est publié dans une collection destinée aux jeunes adultes. Qui dit adolescence, dit grandir. C’est l’âge où l’on découvre l’imperfection de ses parents. Le père et la mère de Léa et d’Antoine n’ont pas réussi à faire survivre leur couple après la disparition de leur fille. Alors, quand ils feignent la survie de celui-ci au retour de Léa, pour ne pas la brusquer, Antoine ne comprend pas cette illusion. ” C’est un roman d’initiation mais elle est ici accélérée au vu de l’importance des événements. Tout prend une dramaturgie et une épaisseur si particulières “, constate l’auteur qui dit avoir déterré sa propre adolescence pour ” retrouver cette sensibilité, mélange de lucidité, d’hypersensibilité et d’hermétisme “. Chez ce jeune homme, Olivier Adam trouve ce type de personnage qu’il affectionne tant ” en étant à la fois là et légèrement sur le côté “. ” Antoine est un peu en retrait, il fonctionne comme une éponge. Sans doute qu’il sera écrivain, prédit son créateur qui parle de l’adolescence comme d’un éveil à la lucidité. C’est quand on se retrouve dans des situations de détresse morale que le monde entier se révèle. Antoine ouvre les yeux sur des domaines de noirceur et de douleur qu’il ne connaissait pas, mais aussi sur ses parents. ”

L’auteur d’ Un coeur régulier reste ici dans des sentiers connus : faire vivre à des gens ordinaires des situations qui le sont moins constitue sa marque de fabrique. Lui-même avoue trouver a posteriori une mythologie récurrente dans ses romans, notamment une peinture de caractères. ” Je remarque de livre en livre la reconduction de personnages qui ont des fonctions ou des âges différents mais qui ont la même étoffe. Le père, on peut le retrouver dans le Paul du roman Des vents contraires. La soeur est là depuis Je vais bien ne t’en fais pas. Le décor demeure cette côte d’Emeraude où le protagoniste trouve un terrain de jeu pour sa nouvelle passion, le surf. Malgré cet éventuel manque de surprise, la sensibilité de son écriture et sa délicatesse à décrire des sentiments profondément enfouis nous touchent. Seules incartades à la voix d’Antoine, les e-mails de Léa qui chapitrent le roman nous offrent une vision de jeunes gens impliqués dans le monde et pas indifférents à la chose politique et sociale, mais à leur manière, détachés et pourtant concernés dans leur plus stricte intimité.

Olivier Adam, ” La tête sous l’eau “, éditions Robert Laffont, 224 pages, 16 euros.

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