Pourquoi nethys rachète-t-il des journaux comme nice-matin ?

© BELGAIMAGE

Laissez dire les sots ; le savoir a son prix. (L’Avantage de la science)

Publifin s’intéresse depuis quelques années au monde des médias. En 2013, l’intercommunale qui portait alors le nom de Tecteo a frappé un premier grand coup en s’offrant Les Editions de L’Avenir. L’objectif de cette acquisition inattendue ? ” L’extension de nos activités au niveau des médias online et imprimés est une étape logique dans notre stratégie de développement et dans la poursuite de notre ancrage dans le paysage médiatique francophone “, précisait alors un communiqué du groupe liégeois. Celui-ci ajoutait : ” Les contenus deviennent un enjeu majeur du secteur et cette acquisition est une formidable opportunité pour Tecteo qui pourra les valoriser au mieux. ”

Eric Schonbrodt, administrateur délégué des Editions de l’Avenir, précise la stratégie médias de Nethys : ” L’Avenir est une marque ‘print’. Grâce au groupe Nethys, et particulièrement grâce à Voo, nous cherchons à monétiser notre contenu à travers de nouveaux canaux digitaux. ” La première (et unique) initiative en la matière date de juillet 2016. Le site internet du journal L’Avenir est intégré sur les box Evasion de Voo via une application dédiée. Résultat : quelques centaines de consultations par jour. Pas de quoi bouleverser le paysage médiatique wallon. ” Le succès est faible, je le reconnais, commente Eric Schonbrodt. Mais cette initiative est loin d’être un aboutissement. Nous cherchons un nouveau modèle économique pour la presse papier. ” Le patron du pôle médias de Nethys imagine aussi s’appuyer sur la filiale Be TV afin de créer des synergies entre les rédactions papier et télé avant, pourquoi pas, de créer une nouvelle chaîne télévisée.

Si les résultats ne sont pas encore au rendez-vous, l’évolution récente du paysage médiatique semble toutefois donner raison à Nethys dans cette volonté de jouer la carte de la convergence entre contenant (un câblo-opérateur) et contenu (des journaux et des magazines). En France, le rachat par SFR des titres Libération, L’Express et L’Expansion ainsi que la prise de participation de cet opérateur dans RMC et BFM TV attestent par exemple de cette tendance de fond que l’on a observée aussi aux Etats-Unis, notamment via l’acquisition du groupe Time Warner (CNN, HBO, Warner Bros) par le géant américain des télécoms AT&T l’automne dernier.

Beaucoup plus discret, Nethys n’en demeure pas moins gourmand et a enrichi, depuis 2013, son pôle médias avec de nouveaux titres de presse. Il y a un peu plus d’un an, le groupe liégeois a ainsi racheté l’hebdomadaire Moustique et son petit frère Télé Pocket aux Finlandais de Sanoma et s’est également offert le magazine Pub dédié aux professionnels de la communication. Côté contenu, la société de Stéphane Moreau a aussi joué la carte du cinéma en devenant, en 2015, l’actionnaire majoritaire de la société Taxshelter.be, mais ce sont surtout ses prises de participations dans des journaux du sud de la France qui témoignent aujourd’hui des ambitions de Nethys.

Il y a 15 mois, le groupe liégeois est en effet entré au capital du groupe de presse La Provence (éditeur des quotidiens La Provence et Corse-Matin) à hauteur de 11 %, avant d’investir, au printemps dernier, dans la société Nice-Matin, un autre groupe propriétaire des titres Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin. Concrètement, Nethys, via sa filiale Avenir Développement, a pris une participation de 20 % dans le groupe et devrait monter progressivement au capital pour y devenir majoritaire en 2019.

Mais quel est l’intérêt, pour une société qui fonctionne avec des capitaux publics, d’investir à l’étranger dans une industrie à bout de souffle – les ventes de la presse quotidienne ne cessent de chuter – alors que cet argent pourrait être dédié à des projets qui rejaillissent davantage sur le quotidien des Liégeois ? Du côté de Nethys, on affirme qu’il y a une réelle volonté d’élargir le pôle média du groupe et que cette extension n’est, pour l’instant, pas possible en Belgique, ni même dans le nord de la France où Rossel (Le Soir, Sud Presse, etc.) a déjà mis la main sur des titres comme La Voix du Nord et Le Courrier Picard. Même si l’éloignement géographique peut ici poser question, l’ambition de Nethys reste d’élargir son portefeuille de contenus au sein de ses activités, quitte à ce que cela passe par le sud de la France.

Outre l’acquisition d’un patrimoine immobilier non négligeable à l’étranger, le groupe liégeois espère évidemment, par ces acquisitions françaises, réduire certains coûts de fonctionnement, par exemple au niveau de l’informatique. Les synergies rédactionnelles, par contre, sont réduites à la portion congrue, vu le caractère local des sujets couverts. ” Les rédactions pourraient s’appeler au moment de la Coupe du Monde, mais c’est à peu près tout “, reconnaît Eric Schonbrodt.

Certains observateurs des médias vont cependant plus loin dans la réflexion ” Nethys ne va certainement pas dévoiler son jeu pour le moment, note un expert des médias. Mais il se pourrait bien que le groupe liégeois étoffe son pôle médias dans le sud-est français dans l’hypothèse d’un rapprochement futur avec Rossel. Les deux groupes belges pourraient en effet, à l’avenir, faire alliance et proposer, ensemble, une offre enrichie de presse régionale et nationale, tant en Belgique qu’en France, qui pourrait aussi passer par des plateformes de distribution digitale et par la télévision. La stratégie de Nethys est pour l’instant opaque, certes, mais elle peut se révéler à terme visionnaire, qui sait ? ”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content