Pourquoi j’ai échoué dans mon Bitcoin Challenge: l’avis des experts
Je me suis lancé dans le secteur des cryptomonnaies en mode amateur. Quelles erreurs principales ai-je commises ? J’ai posé la question à des spécialistes. Et ils ne sont pas tendres.
Après trois mois d’investissements en tous genres dans le secteur des cryptomonnaies, le bilan est sans appel. Je n’ai pas atteint mes objectifs. Pire, j’ai perdu un bon tiers de mon capital de départ. Un petit exercice d’autocritique pourrait aider les investisseurs amateurs (comme vous ? ) à ne pas commettre les mêmes bévues que moi, ou à mieux se préparer à affronter des circonstances similaires. J’ai demandé à des spécialistes de pointer les principales raisons de mon échec.
1.”Tu t’es enfermé dans un timing intenable”
C’est la critique qui revient le plus souvent. Je n’aurais pas dû délimiter au préalable un délai de trois mois. ” L’horizon d’investissement que tu as fixé était beaucoup trop limité, souligne Jean Wallemacq, codirecteur de la Belgian Bitcoin Association. Avec des actifs qui ont une telle variabilité, il faut investir à plus long terme. Sinon, cela reste de la pure spéculation. Du coup, tu es soumis à des facteurs comme les rumeurs et les effets d’annonce, qui ont une influence à court terme sur les valeurs des cryptos. Or, le prix instantané d’un actif crypto ne reflète pas nécessairement la valeur réelle d’innovation que l’on retrouve derrière le projet. ”
2.”Tu as investi au mauvais moment”
Non seulement le timing était trop court, mais il était en plus particulièrement mal choisi. Est-ce que j’aurais pu savoir que le marché allait s’écrouler ? Selon certains experts, des indices sérieux auraient dû m’alerter. Le marché était arrivé au bout d’un cycle, explique Sami El Bouamri, senior consultant chez Initio, société de conseil spécialisée dans le secteur bancaire et financier : ” Au départ, seuls les passionnés de l’informatique et les spécialistes de la blockchain investissent. Ensuite, les investisseurs institutionnels commencent à y jeter un oeil. Puis le grand public, les médias… et même les people s’y intéressent ! C’est à ce moment-là qu’il faut être le plus prudent. Parce que juste après commence la phase de la désillusion “, estime Sami El Bouamri. J’ai donc suivi le hype du moment sans trop réfléchir. Pire : à en croire certains experts contactés, j’ai participé à la création d’une bulle médiatique autour du bitcoin, qui m’aurait en quelque sorte auto-convaincu que je devais investir à ce moment-là : ” En janvier, beaucoup de gens se sont dit ‘Je craque, je ne peux pas laisser passer cette occasion, il faut que j’investisse.’ C’est la base de l’erreur que tu as toi-même commise. Et ce n’est pas une coïncidence si tu as proposé le sujet à ta rédaction à ce moment-là “, pointe Mathieu Jamar, ingénieur spécialisé en cryptomonnaies.
Au final, c’est sur les projets auxquels j’ai accordé le moins de temps que j’ai réalisé mes plus belles plus-values.
3.”Quand on attrape un couteau qui tombe, ça coupe”
C’est la suite logique de cette problématique du timing. A chacun de mes achats, je pensais naïvement réaliser une excellente affaire. Buy the fucking dip (BTFD ou Achète au plus bas) m’ont intimé plusieurs investisseurs au début du Bitcoin Challenge. Malheureusement, je n’ai jamais réussi cette opération, le bitcoin continuant à baisser après chaque acquisition. ” On appelle ça catching a falling knife (attraper un couteau qui tombe). Chaque fois que tu as voulu acheter du bitcoin en pleine chute, tu t’es coupé. Ce qui t’a pénalisé, c’est que tu étais sous la pression de ton challenge et que tu as voulu te rattraper à plusieurs reprises, sans succès “, analyse Solène, une investisseuse aguerrie, qui m’avoue qu’elle aussi a réinvesti trop tôt après l’envolée de décembre dernier. ” Je ne m’attendais pas à une chute pareille “, me confie-t-elle.
4.”Tu n’y connais rien en trading”
J’aurais dû mieux me renseigner sur les règles de base du trading, estiment plusieurs experts. Ce n’est pas faute d’avoir reçu des propositions de lectures et de nombreuses fiches détaillées sur les analyses techniques, ces schémas décortiquant les oscillations du bitcoin, à grand renfort de chandelles vertes et rouges. Mais, en raison d’un manque de temps et – je l’avoue – d’un manque de motivation, je me suis peu intéressé à ces analyses. Grossière erreur, estime Mathieu Jamar : ” Si tu t’étais mieux renseigné, tu te serais rendu compte que tu débutais tes investissements juste après une blow off phase (phase d’explosion). Derrière, c’est le krach. C’est ce qui s’est passé en 2013 : le bitcoin a connu quatre mois de baisse après cinq mois de hausse. Même chose en 2014 : un an de baisse après quatre mois de hausse ! ” ” Le trading, c’est un métier “, appuie Jérémy, spécialiste de la blockchain et des cryptomonnaies. Les analyses techniques auraient-elles pu me sauver ? Peut-être. Encore faut-il y croire, ce qui n’est pas le cas de tout le monde : ” On peut s’y raccrocher, mais, comme sur le marché des actions, ça ne vaut pas plus qu’un horoscope “, assène Raphaël Abou, managing director d’Allyum, bureau spécialisé en corporate finance.
5.”Tu ne t’es pas assez renseigné sur les projets”
Au début de mon expérience, je me suis intéressé aux projets développés derrière les différentes monnaies virtuelles dans lesquelles j’ai investi, comme l’ether, le litecoin ou le neo. Mais au fur et à mesure que l’échéance approchait, je me suis moins plongé dans les explications techniques et les perspectives business, pour me focaliser sur la rentabilité à court terme. ” Il faut se renseigner sur les altcoins que tu choisis. Personnellement, je n’investis jamais dans un projet auquel je ne crois pas “, avance Solène, investisseuse en cryptos. Cela dit, au final, c’est sur les projets auxquels j’ai accordé le moins de temps que j’ai réalisé mes plus belles plus-values. ” C’est la difficulté du marché des cryptos. La part d’inexplicable reste encore grande, pointe Raphaël Abou (Allyum). L’environnement spéculatif s’est créé avant même que l’on crée les produits. La valeur des différentes cryptomonnaies aujourd’hui n’est pas facile à déterminer : c’est plutôt une anticipation de l’utilité qu’elles pourraient avoir dans le futur. ”
6.”Tu es trop influençable”
Si je ne me suis pas renseigné en profondeur sur tous les projets dans lesquels j’ai investi, je me suis par contre beaucoup reposé sur des conseils d’investisseurs plus expérimentés que moi. J’ai reçu quantité d’informations et de suggestions via les groupes WhatsApp, Facebook, Telegram, Slack… sur lesquels j’ai été accueilli. Cela m’a permis d’éviter certaines erreurs et de faire quelques beaux coups. Mais peut-être leur ai-je fait une confiance aveugle ?
” Si quelqu’un a un super tuyau, pourquoi le partagerait-il avec tout le monde ? Je pense que ces groupes ne servent à rien “, tranche Raphaël Abou (Allyum). ” Tu aurais dû faire plus de choix personnels plutôt que de te référer à d’autres. Tu as manqué de courage “, ajoute Mathieu Jamar, qui pointe la qualité ” affligeante ” de la plupart des groupes de discussion concernant le bitcoin. ” Dans un marché haussier, tout le monde est un génie “, ajoute-t-il. Un adage que je n’ai pas eu l’occasion de vérifier durant ces trois mois de chute libre du cours du bitcoin.
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