Opération trois étoiles en Wallonie

Sang-Hoon Degeimbre"Je suis désormais convaincu que ce passage d'un Wallon à trois étoiles, c'est cela qui va changer la donne." © PG

Abasourdi par les résultats du Michelin, le chef de L’Air du Temps (deux étoiles) prend l’initiative pour concrétiser l’ambition wallonne. Sans compter sur les pouvoirs publics.

“En regardant le palmarès du Michelin, cela m’a blessé de voir cette scission encore plus grande cette année entre la Flandre et la Wallonie et Bruxelles. J’ai trouvé cela d’autant plus pénible que la cérémonie se passait à Mons et que tout s’est pratiquement déroulé en néerlandais.” A peine le séisme digéré, Sang Hoon Degeimbre, chef de L’Air du Temps à Eghezée, prend l’initiative.

TRENDS-TENDANCES. Vous lancez un projet “trois étoiles”?

SANG-HOON DEGEIMBRE. L’après-midi même de la remise des Michelin, j’ai tiré la sonnette d’alarme auprès de mes collègues et j’ai proposé de créer un petit groupe informel regroupant les chefs ayant le potentiel de décrocher deux ou trois étoiles en Wallonie et à Bruxelles. Nous allons effectuer des audits entre nous pour déterminer les détails à améliorer. C’est peut-être douloureux de se faire mettre deux claques par des collègues, mais nous sommes des amis. Cela se fera en confiance et dans la bienveillance. Nous, Wallons, devons être plus combatifs. Nous nous contentons trop de ce que nous avons. Il manque aussi une validation des jeunes talents par les chefs les plus renommés. C’est difficile de trouver un tel référent puisqu’il n’y a jamais eu de trois étoiles en Wallonie. Il faut bien partir de quelque part… Je suis désormais convaincu que ce passage à trois étoiles, c’est cela qui va changer la donne. Mais il y a un gros travail à mener et c’est impossible de l’accomplir seul.

Faut-il structurer une politique de la gastronomie en Wallonie comme ce fut le cas en Flandre?

Il y a malheureusement un fossé économique flagrant entre les Régions. La Wallonie est endettée, il faut trouver 500 millions pour le budget de cette année, le gouvernement ne va donc pas investir dans des segments qui lui paraissent futiles, même s’ils ne le sont pas selon moi. La Flandre l’a bien compris, à l’instar de l’Espagne, des pays scandinaves, du Mexique ou du Pérou. La gastronomie y est logée dans le tourisme parce que c’est un catalyseur qui fait voyager les gens, qui valorise l’image, qui met en avant les producteurs. Si on ne peut pas compter sur le gouvernement wallon, il faut sans doute une figure de proue. Voilà pourquoi je monte au créneau. Je n’ai pas envie d’obtenir trois étoiles pour satisfaire mon ego, cela m’importe peu. Mais il faut que je me trouve un but qui soit plus grand pour nos équipes, pour nos clients, pour nos producteurs, pour le pays – je ne vais pas dire pour la Région… Et j’ai envie de le faire!

Comment y arriver?

J’ai effectué une analyse assez profonde des trois établissements qui possèdent trois étoiles en Belgique. Qu’est-ce que je constate? Un confort de trois étoiles, sans aspérité. Une cuisine parfaite, mais très lisse… Tout y est blanc: dans l’esprit, dans le visuel. Il n’y a rien qui accroche… Moi, je me suis mis deux objectifs: pureté et nature. Pour un trois étoiles, il faut dominer son sujet, maîtriser les techniques, faire attention à tous les détails.

C’est l’importance de la visibilité du projet?

Oui, lisibilité et visibilité: les gens doivent voir que tout est maîtrisé. Je serai beaucoup plus exigeant de ce point de vue-là. C’est important aussi que ce projet appartienne à nos jeunes. Nous allons organiser au sein de notre équipe de 40 personnes des groupes transversaux de réflexion pour créer l’émulation. Il y aura aussi un pôle trois étoiles, avec l’appui de gens d’expérience. Un projet Michelin, cela met de la pression sur l’équipe, parfois à l’encontre de son bien-être. Or, nous prônons le bien-être. Il faudra trouver un juste milieu.

Retrouvez l’entretien intégral sur www.trends.levif.be/economie

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