Mobile homme

© PG / TRIGANO

Le richissime homme d’affaires français qui a permis au groupe Trigano de devenir numéro un européen du camping-car, vient de racheter la célèbre marque slovène Adria. Une étoile de plus pour le PDG qui prendra officiellement sa retraite en 2020.

Il y a quelques années, la reine d’Angleterre, en visite dans une usine de caravanes de Bristol, est invitée à faire un tour dans un mobile home. Une première pour Sa Majesté qui, ravie de l’expérience, déclare qu’elle s’y sent aussi bien qu’à la maison. La roulotte mieux que Buckingham Palace ? A défaut de pouvoir comparer, nos concitoyens s’accommodent très bien de ce mode de déplacement que l’on dit emblématique de la société des loisirs et de la génération des baby-boomers. Le plébiscite est avéré. En Belgique, le marché du mobile home a progressé de 52 % entre 2010 et 2016 et sur la dernière saison, le segment a enregistré une croissance de 15 % au niveau européen. Des chiffres que connaît par coeur François Feuillet, à la tête du groupe Trigano, leader européen du camping-car qui affiche un insolent chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros.

Le 25 septembre dernier, l’homme d’affaires de 69 ans, qui détient avec sa famille 57,8 % du capital, a officiellement mis la main sur la marque slovène Adria, l’une des références majeures du secteur avec 335 millions d’euros de revenus annuels. L’opération qui devrait permettre au groupe français d’accroître ses parts de marché en Allemagne et en Scandinavie est devenue monnaie courante depuis que Trigano a fait son entrée en Bourse en 1998 et multiplié les acquisitions. A l’époque, François Feuillet est déjà à la tête du groupe. Après un début de carrière de consultant chez KPMG et huit années passées comme directeur dans le secteur de l’ameublement, cet ancien de HEC rejoint en 1981 la direction de Trigano, alors détenu par le Crédit Lyonnais. Trois ans plus tard, en 1984, il est nommé directeur général et acquiert la même année la moitié du capital, puis 100 % en 1990.

Un instrument de liberté

” Depuis, ma carrière s’est arrêtée car je n’ai plus eu de promotion et je suis toujours au même poste. Je suis assis dans le même bureau depuis 36 ans. Rien n’a changé, à part la plante verte qui est dans le coin “, ironise le patron dans les locaux fonctionnels et sans âme du siège social, situé dans un quartier populaire du 19e arrondissement parisien. Si le renouvellement de la déco ne semble pas être la priorité de l’industriel, pour le reste, il a appris à faire le ménage. ” Quand je suis arrivé au début des années 1980, le marché de la caravane était encore florissant, avant de complètement s’effondrer, relate François Feuillet. Il a fallu réagir, assainir les comptes et se diversifier. ” C’est lui qui a l’idée d’étendre les activités du groupe à la fabrication de mobile homes, appelés communément camping-cars en France, et de restreindre la distribution d’articles de sport qui était, avec la conception de tentes, le core business de Trigano. Une intuition qui sera payante. Aujourd’hui, trois quarts des revenus de l’entreprise sont générés par la vente des motor-homes, loin devant les caravanes (4%), les remorques (8,5%) et les équipements de jardin (3%). Malgré le coût d’un camping-car, 50.000 euros en moyenne pour un modèle neuf, l’intérêt des retraités, qui forment la moitié des acheteurs, ne faiblit pas. ” Le camping-car est un formidable instrument de liberté, avance François Feuillet. Il est en plus économique car on ne dépense pas plus qu’à la maison. Et c’est le mode de séjour le plus écologique qui soit une fois que vous vous êtes arrêté. Le camping-cariste qui dispose d’une réserve d’eau maximale de 150 litres d’eau ne lave pas sa salade sept fois avant de la manger. ”

Ce bon vivant a beau être la 121e fortune de France qui pèserait, d’après les estimations, 580 millions d’euros, détenir des vignes en Bourgogne et posséder une superbe Chevrolet Convertible de 1947, une fois par an, il sillonne les routes à bord d’un Mc Louis de 3 tonnes et 6,5 m de long. ” Cet été, nous sommes partis une semaine en camping-car avec ma femme, ma fille aînée, Séverine, et mes quatre petits-enfants. Nous avons visité le Futuroscope, La Rochelle, l’île d’Oléron et fait une halte à Fort Boyard que les plus jeunes voulaient absolument voir, à cause de l’émission de télé. On s’arrête où l’on veut, on saisit des opportunités sans avoir besoin de réserver. Tout cela est très agréable et enrichissant. ”

Vingt-trois marques

Ne nous trompons pas, la rencontre bucolique avec la France profonde sur l’air de Nationale 7 donne aussi l’occasion au président du directoire de Trigano de tester ses produits en situation. ” Je m’aperçois parfois de ce qui ne va pas sur tel ou tel modèle, je fais des suggestions. Cela fait avancer les choses “, dit-il d’un air matois. Car il s’agit de plaire à une clientèle hétéroclite, répartie dans toute l’Europe et dont les goûts diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre. ” Un camping-car n’est pas une voiture, c’est un produit hybride avec une partie automobile et surtout une partie habitation qui est utilisée 23 heures par jour. Quand vous avez compris cela, vous avez compris pourquoi le marché du camping-car est spécifiquement local. Les attentes, que ce soit la taille des lits ou le style de la décoration, ne sont pas les mêmes selon qu’on est belge, italien ou allemand. C’est la raison pour laquelle Trigano rassemble autant de marques. Chaque pays est attaché à ses références. Et d’un point de vue économique, il est plus intéressant pour nous de confier la gestion à des business units implantées à l’étranger que de centraliser nos activités au sein d’une superstructure. Trigano, c’est une fédération de petites et moyennes entreprises qui s’échelonnent entre 5 et 1.000 employés en fonction de l’endroit où nous nous trouvons. ”

Le groupe, qui compte 8.000 collaborateurs, détient un panel de 23 marques de camping-cars, parmi lesquelles, l’italienne Arca, l’espagnole Benimar ou l’allemande Eura-Mobil, rachetées par le groupe français au cours de ces 15 dernières années. Les modèles de base coûtent 48.000 euros, les plus onéreux valent largement le prix d’une Ferrari. La comparaison s’arrête là surtout pour ceux qui continuent à snober les ” gros cubes blancs ” qui se traînent sur les routes et obstruent l’horizon. ” Si les camping-caristes sont lents, c’est parce qu’ils ont le temps “, rétorque François Feuillet. Le PDG se projetterait-il dans un mode de vie décontracté que l’on prête d’ordinaire aux pensionnés ? On peut oser le parallèle, puisqu’en 2020 – c’est officiel -, il passera la main. Sans toutefois céder le contrôle. ” Je resterai actionnaire majoritaire mais je n’aurai plus les mains dans le cambouis, même si ça me plaît, concède-t-il. Il faut savoir s’arrêter à temps. ” Son épouse, Marie-Hélène Feuillet, directrice générale de Trigano, prendra, dit-il, sa retraite le même jour que lui. Il y a encore tant de petites routes de France à découvrir.

Antoine Moreno

Cent vingt et unième fortune de France, ce bon vivant pèserait, d’après les estimations, 580 millions d’euros.

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