Marine Le Pen, la fin du mois et la fin du monde

Amid Faljaoui, directeur de de trends-tendances © AMID FALJAOUI, DIRECTEUR DE TRENDS-TENDANCES

Les regards des politiques et des économistes sont aujourd’hui tournés vers le second tour de l’élection présidentielle française. Le résultat ne concerne pas uniquement les citoyens de l’Hexagone mais l’ensemble des Européens. En effet, si Marine Le Pen devait l’emporter, ce serait une déflagration économique sur tout le continent. Et Dieu sait si nous n’en avons vraiment pas besoin. Est-il nécessaire d’en égrener les raisons? Après une pandémie de deux ans (même pas terminée) et une guerre aux portes de l’Europe comme on n’en a pas connu depuis 1945, ajouter une crise politique et financière de grande ampleur n’est franchement pas le moment. Pourtant, l’inquiétude est grande car les sondages qui donnent Emmanuel Macron vainqueur peuvent se tromper, d’autant que les dernières élections se sont moins déroulées en faveur d’un candidat que contre le président sortant.

Pour le citoyen, l’inflation n’est pas de 8% mais de 20% selon son propre panier de la ménagère, et pas celui traficoté par les instituts de statistiques officiels.

Donc, oui, la tentation du “dégagisme” est toujours très vive en France, surtout en cette période d’inquiétudes croissantes. Raison pour laquelle Emmanuel Macron a modifié son programme pour se rapprocher des aspirations des électeurs de Jean-Luc Mélenchon mais également de ceux de Yannick Jadot, le candidat écologiste. A ce propos, c’est l’une des leçons de ce scrutin. Tout le monde parle du climat et le dernier rapport du Giec nous dit qu’il est déjà presque trop tard pour inverser la courbe. Bref, le réchauffement climatique est le sujet par excellence… Mais au final, le candidat écologiste a récolté un taux d’adhésion inférieur à celui de l’inflation!

Car justement, ce qui a tué ce candidat vert et a porté une Marine Le Pen, c’est l’inflation. Ou plutôt le thème du pouvoir d’achat. Chez elle, il figurait en deuxième place (devant l’immigration et la sécurité) dans son programme de 10 pages. Or, chez Macron, l’expression en tant que telle ne figure même pas dans son programme de 13 pages. Bien entendu, ses partisans diront que le président sortant n’avait pas besoin de citer le pouvoir d’achat car il a pris plusieurs mesures en ce sens. Que ce soit la prime inflation de 100 euros, le blocage du tarif de l’électricité, le coup de pouce à l’indemnité kilométrique ou encore la ristourne carburant de 18 centimes par litre.

D’accord, tout cela est vrai, mais ce que découvre le président actuel – et j’imagine aussi nos politiques en Belgique – c’est que l’électeur ne s’intéresse pas au passé. Car le passé, c’est de l’acquis. Mais si l’électeur ne pense pas au passé, il a peur de l’avenir car il sait que ces mesures sparadrap sont par définition provisoires. Et les chiffres égrenés par les économistes, les politiques et les médias pour calmer le citoyen n’ont aucun effet car ce qui compte pour ce dernier, c’est son ressenti, et pas les chiffres macroéconomiques!

Pour le citoyen, l’inflation n’est pas de 8% mais de 20% selon son propre panier de la ménagère, et pas celui traficoté par les instituts de statistiques officiels. En fait, les conseillers de Marine Le Pen se sont souvenus de la campagne victorieuse de Bill Clinton en 1992 face à George Bush. A l’époque, Bill Clinton avait concentré sa campagne sur l’économie alors que Bush tirait fierté de son bilan en matière de politique étrangère. Lorsque Bill Clinton a gagné, cela a provoqué l’étonnement des journalistes. En guise de réponse, James Carville, le conseiller de Bill Clinton leur a répondu: ” It’s the economy,stupid”.

Marine Le Pen est en train de nous refaire le même coup mais le slogan sera plutôt: “It’s le pouvoir d’achat, stupid”. La fin du mois a remplacé la fin du monde.

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