Mamie Nova et le dépanneur

Didier Van Cauwelaert, " La Personne de confiance ", éditions Albin Michel, 208 pages, 19,90 euros.

Didier Van Cauwelaert aime provoquer les rencontres, surtout si elles sont décalées. Rencontre sous X faisait tomber amoureux un footballeur en déchéance et une actrice porno en plein gloire. Un aller simple, prix Goncourt 1994, mettait un jeune sans-papier sur la route d’un attaché humanitaire. Son nouvel opus, La Personne de confiance, envoie un dépanneur sympathique à la rescousse d’une vieille dame abandonnée à l’arrière de sa Rolls mal garée. Au moment de remorquer la belle cylindrée, il découvre Madeleine divaguant sur la banquette arrière. Direction l’hôpital où il apprend qu’il s’agit d’une célèbre patronne d’une biscuiterie, à la tête d’une sacrée fortune. Une fois ses esprits retrouvés, la vénérable ancienne pâtissière va emmener notre conducteur-grutier bien plus loin. Destination la Bretagne avec la ferme intention de reprendre le contrôle de son entreprise que son neveu s’apprête à vendre, après avoir subtilement fait passer sa tante comme inapte au management. Voilà le Maximilien devenir secrétaire particulier et imprévu d’une capitaine d’industrie, croisement de Liliane Bettencourt et de Mamie Nova, aidé de Samira, voisine de Maximilien dotée d’un fort caractère.

On croit qu’on ne sert à rien sur Terre, jusqu’au jour où quelqu’un vous demande l’impossible…

“Mad Max”

Deux personnes qui n’auraient donc jamais dû se rencontrer deviennent ainsi les complices d’une reprise en mains de leurs vies respectives. ” Madeleine et Maximilien (“Mad Max”, comme il les appelle) sont deux personnes aux antipodes de la société et de l’âge, explique Didier Van Cauwelaert. Je voulais montrer à travers leur rencontre qu’ils sont finalement très proches. ” Histoire touchante que celle de Madeleine, véritable self-made woman prenant ici une vraie revanche sur l’existence. ” Mais Maximilien aussi est un cabossé de l’existence. Enfant battu placé en famille d’accueil, il en a fait une force qui s’exprime à travers sa maîtrise de la langue française. ” Car notre mécanicien a le verbe haut, usant de son à-propos pour nous raconter à la première personne cette histoire avec une certaine gourmandise, faisant le sel de ces retrouvailles avec l’un des auteurs français les plus prolifiques. ” Maximilien n’a pas fait de ce pouvoir de la langue une source de colère mais une gratitude paradoxale. C’est un justicier qui part au quart de tour, fidèle à lui-même et aux bonheurs qu’il a éprouvés. ” Et c’est un peu une leçon d’humanité simple et bonne que nous donne l’auteur dans ce conte social, à l’humour bien senti, en pied-de-nez à destination des grincheux.

Accompagner la réalité

De par sa forme, celle d’un interrogatoire de police, cet ouvrage renferme toutefois une certaine urgence, que confirme le romancier. ” L’énergie de ce livre était l’idéal pour supporter ce que je vivais à l’époque “, nous explique celui qui a accompagné avec douleur les derniers instants de sa mère l’année dernière. Et de jeter un regard désormais plus apaisé sur ce qu’on appelle la fin de vie. ” Ces personnages m’ont permis d’accompagner la réalité, pas tellement d’atténuer la peine, mais plutôt de la regarder en face. ”

Ce qui réunit Madeleine et Maximilien, c’est une sorte d’audace. Placardisés par la société, l’une parce qu’elle est vieille, l’autre parce qu’il n’a pas d’éducation, ils plongent tous deux dans une aventure dans laquelle ils n’ont que peu de marge de manoeuvre mais avec l’avantage de leur nature profonde, celle de personnes sans couverture. On prend du plaisir à retrouver Didier Van Cauwelaert avec cette histoire simple à la morale pleine d’espoir. Se choisir une personne de confiance, c’est un risque, mais c’est déjà le signe que rien n’est perdu.

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