Le PDG de Russie S.A. et son OPA sur Ukraine S.A.

Amid Faljaoui

Pour l’Ukraine comme pour le covid, les spécialistes se succèdent à la télévision et à la radio, les médias de l’émotion. Chacun y va de sa théorie et, dans le cas de Poutine, je dirais même que chacun projette sa propre névrose. Pour les uns, c’est un fou. Pour d’autres, c’est un dictateur isolé des réalités de son peuple. Et pour l’économiste et géographe français Pascal Perri, c’est au contraire quelqu’un de très rationnel. En tant que géographe, il a regardé la carte de l’Ukraine, et en particulier les lieux de combats. Son résumé est simple: les richesses du sous-sol ukrainien sont les véritables raisons de cette invasion et non pas uniquement des raisons politiques, historiques ou de sécurité contre les missiles de l’Otan.

S’il rate son OPA, le PDG Poutine sait qu’il se fera virer par ses actionnaires oligarques, mais s’il réussit, il essaiera d’acheter d’autres entreprises dans le coin.

Selon Pascal Perri, Poutine est en train de réaliser un hold-up industriel et agricole de grande ampleur et cela au mépris du droit international. Le nouveau tsar russe estime qu’il ne fait que “copier les Américains qui ont mené des guerres coloniales au Moyen-Orient, qui ont mis la main sur l’Irak et entretiennent une relation de connivence avec l’Arabie saoudite et les pétromonarchies du Golfe”, écrit-il dans Les Echos. En clair, selon Pascal Perri, le président russe fait la même chose que les Américains mais avec le sous-sol ukrainien considéré comme “son jardin naturel”.

Le raisonnement est intéressant car il arrive quasi au même moment qu’un autre raisonnement réalisé par Philippe Brunet-Lecomte, un ancien journaliste reconverti en chef d’entreprise et qui a publié un post sur LinkedIn lu plus de 500.000 fois en 24 h! L’explication de ce succès? Simple: Philippe Brunet-Lecomte arrive à la même conclusion que notre géographe précité mais par un autre biais: il compare Poutine au PDG d’une entreprise. Bien entendu, ce n’est pas une entreprise géante car la production annuelle de la Russie (sa richesse sous forme de PIB) ne pèse que 1.500 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’Espagne ou de la Belgique et des Pays-Bas réunis.

L’entreprise Russie S.A. possède des stocks importants de gaz, de pétrole et de minerais, ce qui lui permet de dégager des résultats flatteurs. Seulement voilà, pour y arriver, la belle PME russe a des frais fixes importants: ses investissements militaires, quatre fois plus importants que ceux d’Espagne S.A. D’où la fragilité de Russie S.A., classée à la 65e place mondiale en termes de chiffre d’affaires par tête (PIB par tête), derrière le Costa Rica!

Poutine, le PDG de Russie S.A. a compris que son entreprise était en mauvaise posture. Qu’a fait notre CEO? Il a racheté d’abord quelques start-up (Crimée, Tchétchénie, Kazakhstan), mais aussi quelques boîtes en difficulté (Syrie, Libye et Centrafrique). Le business model du PDG Poutine, c’est l’ancienne multinationale appelée Union soviétique. Les concurrents ne sont pas contents, mais le PDG Poutine n’en a cure et, pour bien le montrer, il a lancé une OPA hostile sur l’entreprise Ukraine S.A. qui dispose d’un chiffre d’affaires de 150 milliards d’euros. S’il rate son OPA, le PDG Poutine sait qu’il se fera virer par ses actionnaires oligarques, mais s’il réussit, il essaiera d’acheter d’autres entreprises dans le coin. Mais il y a un souci à ce scénario et il est de taille: le PDG Poutine a été éduqué à l’ancienne. Il a donc tendance à négliger ses ressources humaines. Autrement dit, le peuple russe. Résultat, la stratégie de croissance externe de ce PDG pourrait être arrêtée nette si ses ressources humaines décident de se syndiquer et de faire la grève. C’est ce qu’espèrent ses concurrents, c’est-à-dire nous!

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