Le pacte faustien et le remake de ” l’idiot utile “

Amid Faljaoui

Et de quatre ! La semaine dernière Alphabet, la maison mère de Google a franchi la barre symbolique des 1.000 milliards de dollars en Bourse. J’écris ” et de quatre ” à dessein car c’est la quatrième société à rejoindre ainsi le club sélect et très étroit des entreprises valorisées à plus de 1.000 milliards de dollars. En 2018, ce sont les sociétés Apple et Amazon qui franchirent ce seuil incroyable. Rebelote en 2019 avec le revenant Microsoft. Maintenant, c’est le tour de Google, via sa maison mère Alphabet d’atteindre ce seuil magique des 1.000 milliards de dollars. A l’évidence, la prochaine candidate sur la liste sera Facebook.

Apple, Amazon, Microsoft et Alphabet sont puissants car nous les avons rendus indispensables. Nous les avons faits rois.

Le point commun de ces entreprises ? Elles appartiennent toutes au secteur technologique et sont américaines. De plus, ce qui est aussi frappant dans le cas d’Alphabet, c’est que cette société n’a que 21 ans. Pourtant, son chiffre d’affaires s’élève déjà à 160 milliards de dollars, soit un résultat cinq fois plus élevé qu’il y a 10 ans. Autrement dit, Google a grossi au rythme de 20% par an, et c’est évidemment énorme. Incroyable même. Et le plus étonnant encore, c’est qu’Alphabet, la maison mère de Google est attaquée par la justice européenne, qu’elle a déjà dû payer de grosses amendes, sans oublier que des candidats démocrates en lice pour l’élection présidentielle américaine veulent démanteler Alphabet.

Malgré ces nuages, il n’y a rien à faire, la Bourse reste sourde et aveugle à tous ces dangers. La preuve ? Le cours d’Alphabet ne cesse de grimper (+ 28% en 2019) et déjà + 7% depuis le début de l’année 2020. A nouveau, pareil parcours est incroyable. Les médias se gargarisent des tensions entre l’Iran et les Etats-Unis, de la trêve bidon dans la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine, nos médias évoquent aussi l’absence de gouvernement fédéral en Belgique, mais tout cela est vain. Le vrai business se fait ailleurs et, lui, continue de tourner (le CEO d’Apple a obtenu de Donald Trump d’être tenu à l’écart des sanctions contre la Chine pour éviter de faire le jeu de Samsung).

Les yeux de Chimène que porte la Bourse à ces géants du Web n’est donc pas le fruit du hasard. Aujourd’hui, pour ne citer qu’un exemple de leur puissance, Google et Facebook captent à eux deux plus de la moitié de la publicité numérique au niveau mondial. Aux dires des experts, leur part de marché va encore croître même s’ils devront partager le gâteau publicitaire avec Amazon. En clair, des monopoles se sont formés tranquillement devant nos yeux, qui ont rendu riches au-delà de l’imagination leurs actionnaires et patrons.

Dans le rôle de ” l’idiot utile “, le grand public ne se rend pas compte que ces géants, même s’ils sont devenus indispensables au quotidien, sont en réalité des machines à tuer en série. L’histoire des 10 dernières années a montré que ces géants de la tech éliminent ou rachètent à coup de milliards toutes les applications qui auraient pu leur faire de l’ombre. Facebook a avalé d’une traite WhatsApp et Instagram. Sur les cinq applis les plus utilisées au monde (Messenger, Facebook, WhatsApp, Instagram, Snapchat), quatre appartiennent à Mark Zuckerberg, le patron de Facebook.

Gardez à l’esprit qu’en moyenne 85% de notre temps digital est occupé par ces cinq applis ! De son côté, Shazam a été avalé par Apple. Quant à Motorola, Waze, Nest, toutes ces sociétés sont aujourd’hui sous le contrôle d’Alphabet (Google). Faut-il encore évoquer Amazon qui a mis à genoux de très nombreux commerçants physiques ? Bref, si vous vous demandez pourquoi Apple, Amazon, Microsoft et maintenant Google via sa maison mère Alphabet, valent chacun 1.000 milliards de dollars en Bourse, vous avez la réponse. Ils sont puissants car nous les avons rendus indispensables. Nous les avons faits rois. C’est un énième remake du pacte faustien. Nous avons vendu notre âme – nos données – pour des services en apparence gratuits. Mais comme le disait ma grand-mère, le gratuit coûte cher !

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