Le moment de vérité est arrivé, montrons notre cohésion

Olivier Mouton Journaliste

La pandémie de Covid-19 serait un moment charnière dans l’histoire de l’humanité. Plus rien ne serait plus jamais comme avant. Le “monde d’après”, comme on a eu brièvement l’outrecuidance de l’appeler, serait moins stressé, plus humain, soucieux des ressources de la planète et amoureux de la vie au sens large. Voilà ce à quoi beaucoup aspiraient. Puis, rapidement, notre soif de consommation et de vitesse a repris le dessus. Nos frustrations ont guidé nos pas et nos plaisirs, au rythme des réouvertures. Pas vraiment comme avant, non, mais presque.

Voici venu le moment de vérité. Cette reprise de nos habitudes en mode accéléré et ce retour de la croissance économique en guise de vertu se heurtent de plein fouet à des crises majeures dont les successions font frémir. L’inflation s’est installée durablement dans notre paysage, mettant en péril nos fins de mois, menaçant nos désirs avec les ruptures de chaînes d’approvisionnement. La guerre en Ukraine rappelle la fragilité de notre sécurité collective et appelle des réponses massives: autonomie énergétique, renforcement de nos défenses… La crainte de la fin du monde par le bouton nucléaire a repris le dessus sur la fin du monde par le climat, un risque pourtant martelé par des rapports du Giec passés largement inaperçus.

Soudain, le monde occidental s’aperçoit que la défense de nos valeurs démocratiques a un prix que nous ne sommes pas forcément prêts à payer.

Bien sûr, les plans succèdent aux plans. La relance européenne a cédé la place à une stratégie pour devenir indépendants de la Russie sur le plan énergétique. Milliards à la clé. “Mais l’urgence actuelle, c’est de savoir comment mettre fin à notre dépendance à l’égard des énergies fossiles russes maintenant et pas en 2030! regrette Bernard Keppenne, économiste en chef à la CBC. Les politiques n’en parlent pas. Au contraire, ils prennent des mesures contradictoires pour soutenir le pouvoir d’achat, comme des baisses de la TVA, qui prolongent notre dépendance. Il y a une incohérence politique majeure, une absence de conscience de la nécessité d’agir.”

Parce que l’éternel dilemme est de retour: la fin du mois contre la fin du monde. Soudain, le monde occidental s’aperçoit que la défense de nos valeurs démocratiques a un prix que nous ne sommes pas forcément prêts à payer – sur le plan militaire, c’est sûr, mais aussi économique. “A court terme, nous allons en payer le prix, cela va casser notre croissance, tempère Philippe Ledent, économiste en chef chez ING. Mais à long terme, les choix que nous posons sont les bons.”

Vladimir Poutine, tyran provocateur de Russie, ironise en affirmant que “l’économie européenne se suicide”. Il a tout faux, pour autant que l’on serre les rangs, que l’on accepte avec résilience que notre monde change et qu’il doit changer plus vite et plus fort encore pour répondre aux défis de la planète. Non, on ne parle pas de décroissance, mais de croissance vertueuse et de solidarité dans l’effort.

“Si la situation génère des tensions, une révolte sociale, si nous sommes dans une logique d’opposition, alors nous risquons de traverser cette période de façon plus difficile, insiste Philippe Ledent. Chacun doit prendre son fardeau, les partis politiques doivent être conscients de répartir l’effort, comme les partenaires sociaux!”

En Belgique, c’est un sentiment de discorde que l’on perçoit: des rumeurs font état d’un risque d’élections anticipées cet automne, le pacte social renouvelé se fait attendre et les partenaires sociaux ont échoué à s’accorder sur le job’s deal du printemps, loin d’être révolutionnaire. Le risque? Qu’à ce rythme, nous donnions raison au cynisme de Vladimir Poutine, à sa volonté de désunir, partout, tout le monde. Franchement, ne sommes-nous pas plus forts que cela?

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