Le dur salaire du labeur

Il est des restos perfectibles qu’on a envie de soutenir et de défendre par la qualité des assiettes envoyées et la gentillesse du service. Anarchy est de ceux-là. Niché dans une rue anonyme de Zaventem à quelques coups d’ailes de Brussels Airport dans un ancien resto italien aux innombrables vitres, Anarchy ne vous séduira pas par son décor qui ne semble ni vraiment commencé ni tout à fait fini. Et, à dire vrai, on s’en moque. Les chaises sont confortables et les tables bien espacées. La visite, indispensable, vaut pour les talents du couple qui anime les lieux, deux anciens de la Bozar Brasserie de Karen Torosyan : Céline Woltèche en salle et Sébastien Van der Beeten au piano.

Ces deux-là aiment leur métier. Et peu importe si les moyens sont limités, leur passion balaie ces contraintes le temps de quatre assiettes et d’une bouteille de vin. La carte est courte mais Sébastien privilégie les beaux produits et les circuits courts; à l’image de ces tomates si goûteuses qui viennent du jardin d’un pensionné du coin. Le bonheur n’est pas que dans le pré du voisin mais aussi dans ce menu en trois ou quatre services (38 ou 50 euros).

A la fin du repas, nous en avons revérifié le prix pour être sûr d’avoir bien lu. Car Sébastien sort des plats de grande classe sans commune mesure avec le prix demandé. Ses belles assiettes aux généreux produits et à la présentation élégante sentent le labeur acharné du passionné qui veut faire plaisir. Les accompagnements sont travaillés, les goûts multiples, les assaisonnements parfaits et les équilibres bien ajustés. Finalement, seule une toute petite faute de cuisson sur la barbue aux poireaux et chou romanesco sera l’exception qui confirme la règle.

Mention spéciale à l’oeuf parfait, croquant de pain et parmesan de 36 mois et au biscuit de tourteau, brousse de brebis et tomates du voisin. Dans ce dernier plat, Sébastien met en pratique son devoir de vacances : des petites billes de vinaigre balsamique qui apportent un peps incroyable à la préparation !

Transposez Anarchy à Ixelles ou à Uccle et c’est le carton assuré. C’est plus compliqué à Zaventem. Mais tout ce travail bien exécuté et réfléchi mérite mille fois qu’on s’aventure au-delà du ring de Bruxelles…